ces habitants des campagnes qui en ont "ras-le-bol" de la chasse

Dans les communes rurales, les habitants sont habitués à devoir composer avec la période de chasse. Mais avec les accidents à répétition, certains n’en peuvent plus. Des cyclistes, coureurs ou encore cavaliers qui ont évité de peu l’accident de chasse récemment font part de leur « ras-le-bol » à BFMTV.com.

« Une chose est sûre, il tirait vers la route, et pas très haut ». Dimanche matin, Alexandra Mouchoux et son mari effectuent tranquillement leur traditionnel jogging dominical sur une route de campagne au sud de Nantes lorsqu’ils sont alertés par des coups de feu à proximité. Quelques secondes plus tard, le couple a l’impression qu' »une pluie de graviers » s’abat sur lui.

De peur, la jeune femme se jette brutalement au sol tandis que son mari continue « plus ou moins de courir en s’abaissant » pour essayer d’échapper aux « graviers ». En réalité, Alexandra et son mari réaliseront plus tard qu’il s’agissait de plombs tirés par un chasseur qui chassait à quelques dizaines de mètres d’eux, et venait juste de tirer dans leur direction.

Un chasseur « éberlué »

« Sur quelques mètres, il y avait des arbustes le long de la route qui nous rendaient moins visibles mais une chose est sûre, il tirait vers la route, et pas très haut », se souvient la quadragénaire, interrogée par BFMTV.com.

« Après m’être allongée au sol, la peur aidant, je me suis relevée pour me mettre à vue et hurler ‘stop’ au chasseur qui se trouvait dans le champ, éberlué », raconte la coureuse, persuadée que le chasseur « n’a pas compris (sa) colère… ». « J’ai cru le voir me montrer qu’il avait tiré dans le ciel », se souvient Alexandra Mouchoux, qui a préféré quitter la zone le plus vite possible et n’a pas essayé de rattraper le chasseur. « Étant donné qu’il a rebroussé chemin, j’ai pensé qu’il avait compris son erreur », explique-t-elle.

En effet, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) préconise que « le tir ne doit jamais se faire à hauteur d’homme, ni sans s’être assuré que la zone balayée par les canons est déserte et sans risque ». Si le nombre d’accidents de chasse tend à baisser ces 20 dernières années, ils se multiplient ces dernières semaines, au grand dam de certains habitants des communes rurales. L’Office français de la biodiversité en a recensé 90 depuis le début de la saison, contre 80 la saison précédente. Huit d’entre eux se sont révélés mortels.

« Ce ne sont pas des cas isolés »

« On commence à réellement prendre conscience que ce ne sont pas des cas isolés », explique à BFMTV.com Léa Jaillard, co-fondatrice du collectif « Un jour un chasseur » – créé en 2021 après la mort de son ami d’enfance Morgan Keane afin de demander que la pratique de la chasse soit plus encadrée et sécurisée.

« Ça arrive tellement souvent que c’est une chance qu’il n’y ait pas plus de blessés », poursuit la fondatrice du collectif, qui assure recevoir une trentaine de témoignages de la sorte par semaine, venus de partout en France. Pour elle, « c’est faux de penser que les gens prennent des risques. Ils ne font que se promener, et parfois, ils sont même chez eux! C’est le contraire: les habitants n’osent plus sortir sereinement. »

Vidéos des cyclistes allant à la rencontre des chasseurs
Vidéos des cyclistes allant à la rencontre des chasseurs © BFMTV

Ce même dimanche, un groupe de sept cyclistes est touché par une volée de plombs alors qu’il se promène en VTT à Gennes-Val-de-Loire (Maine-et-Loire). Trois d’entre eux reçoivent des balles: une jeune fille de 17 ans en reçoit dans son casque, son père est touché au niveau de la côte et un ami en reçoit lui aussi dans son casque. Ils ont depuis déposé plainte pour « violence volontaire avec arme ».

À BFMTV, la jeune fille raconte que le chasseur, qu’ils avaient salué quelques minutes auparavant, visait en fait une perdrix qui se trouvait entre eux: « On l’a vu mettre son fusil en joue, et là on s’est dit que ce n’était pas possible, qu’il n’allait pas tirer… Pourtant, on a entendu la détonation du fusil. »

« C’est incroyable, on ne va pas en rando pour se faire tirer dessus! « , tonne la mère de la jeune fille à BFMTV.com. « Ce chasseur a tiré en ligne droite alors qu’il les avait en ligne de mire ».

« Mon mari a une rougeur et un hématome, mais pour ma fille on peut se demander ce qui se serait passé si elle l’avait reçu dans l’œil ou si elle n’avait pas mis de casque. On ne peut pas se promener tranquillement, que ce soit avec nos animaux ou avec des enfants en bas âge », développe la mère de famille, qui a découvert la vidéo de l’altercation à leur retour.

Coups de frayeur

« On en a ras-le-bol! », s’énerve Jade Bodard, une cavalière de 31 ans au micro de BFMTV.com. Elle aussi s’est retrouvée dans le joug d’un canon de fusil ce dimanche matin alors qu’elle préparait ses chevaux dans une propriété privée de Macau (Gironde) en vue d’aller faire une balade. Une sortie qui n’a finalement pas été possible puisque les quatre chevaux, effrayés par le bruit des coups de feu, ont paniqué. Les deux qui n’étaient pas attachés se sont enfuis à travers la prairie. Une scène immortalisée par son téléphone, puisque la jeune femme filmait à ce moment-là pour sa chaîne Youtube.

« On a eu très très peur, pour nous et pour les animaux », raconte cette cavalière. « Les premiers coups de feu ne nous ont pas alarmé tant que ça car on a l’habitude ici. Mais ceux qui ont suivis ont été tirés de beaucoup plus près, à seulement quelques mètres de nous ».

« C’est là qu’on s’est aperçu qu’ils avaient eu le culot de rentrer dans l’enceinte de la propriété », poursuit celle qui a vu les deux chasseurs et leur chien passer le grillage du domaine, avant de partir en courant. Heureusement, les plombs sont retombés dans les grillages de la propriété, ne faisant aucun blessé parmi les poules, chiens et autres chèvres présents sur place.

« On est constamment sur nos gardes »

Cavalière équestre depuis 25 ans, Jade Bodard se dit « fatiguée » de devoir constamment composer avec le risque de se faire tirer dessus en période de chasse. « Chacun ses loisirs », lance même la jeune femme. « Mais on en a marre de devoir composer avec le risque d’accidents… On n’est pas sereins, on doit constamment être sur nos gardes et s’adapter: changer de tenues, prévoir des lumières, parler fort exprès, choisir ses horaires de sorties… Et même en faisant attention, on se fait parfois insulter par ceux qui passent, qui nous reprochent simplement d’être là alors qu’il n’est pas toujours indiqué qu’il y a une battue. »

« Il y a des règles à respecter et je pense que la majorité des chasseurs respectent les règles parce qu’il y a très très peu d’accidents », déclare de son côté sur BFMTV Philippe Justeau, président de la Fédération départementale des chasseurs de Maine-et-Loire, même si « c’est toujours de trop un accident ».

Toutefois, le gouvernement a annoncé mardi une « feuille de route pour améliorer et garantir la sécurité à la chasse », envisageant notamment d’instaurer un délit d’alcoolémie ou, dans certaines régions, des demi-journées sans chasse.

Des mesures visant à mieux informer les promeneurs des activités de chasse en cours, éventuellement par une application mobile, ou à interdire les tirs dans un rayon de 30 degrés à gauche et à droite des chasseurs pour éviter d’atteindre un compagnon de chasse, sont également à l’étude. Autre piste: instaurer une demi-journée sans chasse. La secrétaire d’État « ne ferme pas la porte à une orientation nationale » et indique que le faire le dimanche « n’est pas un sujet tabou. Tout est sur la table ».

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV

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