Peut-on être et avoir été ? Philosophiquement, cela se discute sans doute. Sur la piste, en revanche, il semblerait que la réponse soit négative pour Lewis Hamilton. Il y a quelques mois à peine, pourtant, le Britannique était tout proche de décrocher un 8e titre historique de champion du monde. Mais, depuis le final haletant et controversé du dernier Grand Prix de la saison 2021, à Abou Dabi, le ressort s’est cassé. Se retendra-t-il dimanche 19 juin, à Montréal ? Eléments de réponse avec notre consultant Franceinfo: sport, Cyril Abiteboul, ancien directeur de l’écurie Renault.
Après huit courses, Hamilton pointe déjà à 88 points de Max Verstappen. Il n’est plus qu’une petite ombre dans le rétro de la Red Bull quand, il n’y a pas si longtemps, il frottait roue contre roue avec le Néerlandais. A l’impossible nul n’est pourtant tenu et tout Lewis Hamilton qu’il est, il n’a pas pu transformer un cheval de trait en pur-sang. La Mercedes version 2022 est mal-née, tout le monde le sait. Pas assez rapide, difficile à conduire et particulièrement inconfortable, notamment en raison de problèmes récurrents de marsouinage.
Derrière ce nom qui fait référence à un cétacé et qui désigne un phénomène aérodynamique entraînant une monoplace qui soubresaute beaucoup, il y a la réalité d’un dos qui souffre. Celui du Britannique, 37 ans mais athlète accompli, est soumis à la torture depuis le début de la saison. « C’était la course la plus difficile de ma carrière », soufflait-il à Bakou après avoir eu toutes les peines du monde à s’extraire de son baquet à l’arrivée. « C’est un fait que Lewis n’est pas à l’aise dans cette voiture », observe Cyril Abiteboul. « Mais quand on sait que Mercedes pousse à fond pour changer les règles, il y a peut-être aussi une certaine part de mise en scène de la douleur… » Et de conclure ironiquement : « A la prochaine course, il sortira peut-être de sa voiture avec une canne. »
Tous les pilotes d’exceptions ont connu des saisons où ils ont dû faire face à une monoplace devenue soudainement moins performante. Ils ont dû alors ronger leur frein tout en travaillant sur des voies possibles d’amélioration. C’est le schéma classique. Ce qui l’est nettement moins, en revanche, c’est de voir ces légendes se faire dominer par un nouveau coéquipier fraîchement débarqué dans l’équipe. Et c’est pourtant ce qui est en train de se produire chez Mercedes, avec la pépite George Russell… Cyril Abiteboul ne fait pourtant pas partie des étonnés.
« J’ai un respect immense pour Lewis et pour ce qu’il a accompli mais je ne trouve pas cette situation si surprenante« , entame l’ex-directeur de Renault F1. « Il a évidemment un talent immense mais il a aussi, il faut bien le reconnaître, toujours bénéficié de la voiture la plus compétitive du plateau. »
« Lewis a toujours été un pilote un peu mystique et aujourd’hui il ne retrouve plus sa voie spirituelle ».
Cyril AbiteboulFranceinfo: sport
Selon Cyril Abiteboul, Hamilton pourrait être rattrapé par une certaine forme d’usure du pouvoir : « Il a 37 ans, il a tout gagné. Aujourd’hui la dynamique n’est plus là. » L’échec d’Abou Dabi, combiné à l’émergence d’un jeune loup au sein de sa propre bergerie, auraient-ils égaré l’Anglais ? « Je pense qu’il est fragilisé dans ses énergies », analyse notre consultant.
Depuis qu’il est arrivé sur le circuit, Lewis Hamilton a très souvent pris le meilleur sur ses coéquipiers (Alonso ou Rosberg), quand il ne les a pas surclassés (Bottas). Cette fois, en 2022, le Britannique se retrouve régulièrement distancé, en qualifications comme en course, par George Russell, un jeune inconnu du grand public. Imperméable à l’aura de son partenaire, le jeune homme envoie bouler le droit d’aînesse et compte déjà 21 points d’avance sur l’homme aux sept couronnes mondiales !
George’s impressive run continues #AzerbaijanGP @MercedesAMGF1 pic.twitter.com/cpdRV3mDly
— Formula 1 (@F1) June 13, 2022
« Hamilton se retrouve confronté à un jeune pilote de 24 ans qui fait tout bien comme il faut. Il a avancé un peu dans l’ombre de Leclerc mais, comme lui et avec une année d’écart, il a remporté toutes les catégories de jeunes », reprend Abiteboul. Sans faire de bruit, donc, l’ancien pilote Williams est en train de déboulonner la statue du commander Hamilton. « Mais attention, tempère l’ex patron de Renault, Lewis a déjà prouvé qu’il possédait une résilience hors du commun. L’an passé à mi-saison, tout le monde le donnait battu et il a fait un come-back impressionnant, même si l’issue n’a pas été heureuse pour lui’.
En proie avec une Mercedes récalcitrante et un coéquipier aux dents qui rayent le fond du baquet, le septuple champion du monde se retrouve dans « une équation totalement nouvelle pour lui », selon Cyril Abiteboul. Ce dernier affirme cependant que cette situation reste à l’avantage du plus âgé des deux pilotes britanniques : « Je suis persuadé que si la Mercedes était plus performante, ce serait encore plus compliqué pour Lewis de suivre le rythme de Russell. »
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