le verdict du "dentiste-boucher" de Marseille attendu ce jeudi

Lionel Guedj est accusé d’avoir dévitalisé 3900 dents saines, sans aucune justification thérapeutique, sur 327 patients.

La fin d’un cauchemar pour quelques 350 plaignants. Ce jeudi, accusé d’avoir mutilé ses patients en s’enrichissant au passage sur le dos de la Sécurité sociale et des mutuelles, Lionel Guedj, ex-dentiste marseillais, saura s’il va désormais passer par la case prison.

Dentiste le mieux rémunéré de France

Le modus operandi de l’homme de 42 ans était bien rodé. Selon un calcul du parquet de Marseille, ce jeune dentiste décrit comme avenant avait dévitalisé 3900 dents saines, sans aucune justification thérapeutique, sur 327 patients, dans le seul but de leur poser des bridges très rémunérateurs. Selon la Sécurité sociale, il posait 28 fois plus de prothèses que la moyenne des dentistes français.

« Il m’a dévitalisé 14 dents alors que je suis allé le voir pour deux caries. Il m’a mis sur le fauteuil et m’a dit ‘je vais vous faire une bouche de star.’ Je ne comprenais pas ce qu’il me faisait, il a commencé à me tailler les dents et après c’était trop tard », se rappelle, auprès de BFMTV, Michel Genova, un ancien patient.

Finalement radié de l’Ordre des pharmaciens en 2016, Lionel Guedj s’était installé en 2005 dans les quartiers Nord, parmi les plus pauvres de Marseille, en installant son cabinet à Saint-Antoine. « Il est venu gratter la CMU » (couverture médicale universelle), avait asséné le parquet à l’audience, soulignant qu’en 2010 ce praticien était devenu le dentiste le mieux rémunéré de France avec 2,9 millions d’euros d’honoraires.

10 ans requis

A l’issue des audiences, à Marseille, du 28 février au 5 avril, une peine de dix ans de prison, le maximum prévu par le code pénal, avait été requise contre Lionel Guedj, 42 ans, jugé pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation, des faits commis entre 2006 et 2012.

« C’est d’ailleurs un message, au-delà du cas de Guedj, à tous ces charlatans qui sont en train de dénaturer l’activité médicale. Il y en a de nombreux, tous les jours il y a des scandales, tous les jours on reçoit des offres pour proposer des dents et des sourires hollywoodiens. Je crois que ce sera un message social », explique, toujours à notre antenne, Me Marc Ceccald, avocat de 55 patients.

« Quelle circonstance atténuante la société est-elle prête à tolérer pour adoucir la peine légalement encourue? Aucune! », avait asséné la procureure Marion Chabot.

La magistrate avait également réclamé une amende de 375.000 euros, le maximum encouru pour l’infraction d’escroquerie, l’autre chef de poursuites.

« Jamais au grand jamais, je n’ai voulu blesser, faire mal »

Dénonçant une « politique industrielle », l’accusation avait détaillé un plan monté par Lionel Guedj et son père Carnot –dit Jean-Claude– Guedj, 71 ans, ancien dentiste mutualiste venu épauler son fils.

« L’argent, c’est le carburant de Lionel et Jean-Claude Guedj ne cherche que la réussite de son fils, quel qu’en soit le prix », avait lâché Marion Chabot.

Une peine de cinq ans de prison, dont un an avec sursis probatoire pendant trois ans, assortie de l’obligation d’indemniser les parties civiles, ainsi qu’une amende de 150.000 euros, ont été réclamées contre le père.

Un mandat de dépôt et une interdiction définitive d’exercer ont été sollicités contre les deux prévenus. « Ils ne sont qu’un pour ce qui n’est ni plus ni plus ni moins qu’un projet criminel », avait asséné la procureure.

« Jamais au grand jamais, je n’ai voulu blesser, faire mal », s’était défendu Lionel Guedj qui, au terme d’un mois d’audience, avait fini par reconnaître des fautes de jeunesse.

« Campé dans ses certitudes, se sentant invincible, il a pratiqué ce traitement car il pensait qu’il était dans le vrai, il y croyait », avait plaidé son défenseur, Me Frédéric Monneret, en demandant au tribunal de requalifier les faits en blessures involontaires.

Divorces et isolement social

Le jugement est tout autant attendu par les nombreuses parties civiles, des patients originaires des quartiers populaires de Marseille, dont une centaine avaient livré au tribunal leurs vies saccagées par des douleurs dentaires épouvantables, des kystes à répétition, des bridges qui tombent, voire des pertes de dents totales, provoquant divorces et isolement social.

« Sur notre groupe WhatsApp, on sent que tout le monde a peur qu’il s’en tire à bon compte », témoigne Ouassila, à la veille de ce jugement, en résumant les conséquences des interventions de Lionel Guedj dans sa bouche: « A 45 ans, j’avais perdu la moitié de mes dents. A 55 ans, je n’en ai plus aucune, je n’ai plus que des implants ».

Quelle que soit la décision du tribunal, cette femme qui préfère taire son nom, comme beaucoup d’autres, a vécu les audiences comme « un moment intense »: « Le procès a acté notre souffrance, nos douleurs. Le tribunal nous a permis de prendre conscience qu’on est victimes alors que beaucoup d’entre nous se sentaient coupables ».

« Au-delà de l’argent c’est ma santé qui est en jeu », clame de son côté, auprès de BFMTV, Samantha, une ancienne patiente.

Dans un courrier collectif adressé au tribunal au dernier jour des débats, les victimes avaient témoigné leur satisfaction: « Si vous saviez combien nos larmes ont coulé, combien nos vies ont été détruites, combien nos familles ont souffert, mais tout ce mois (de procès), nous avons été écoutés et soulagés de savoir qu’on pensait à nous, plaignants, qui pendant des années avons gardé le silence ».

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