Thomas Tuchel, alors entraîneur du PSG, et Leonardo, son ex-directeur sportif, lors de la finale de Coupe de la Ligue le 30 juillet 2020.  (FRANCK FIFE / AFP)

Signe des temps, de nouveaux titres sont récemment apparus dans les organigrammes des clubs de Ligue 1 : conseiller football et directeur du football. Sous ces appellations extrêmement vagues ont ainsi été recrutés Luis Campos, le 10 juin par le PSG, et Javier Ribalta, dont l’arrivée a été officialisée le samedi 18 juin par l’OM. « Premiers fusibles », « architecte du club », béquille pour le président » ? Quel est le rôle exact de ces nouveaux directeurs ?

D’emblée, Eric Roy dissipe le doute : derrière ces grades, on retrouve la fonction de directeur sportif, généralement plus connue du grand public. « En foot comme ailleurs, il y a des effets de mode », annonce le consultant de franceinfo: sport. « La vraie différence entre toutes ces appellations, c’est le contrat signé et les missions qu’il contient ». En bref, les noms changent, le rôle demeure. Et ce dernier est primordial. 

« Si toutes ces stars sont venues à Paris, ce n’est pas grâce au carnet d’adresses du président. Les gens ne devraient pas l’oublier. » Patrick Vernet, ancien directeur sportif de l’AC Ajaccio, défend la confrérie et en l’occurrence Leonardo, poussé vers la sortie par le PSG et remplacé par Luis Campos. Ce dernier, qui prend donc les fonctions laissées vacantes par le Brésilien, aura une pression énorme dans la capitale. Vernet ne le sait que trop bien. « Le gros inconvénient de ce métier est que l’on est tributaire, encore plus que les autres, des résultats de l’équipe ». Et de poursuivre : « Le directeur sportif est le premier fusible d’un club. » 

Homme de l’ombre jeté en pâture dès que l’équipe ne tourne pas rond, le directeur sportif demeure un rouage essentiel dans la destinée d’un club. Sur le papier, ses fonctions sont clairement définies : il doit notamment s’occuper du recrutement, gérer les contrats, négocier les transferts, et, plus globalement, penser la politique du club. En d’autres termes, il sert de lien entre sa direction, l’entraîneur et les joueurs. Mais, de la théorie à la pratique, il y a parfois un gouffre. « Il y a souvent des luttes d’influence, chacun veut empiéter sur les prérogatives de l’autre », constate Eric Roy, qui a exercé ces fonctions à Nice (de 2009 à 2010 puis de 2011 à 2012) puis à Lens (de 2017 à 2019).  

Le consultant de Franceinfo: sport se veut plus explicite pour souligner un rôle pas toujours clair aux yeux du grand public. Et pour cause : « Les fonctions d’un directeur, qu’il soit sportif ou du football, ou d’un conseiller football, varient largement en fonction de la structure du club. Dans les plus grands, son rôle s’apparente plus à celui d’un manager dont la mission est de construire un effectif. Pour cela, il ne va pas nécessairement voir tous les matchs. Il dispose d’une cellule de recrutement et de scouts sous ses ordres. »

Ce sera donc l’une des missions de Luis Campos et de Javier Ribalta, mais le cahier des charges ne s’arrête évidemment pas là. Eric Roy reprend : « Le directeur/conseiller peut également aider l’entraîneur, notamment pour résoudre les conflits entre les joueurs et les problèmes d’ego. Quand il n’y a que onze titulaires sur le terrain, vous imaginez bien que le directeur a du travail pour que les remplaçants restent mobilisés. Il a donc parfois aussi un rôle de psychologue ». Et Roy de conclure : « Le directeur du football est l’architecte du club ». Il n’en demeure pas moins que, parfois, les plans ont des ratés et que les chantiers se révèlent des fiascos. 

« Les problèmes sont souvent liés au recrutement, l’entraîneur accusant souvent le conseiller football de ne pas lui avoir donné les joueurs qu’il souhaitait« , fait observer Eric Roy. D’où la volonté de certains directeurs d’outrepasser leurs fonctions. Bruno Carotti, en poste à Montpellier depuis plus de dix ans, réfute cette pratique : « Certains directeurs exigent les pleins pouvoirs mais ce n’est pas forcément une bonne chose. Il y a déjà tellement à faire quand on reste dans le cadre de ses fonctions ! »

Et l’ex-milieu de terrain d’énumérer : « Là, le championnat est à peine terminé qu’il faut déjà préparer celui de la saison prochaine, commencer le recrutement, changer certaines infrastructures, etc. Bref, c’est un poste très intéressant car on reste proche du terrain et de notre passion, mais il est extrêmement chronophage ». 

Patrick Vernet, lui, retient d’autres inconvénients à ce métier. « Il faut savoir gérer les situations de joueurs qui ont parfois 2, ou 3, agents. C’est infernal d’y voir clair dans toute cette paperasse », déplore-t-il. Autant dire que Luis Campos ou Javier Ribalta, armés d’un bataillon de juristes, n’auront pas ce genre de soucis. On le voit, la différence d’acception de la définition de directeur, que l’on soit au PSG, à l’OM ou à l’ACA, est patente à tous les niveaux. « Dans le club d’Ajaccio, c’est comme un petit village. Tout le monde donne son avis. Il n’y a pas de prérogatives bien définies », rigole Patrick Vernet. 

Thomas Tuchel, alors entraîneur du PSG, et Leonardo, son ex-directeur sportif, lors de la finale de Coupe de la Ligue le 30 juillet 2020.  (FRANCK FIFE / AFP)

Pourtant, s’il y a bien un point sur lequel tous les directeurs ou conseillers se rejoignent, et ce, quelle que soit la taille de leur club, c’est l’importance de la relation entre le directeur et son entraîneur. « Une bonne osmose entre les deux est la garantie absolue de la bonne vie d’un groupe », martèle Vernet.

Les frictions entre ces deux parties, pourtant, sont légion et font généralement les choux gras de la presse. Si le Bayern Munich est le champion incontesté dans cette catégorie, les clashs entre Jorge Valdano et José Mourinho dans les années 2010 sont passés à la postérité côté Real Madrid. Et il suffit de regarder en L1 récemment pour constater que les tensions sont fréquentes (Garcia-Juninho à l’OL ou Leonardo-Tuchel à Paris, par exemple). 

Les présidents choisissent aussi ces hommes parmi leurs proches pour assoir leur autorité et ne pas se faire trahir…

Eric Roy

Franceinfo: sport

En revanche, lorsque les deux clans s’unissent, c’est souvent pour le meilleur. Patrick Vernet, proche de Christophe Galtier, raconte : « Quand il est arrivé à Lille, Christophe a rencontré Luis Campos et il m’a dit que ça l’avait aidé à prendre de la hauteur et à se concentrer sur l’essentiel. À Saint-Etienne, Galtier s’était dispersé, il tentait de tout faire mais ce n’était pas possible. La rencontre avec Campos l’a transformé »

S’ils secondent leurs entraîneurs en les déchargeant de tâches qui ne sont pas les leurs, les directeurs sportifs assurent aussi ce lien avec leurs dirigeants. « Les propriétaires des clubs sont de plus en plus constitués de fonds d’investissement. Leurs présidents ne connaissent pas spécialement le foot et ils ont besoin de directeurs ou de conseillers football », constate Eric Roy. 

Ce dernier rappelle un autre point clé dans la nomination d’un conseiller ou d’un directeur du football : « Il ne faut pas oublier qu’un club est un organe de pouvoir. Les présidents choississent aussi ces hommes parmi leurs proches pour assoir leur autorité et ne pas se faire trahir… »

Roy, qui fut directeur sportif à Watford en Premier League entre 2019 et 2020, est également bien placé pour évoquer les différences du rôle entre les deux championnats : « En Angleterre, l’entraîneur est tout puissant. On l’appelle le manager et il possède presque tout le pouvoir décisionnaire. Le directeur, sportif ou du football, a beaucoup moins sa place qu’en France ». 

Également proche de Frédéric Massara, directeur sportif de l’AC Milan, Eric Roy affirme a contrario que ce poste est placé sur un piédestal en Italie : « Là-bas, on dit souvent que l’entraîneur est un homme de passage et que le directeur est un homme du club ». Dans quelle mouvance se situeront Luis Campos et Javier Ribalta ? 

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