la situation est-elle rattrapable en vue de l'été prochain?

Les derniers mois ont été marqués par des précipitations insuffisantes dans certaines régions quand d’autres en ont peu profité à cause de sols déjà très secs. Le risque de sécheresse est déjà « avéré » dans plusieurs départements.

Une situation préoccupante. Les derniers chiffres du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), parus jeudi 13 avril, révèlent que le niveau de trois-quarts des nappes phréatiques est modérément bas ou extrêmement bas. Le risque de sécheresse est donc considéré comme « avéré » dans plusieurs régions. De quoi inquiéter les scientifiques, qui craignent un été 2023 encore plus difficile qu’en 2022.

Toutes les nappes sous les normales de saison

« La situation est assez inquiétante car quasiment toute la France est touchée », déplore auprès de l’AFP Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM.

Selon les données du BRGM, le niveau d’eau de l’ensemble des nappes souterraines est actuellement situé sous les normales de saison, contre 58% l’année dernière à la même époque. Plus du tiers (35%) présente même un niveau bas qu’on ne retrouve normalement que de façon exceptionnelle, tous les 5 ou 10 ans.

En conséquence, le risque de sécheresse l’été prochain est considéré comme « fort » dans quasiment l’ensemble de l’Hexagone. Le risque est même estimé comme « très fort » dans presque la moitié des départements situés en métropole.

La Picardie, le Poitou, le Centre-Val-de-Loire, le bassin parisien, la Haute-Normandie, les Pyrénées-Orientales ou encore le sud-est sont concernés. Les nappes souterraines du Var et du sud de la Drôme présentent même des « niveaux historiquement bas », souligne Violaine Bault.

« Je réunirai dans les prochains jours une nouvelle réunion du comité de suivi hydrologique », a assuré le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu sur Twitter jeudi dernier.

Des communes déjà sans eau potable

En cette mi-avril, une quarantaine de départements sont déjà placés en vigilance, dont une quinzaine en alerte sécheresse. Les Bouches-du-Rhône se situent en alerte rouge, les prélèvements agricoles y sont donc interdits.

Le printemps vient à peine de débuter, mais des restrictions d’eau sont déjà en vigueur. Quatre villages des Pyrénées-Orientales, Bouleternère, Corbère, Corbère-les-Cabanes et Saint-Michel-de-Llotes, sont ainsi privés d’eau potable depuis vendredi 14 avril. En cause: leur forage, dont le niveau est trop bas à cause de la sécheresse. Des distributions d’eau en bouteille sont prévues dans ces communes.

Une conséquence directe du manque de précipitations. Entre septembre et mars, le niveau de précipitations a été divisé par deux dans ce département par rapport aux normales, selon Météo-France.

Un incendie « précoce » dans les Pyrénées-Orientales

En plus de connaître déjà des restrictions d’eau, les Pyrénées-Orientales sont actuellement déjà touchées par un incendie qui s’est déclaré dimanche. Désormais fixé, il a parcouru près de 1000 hectares. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a souligné ce lundi matin la « date extrêmement précoce » à laquelle survient ce feu.

Si ce n’est pas la cause première, « la sécheresse de la végétation a fortement contribué à cette situation », assure ce lundi le préfet des Pyrénées-Orientales Rodrigue Furcy. 

De fait, le département des Pyrénées-Orientales est l’un des plus touchés par le manque d’eau, avec seulement trois jours de pluie depuis le 1er janvier et un déficit pluviométrique de plus de 70%. Un déficit pluviométrique qui dure depuis près de trois ans. De quoi laisser craindre d’autres feux au cours du printemps et de l’été à venir.

Des fruits et légumes plus petits que d’habitude

Le manque d’eau a par ailleurs aussi déjà des effets sur l’arboriculture et l’agriculture, avec un développement plus lent et plus tardif que d’habitude. « La taille habituelle du radis c’est à peu près une balle de tennis. Là, aujourd’hui, on arrive à en avoir quelques-uns, mais très peu par rapport à ce que l’on a habituellement », confiait en mars à notre micro Kévin Houmar, maraîcher en Seine-Maritime.

Fin février, les agriculteurs s’inquiétaient déjà face au manque d’eau. « La chaleur est en train d’assécher la surface du sol« , déplorait Christophe Robin, agriculteur à Sonchamp, dans les Yvelines, au micro de BFM Paris Île-de-France.

« On est habitué à avoir des hivers assez humides, où les nappes se rechargent et où les plantes emmagasinent un petit peu d’eau pour pouvoir redémarrer à cette période de l’année », rappelait-il, craignant un été difficile.

« On risque d’aller vers des restrictions d’alimentation d’eau potable », estimait déjà Emma Haziza, hydrologue et présidente de Mayane.

De rares exceptions

Sur l’ensemble du territoire français, un excédent de pluie par rapport aux normales a été recensé sur 40% du territoire ces dernières semaines, mais cela n’a pas suffit à remplir les nappes phréatiques.

Seules les nappes des régions allant de la Bretagne à la Nouvelle-Aquitaine ont bénéficié « d’épisodes conséquents de recharge ». Mais plusieurs autres, en Champagne, dans le couloir Rhône-Saône, le Roussillon ou en Provence et Côte d’Azur, affichent toujours des niveaux inquiétants et 27% sont encore en baisse.

La période hivernale est pourtant censée permettre aux nappes souterraines de se recharger avant l’été. Mais la succession d’années marquées par le manque de pluies contribue à agraver la situation.

« Les pluies sont tombées sur des sols très secs et ont ainsi eu du mal à s’infiltrer en profondeur », souligne l’hydrologue Violaine Bault.

« Un printemps et un été probablement tendus »

La tendance peut-elle encore s’inverser? Si le scénario n’est pas impossible, il n’est pas privilégié actuellement par les scientifiques. Il faudrait en effet que des pluies exceptionnelles tombent dans les semaines à venir. « La situation peut alors s’améliorer localement », estime le BRGM.

« À partir du mois d’avril, la hausse des températures, la reprise de la végétation et donc l’augmentation de l’évapotranspiration vont limiter nettement l’infiltration des pluies vers les nappes », s’inquiète le Bureau dans ses prévisions pour les prochains mois.

De quoi présager « d’un printemps et d’un été probablement tendus », prévoit-il déjà, avec de nouvelles restrictions d’eau importantes.

Juliette Desmonceaux avec AFP

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