Aix-en-Provence – Crosscall, le constructeur français de smartphones et tablettes ultra-résistants, vient d’annoncer cette semaine la mise en production prochaine du premier smartphone 5G franco-européen. La date semble encore lointaine, 2024, mais nous avons pu visiter le site qui accueille déjà une partie des équipes.
Car si les smartphones sont pour l’heure fabriqués en Chine, l’entreprise réalise déjà une partie du travail en France. La conception et le prototypage des machines, tout comme l’activité d’un laboratoire de tests, sont situés à Aix-en-Provence. Le tout financé en partie par le plan France Relance.
Le siège de Crosscall est niché depuis 2018 dans un immeuble neuf de deux étages dans une technopole en banlieue aixoise. Dès l’accueil, un showroom détaille les modèles actuels de la gamme, mais s’attarde aussi sur plusieurs modèles historiques, dont le Trekker X3, véritable phénomène qui a initié la mode des smartphones durcis pour les activités de loisir d’extérieur, en 2017.
Decathlon et Crosscall, mêmes combats numériques
Tous les effectifs étaient réunis dans cet immeuble jusqu’à ce que le bâtiment craque sous le nombre de nouveaux collaborateurs, près de 200. Le studio de création, les équipes de développement et le laboratoire de test viennent d’être installés dans un nouvel immeuble à proximité. Et les ingénieurs sont enthousiastes pour ce qui est d’expliquer leur travail.
« Nous utilisons le principe de l’entonnoir », explique Marc Lebrun, Product Design Development Manager chez Crosscall. « Le point de départ de la conception d’un modèle, c’est le cahier des charges d’un nouveau smartphone. » Un cahier des charges qui commence par la définition d’un persona, c’est-à-dire un individu type, avec ses habitudes et ses décors de vie.
Sur cette base inspirationnelle, le studio de création va dessiner un smartphone dont les lignes et les matières vont trouver leur place dans l’univers du persona. Dans le même temps, le chef de produit livre un cahier des charges technique, qui contient les critères techniques retenus pour le modèle. Ce sont sur ces bases que naît la première idéation du nouveau modèle, fruit d’arbitrages entre design, besoins métiers et techniques, et coût.
Pour ce faire, nul besoin de créer un prototype physique. Tout est réalisé en rendus numériques, à l’instar de ce que fait une autre entreprise française, Decathlon, avec sa chaîne graphique (lire : « Reportage dans l’antre numérique de Decathlon« ). La proximité entre les deux entreprises sur la conception de produit n’est peut-être pas un hasard puisque deux ingénieurs de Crosscall ont par le passé travaillé chez Decathlon.
Autre point commun entre les deux entreprises, le premier prototype physique d’un nouveau produit est réalisé avec de la fabrication additive, c’est-à-dire de l’impression 3D. Suit la réalisation d’une maquette esthétique du futur smartphone, dont le poids doit déjà être celui du produit final. Enfin, les quatre à cinq premiers modèles de production servent aux tests d’usage.
L’enjeu de la relocalisation de la fabrication en France
En tout, c’est un cycle de création de neuf mois qui est mis en place à Aix-en-Provence pour aboutir à la fabrication des smartphones dans une usine chinoise.
La relocalisation de la production de smartphones en France doit permettre d’optimiser le temps de fabrication et de livraison qui suit ce cycle. Car si longtemps la Chine s’est illustrée comme « l’usine du monde », avec comme levier majeur un coût du travail faible, les difficultés actuelles de la chaîne d’approvisionnement mondiale, mais aussi les tensions internationales, amènent les entreprises à revoir cette stratégie.
Surtout qu’en matière de high-tech, le cycle de création et de production est bien évidemment soumis aux impondérables de l’évolution technologique. « Il peut s’agir de nouveaux composants de Qualcomm qui arrivent sur le marché pendant le cycle de développement », illustre Marc Lebrun. « Mais au final, ça chamboule plus pour l’instant le plan de charge que la date de fin de projet. »
Passer à cinq ans de garantie, mais à quel coût ?
Dans le laboratoire de test, Pierrick Claverie, ingénieur mécanique R & D, maltraite à longueur de journée les smartphones et les tablettes de Crosscall. « Ce qui est important, c’est que les machines résistent à l’ensemble des tests, et pas à un seul », explique-t-il. « Un smartphone doit résister au froid, mais en même temps au vieillissement et aux chutes. »
Et d’illustrer le propos en extirpant une tablette tactile d’une enceinte climatique, c’est-à-dire un gros congélateur. Et de fait, la tablette fonctionne toujours correctement par -25 degrés Celsius, alors qu’elle est couverte de givre.
L’enceinte climatique, un gros congélateur, permet de tester le fonctionnement des appareils en conditions extrêmes.
D’autres machines de test aux noms barbares, tel « l’abrasimètre », permettent de vieillir de six mois les smartphones en seulement quatre jours, pour s’assurer de leur état après des mois d’utilisation.
Avec l’annonce de Crosscall au printemps dernier d’une garantie de 5 ans sur ses produits, nul doute que ce type de test va être multiplié par les équipes de Crosscall. Reste que c’est le travail de conception et la recherche du matériau adéquat qui doit assurer cette promesse.
Avec une garantie de cinq années sur le matériel, la question de la réparabilité devient critique pour Crosscall.
« Pour la fonction PTT (talkie-walkie, NDLR), nous nous sommes rendu compte que certains clients appuient sur le bouton de prise de parole 350 fois par jour », raconte Clément Souyris, ingénieur électronique. « Donc, nous réalisons des tests de résistance de 700 000 pressions d’une force de 1,2 kg sur cette pièce, pour nous assurer qu’elle va effectivement résister pendant au moins cinq ans. »
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