James Bond, incarné par Daniel Craig, et la reine Elizabeth II sur le grand écran du stade olympique de Londres, lors de la cérémonie d'ouverture des JO, le 27 juillet 2012. (MARY EVANS / SIPA)

Après plus de 70 ans de règne sur le trône britannique, la reine Elizabeth II est décédée, jeudi 8 septembre, à l’âge de 96 ans. Celle qui a fêté son jubilé de platine en 2022 a battu tous les records de longévité de ses aïeux sur le trône, et n’a pas manqué de marquer l’histoire, comme ce 27 juillet 2012, lorsque Londres a ouvert la 30e édition des Jeux olympiques. Franceinfo: sport revient sur ce jour où la reine Elizabeth II a pris tout le monde de court en se mettant en scène aux côtés de James Bond.

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Le 27 juillet 2012, le monde entier a les yeux rivés sur Londres. Dans le stade olympique de la capitale anglaise, plein à craquer et dans une ambiance déjà électrique, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été prend de court le public dès les premières minutes du spectacle. Projetée sur les écrans géants du stade, et retransmise sur les télévisions du monde entier, la vidéo de lancement des Jeux tape fort.

On y voit le plus célèbre des agents secrets, celui affublé du matricule 007, arriver à Buckingham Palace, la résidence royale. Incarné par Daniel Craig, James Bond doit rejoindre Sa Majesté la reine Elizabeth II afin de l’escorter hors du Palais. Sa sécurité est menacée et elle doit être accompagnée, dans les temps, à un événement de la plus haute importance : l’ouverture des Jeux olympiques. Presque aucun dialogue entre les deux protagonistes, mais un scénario efficace.

L’agent 007 à ses côtés, la reine grimpe dans un hélicoptère affrété pour l’occasion et saute en parachute, floqué du drapeau britannique of course, au-dessus du grand stade olympique avant de prendre place en tribunes, robe et mise en plis impeccables. Un atterrissage décoiffant, sauf pour la reine, évidemment doublée pour cette fin de scénario en direct.

Cette mise en scène a estomaqué l’ensemble du public. « Ça a été un tel effet de surprise, personne n’aurait imaginé ça », se souvient Isabelle Rivère, journaliste et auteure de Elizabeth II, dans l’intimité du règne (Ed. Fayard). « À l’époque, on s’est tous demandé pourquoi elle avait fait cela, et qui lui avait demandé, poursuit Philip Turle, journaliste britannique, chroniqueur international à France 24, et spécialiste de la famille royale britannique. Il s’avère qu’elle a accepté de faire ce film parce que, d’une part, c’est une fan des films de James Bond. Elle les a tous vus. Et puis, d’autre part, car les JO étaient un événement immanquable où il fallait être vu ».

Sa participation au film avait même été gardée secrète en interne. « Très peu de gens étaient au courant, même sa famille ne savait pas. Le metteur en scène, Danny Boyle, responsable de l’organisation de la cérémonie d’ouverture des JO, a approché la reine par l’intermédiaire de son conseiller particulier, Edward Young. Il lui a parlé de son projet de film et expliqué qu’il voulait que la reine participe », raconte Isabelle Rivère.

La demande arrive alors jusqu’à l’assistante personnelle de la reine, Angela Kelly, qui lui transmet le scénario du film. Elizabeth II accepte tout de suite. « Angela Kelly lui a ensuite demandé si elle souhaitait avoir une ou deux répliques, ce à quoi elle répond : ‘Good evening Mr. Bond' », explique Isabelle Rivère. La surprise est en train de prendre forme. 

Retransmis dans le monde entier, le film a eu « un retentissement énorme », se remémore le journaliste britannique Philip Turle. D’autant plus dans un contexte, où la même année que les Jeux olympiques, la reine fêtait son jubilé de diamant, symbole du soixantième anniversaire de son règne. « C’est une année pendant laquelle beaucoup d’événements mettent en lumière la reine et son travail. Et la cérémonie d’ouverture des JO de 2012 a également mis la reine en vedette », précise Isabelle Rivère.

Surtout, les Jeux olympiques portent des valeurs chères à la reine, qu’elle a toujours défendues depuis le début de son règne, à l’image de l’universalité et de la paix. « Il n’y a pas d’événement plus fédérateur que les JO, avec ses messages d’universalité, de paix, de rassemblement. Il y avait donc une cohérence profonde dans le fait de mettre la reine en vedette dans le cadre d’un événement comme celui-là », appuie Isabelle Rivère.

La reine Elizabeth II, au centre, avec son mari le duc d'Édimbourg, lors de la cérémonie d'ouverture des JO d'été de 2012, au stade olympique de Londres. (ALEXEY FILIPPOV / SIPA / SPUTNIK)

Cette dimension universelle a été pensée dans les moindres détails. La robe portée ce soir-là a été conçue spécialement pour l’occasion par Angela Kelly. Une robe de couleur pêche, brodée de cristaux et de dentelles. « Même cette robe était symbolique car Angela Kelly a fait très attention à ce que sa couleur ne rappelle aucun drapeau national en particulier », souligne Isabelle Rivère. Des détails et une posture afin de rappeler qu’Elizabeth II était là pour tout le monde. « Même si évidemment, elle soutenait les athlètes britanniques sur le principe, elle était avant tout porteuse d’un message universel, fédérateur et rassembleur », poursuit l’auteure.

Si la surprise de ce film a été aussi grande, c’est parce que, jamais auparavant, la reine ne s’était mise autant en scène. Elle a toujours dû respecter le protocole strict et rigide que lui impose sa couronne. Mais les JO de Londres auraient, selon Isabelle Rivère, marqué un tournant sur ce registre. « Depuis quelques années, et peut-être même que cette soirée au Stade olympique a sonné le début de quelque chose de nouveau pour elle, on voit la reine participer à des choses auxquelles elle n’aurait jamais participé avant. Par exemple, après les Jeux, elle a aussi accepté de tourner, en 2016, un clip avec son petit-fils, le prince Harry, pour les Invictus Games. »

« Elle a desserré l’étau des contraintes, des règles et du protocole. »

Isabelle Rivère, spécialiste de la monarchie britannique

à franceinfo: sport

Depuis plusieurs années, l’institution monarchique essaye en effet de mettre sa communication au diapason des attentes et des évolutions de la société. « Et soir-là, complète Isabelle Rivère, la participation de la reine montrait que la monarchie britannique en était capable. »

Cette petite prise de liberté vis-à-vis du protocole était même inimaginable quelques années auparavant. « Elle a évolué avec le temps, elle s’est modernisée parce qu’elle n’aurait jamais fait une telle entrée comme ce fut le cas avec Daniel Craig, dans les années 1950. On a tous en tête la Coupe du monde de football en Angleterre, en 1966, où elle n’a joué aucun rôle et a seulement remis le trophée », analyse Philip Turle.

Si Elizabeth II est déjà dans la légende, sa participation à la cérémonie d’ouverture des JO n’a fait que renforcer le mythe. « Elle est iconique et représente tout l’héritage britannique. Elle est même devenue plus grande que les JO à ce moment-là. Elle a pris une toute autre place, beaucoup plus significative qu’avant », insiste le journaliste britannique.

Celle qui a connu tous les chefs d’Etat depuis Winston Churchill et Vincent Auriol (président de la République française de 1947 à 1954) jusqu’à aujourd’hui, en passant par John Fitzgerald Kennedy et Nelson Mandela, « est comme un livre d’histoire ambulant. C’est pourquoi il était important qu’elle soit présente aux Jeux de Londres, pour galvaniser les gens, parce qu’ils voulaient la voir. Et les gens veulent être vus avec elle », conclut Philip Turle. 

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