certaines écoles se demandent comment passer l'hiver au chaud

Bâtiments mal isolés, problèmes de chauffage, économies d’énergie… Dans certaines écoles, collèges et lycées français, les professeurs comme les élèves passent leurs journées dans des salles de classes trop froides.

« On laisse les pulls, on rajoute des couettes mais c’est du bricolage. » Avant les vacances scolaires, chaque jour au moment de la sieste, Mélanie ajoutait des couvertures supplémentaires sur ses petits élèves de 2 et 3 ans, qu’elle mettait au lit « entièrement habillés » pour éviter qu’ils n’aient froids.

Si le redoux s’est installé ce lundi sur l’Hexagone, l’arrivée des températures hivernales et le retour potentiel du froid à la rentrée de janvier inquiètent cette professeure des écoles en maternelle, qui exerce dans une école publique francilienne confrontée à des problèmes d’isolation.

« Depuis 15 jours dans ma classe, il fait entre 11 et 13°C le matin et on monte péniblement jusqu’à 15-16°C en fin de journée », affirme l’enseignante. « Le pire, c’est que ma classe est super chaude l’été, on y étouffe. »

Technique de l’oignon

Ces derniers temps, la jeune femme est obligée d’opter pour « la technique de l’oignon » pour aller travailler. Pour éviter d’avoir froid dans la journée, elle met plusieurs couches de vêtements: un legging sous son pantalon, deux paires de chaussettes, et elle quitte rarement son écharpe en classe.

Mais ce qui la préoccupe, c’est que ses élèves de petite-section semblent aussi en souffrir. Dernièrement, elle a remarqué que certains « tremblottaient ou avaient les mains froides ». « Certains restent prostrés au coin bibliothèque, sur un petit matelas où ils se mettent un peu en boule, et d’autres rechignent à sortir du lit après la sieste et quand on les sort ils sont tremblants alors on les rhabille au plus vite », assure-t-elle.

« Le problème c’est que les enfants ne savent pas forcément exprimer qu’ils ont froid », « alors on essaye d’être vigilants aux signes physiques », explique l’enseignante, qui a fait remonter le problème il y a deux semaines et a pu constater l’intervention d’un technicien ce jeudi.

Des « passoires énergétiques » en guise de salles de classe

Dans les salles de classe et les couloirs du lycée Michel-Ange de Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), il ne fait pas beaucoup plus chaud. « Les élèves gardent leurs doudounes en cours! », s’indigne Caroline*, la mère d’un lycéen de Seconde et d’un autre en Terminale, qui assure que la température atteignait 14,8°C ces derniers jours, selon les dires des professeurs, qui eux aussi n’en peuvent plus de ces conditions de travail.

« À cause de ça, mes fils me disent qu’ils n’arrivent pas bien à se concentrer », affirme la mère de famille à BFMTV.com. « La norme de 19°C, je trouve que c’est déjà limite pour être à l’aise, mais là on en est loin. Dans les couloirs il ne fait pas plus de 10°C selon mon fils! », déplore encore Caroline, qui plaint aussi « les professeurs qui vivent ça tout au long de la journée ».

L’établissement, contacté par BFMTV.com, assure que le problème de chauffage était dû à une panne qui a été prise en charge ce mercredi, et que la température est ensuite remontée en fin de semaine dans les salles de classe.

« La crise énergétique a un réel impact sur l’enseignement », confirme à BFMTV.com Adrien Misson, délégué syndical national de l’UNSA pour le second degré. Si tous les établissements ne sont évidemment pas concernés, il dit recevoir un certain nombre de remontées de terrain de professeurs à ce sujet.

Comme au lycée d’Aulnay-sous-Bois dont la situation a été révélée par RMC, « beaucoup de bâtiments sont des passoires énergétiques, et ça fait des années qu’on le dénonce ». « L’été, c’est l’extrême inverse: profs et élèves étouffent dans les salles, comme lors de la canicule pendant le bac. »

« Pas des conditions de travail acceptables »

« Ce ne sont pas des conditions de travail acceptables », dénonce le syndicaliste, qui indique que « beaucoup d’établissements en ce moment se demandent comment ils vont faire pour payer le chauffage.

« On parle déjà de réduire le nombre de sorties scolaires, de rogner ici et là », affirme-t-il. « La crise va faire des dommages collatéraux. »

« C’est assez hallucinant », abonde sa collègue Audrey Lalanne, déléguée syndical UNSA du premier degré, qui dénonce « le nombre de difficultés qui s’accumulent pour les professeurs ». « Avant l’école était un sanctuaire, on n’aurait jamais imaginé que le bien-être des élèves puisse être remis en question pour des mesures d’économies. »

« Le matin à 7h30 il fait entre 16 et 17°C quand j’arrive dans ma classe », raconte Sandrine, dont la salle est difficile à chauffer car elle a « une grande hauteur sous plafond » et qu’un radiateur sur trois a été enlevé sans être remplacé.

Ainsi tous les matins et le midi avant l’arrivée de ses 26 élèves de moyenne et grande section, l’enseignante met en route le chauffage d’appoint électrique qu’un collègue lui a prêté en attendant. « On n’a pas le droit normalement, mais on s’adapte, on fait au mieux », explique l’enseignante de Seine-et-Marne, résignée.

« Les services de la mairie sont venus faire des relevés avant la Toussaint mais il ne faisait pas encore aussi froid », explique l’institutrice. « Je crois que deux radiateurs, ce n’est pas assez pour une pièce qui a 5 mètres de hauteur sous plafond. »

Bronchites à répétition

C’est pour cette raison qu’Émilie*, 42 ans, a décidé de ne pas envoyer sa fille de 4 ans à l’école mardi dernier. La veille, comme la semaine précédente, la petite lui avait répété qu’elle avait « eu froid à l’école », et que la maîtresse lui avait demandé de garder sa veste, son écharpe et ses gants à l’intérieur.

Et pour cause, l’institutrice a confirmé à Émilie qu’il ne faisait pas plus de 13-14°C dans la classe de l’école du Faubourg du Soleil d’Alès (Gard), à cause d’un problème de chauffage.

Selon sa mère, la fillette enchaîne les bronchites, comme ses camarades. « Ça ne peut plus durer, on envoie pas ses enfants à l’école pour qu’ils tombent malades sans arrêt. Ça n’est pas vivable pour les petits », déplore-t-elle.

La mairie de la ville, contactée par BFMTV.com, reconnaît que l’école a eu « un souci technique » avec le chauffage ces derniers jours. Elle assure cependant que le problème a été traité.

Des travaux parfois nécessaires

Pour d’autres établissements, une simple intervention ne suffira pas à faire revenir la chaleur. Dans son établissement de l’Ain, le froid est tel qu’Annaëlle a été contrainte d’acheter des sous-vêtements thermiques et des petites chaufferrettes qu’elle garde dans ses poches pendant les cours.

« C’est un lycée qui date d’il y a plus de 30 ans et qui n’est pas du tout isolé, il va bientôt être reconstruit », note l’étudiante de 19 ans en BTS immobilier. « Les professeurs malheureusement ne peuvent rien faire, si ce n’est nous demander de garder des vêtements plus chauds. »

Dans le cas du Voillaume d’Aulnay-sous-Bois, si certains bâtiments sont flambant neufs et en bon état, d’autres, anciens, souffrent en revanche de graves problèmes de vétusté.

« Il y a des travaux urgents à faire (…) pour pallier aux difficultés sanitaires, mais aussi faire de telle sorte que nos élèves puissent travailler dans des conditions normales du point de vue du chauffage et de la lumière », a déclaré le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, lors d’une visite de l’établissement.

* Les prénoms ont été modifiés, à la demande des personnes concernées.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV

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