Roger Federer lance sa raquette au sol durant son quart de finale du tournoi de Marseille, le 5 février 1999 (BORIS HORVAT / AFP)

Chers parents, si votre enfant ou adolescent a un goût invétéré pour les choix capillaires discutables et un caractère bien trempé, ne désespérez pas. Il pourrait bien devenir comme Roger Federer. L’image peut prêter à sourire ceux qui voient dans le Suisse un modèle de sobriété et de classe. Le futur retraité n’a pourtant pas toujours été ce champion tiré à quatre épingles et vanté par tous pour son comportement irréprochable. Roger n’est pas né Federer, la légende immaculée du tennis. Il l’est devenu.

Jeune, Roger Federer avait tout du garnement. Pas un sale gosse, même plutôt respectueux disent de lui ses premiers formateurs. Mais un garçon hyperactif, fou de la balle jaune et déjà très ambitieux. « J’ai le souvenir d’un gamin effronté et libre, racontait à L’Equipe Mathieu Aeschmann, un de ses partenaires au tennis-études suisse d’Ecublens. Il était très sympa et drôle. Il était simplement nature, avec un caractère frondeur, agaçant et attachant à la fois.« 

Ce tempérament affirmé pouvait alors vite se transformer en grande frustration quand tout ne se passait pas comme il le souhaitait sur le terrain. Roger Federer est émotif – un trait qu’il conservera toute sa carrière, en témoignent ses larmes versées après ses grands titres – et peine à maîtriser ses nerfs. « À une époque, je balançais beaucoup ma raquette, et à 16 ans, j’ai même été exclu du court pour ça« , avouait-il au Daily Express le 21 novembre 2017. Au point de devoir faire appel à un spécialiste, Christian Marcolli, ancien joueur de football reconverti en spécialiste mental de la performance. « À 17 ans, ma famille a décidé que je devais aller voir un psychologue, tellement j’étais énervé quand je jouais.« 

« Les défaites étaient de vrais désastres pour lui, évoque son père dans le livre Roger Federer, la quête de la perfectionEt quand il n’aimait pas quelque chose, il pouvait devenir très agressif. Les dés et tous les jeux de société volaient à travers la pièce. » Le Suisse doit travailler sur son attitude car le talent, lui, est bien là, et commence à faire parler du jeune Roger.

« Il était venu à Genève pour me servir de sparring-partner, se remémore l’ancien joueur Marc Rosset au journal Le Temps. D’ordinaire, les petits jeunes balisent un peu à l’idée de jouer avec le numéro un suisse, mais lui était plus que relax. » Une décontraction qui ne l’empêche pas de se révéler en remportant Wimbledon chez les juniors.

À son arrivée parmi les grands dans le circuit ATP, Roger Federer détonne par son style. Cheveux peroxydés, coupe en bataille et collier de surfeur, puis catogan assorti à une barbe de trois jours… Federer est alors un jeune de son âge, avec ses excentricités stylistiques. Son jeu se polit, ses premiers exploits ne tardent pas, comme sa victoire sur l’une de ses idoles, Pete Sampras, sur le gazon londonien en 2001. Mais ses coups de sang n’ont pas totalement disparu. Le déclic intervient un peu plus d’un an plus tard. En plein Masters 1000 de Toronto, son entraîneur Peter Carter, qui l’a façonné depuis les juniors, décède dans un accident. Confronté pour la première fois à la perte d’un être cher, Federer est « plus énervé qu’il ne l’a jamais été de sa vie » raconte le journaliste suisse Rene Stauffer dans le livre Roger Federer, la quête de la perfection. « Je crois malheureusement que ce décès a marqué une rupture dans son parcours, expliquait Marc Rosset au Temps. Après ce drame, il a cessé d’être nonchalant, comme s’il devait réussir.« 

Federer le tempétueux débute sa mission vers les sommets, mais surtout vers son épanouissement. « J’étais pris dans un mélange entre le feu et la glace, expliquait-il dans une vidéo promotionnelle pour un de ses partenaires, en novembre 2018. Le feu du désir de la victoire, de la joie après un beau point, et le froid pour me calmer et accepter les défaites, les mauvais coups, la foule, les mauvaises circonstances… J’ai trouvé l’équilibre après trois ans passés sur le circuit. J’ai pensé au long terme, je voulais jouer 15 ou 20 ans, et j’ai décidé que je me comporterai ainsi sur le terrain. Et qu’ainsi, je ne perdrai plus un match à cause de mon mental.« 

Les conséquences sont immédiates. Premier titre du Grand Chelem en 2003, cinq titres de rang à Wimbledon (2003 à 2007) et à l’US Open (2004 à 2008), une quantité de sacres astronomique, 237 semaines de rang comme numéro un mondial (de février 2004 à août 2008)… De quoi cimenter sa place dans les livres d’histoire de son sport, voire du sport tout court. Mais aussi dans les cœurs des fans de tennis. Car Federer le facétieux est devenu une sorte de gendre idéal, les cheveux coupés sans la moindre mèche qui dépasse, père de famille modèle grâce aussi à l’équilibre que lui apporte sa femme Mirka, qui l’accompagne partout depuis leur rencontre en 2000 et gère de main de maître sa carrière.

Le garnement qui partageait sa chambre entre trophées et posters plantureux de Pamela Anderson compte désormais la chantre de la mode et du « bon goût » Anna Wintour dans son entourage. La pureté de sa technique est complétée par son allure en dehors du court, toujours impeccable. Sa bonhommie fait de lui l’une des personnes les plus agréables et sympathiques en interview. Sur le circuit, tous mettent en avant sa disponibilité, sa gentillesse ou encore son espièglerie. Bon sous tous les rapports sans être lisse en somme. Même son adversaire numéro un, Rafael Nadal, évoque leur rivalité comme « un honneur et un privilège« . Il est loin le temps des mèches blondes. Federer le gentil rebelle a fait de sa mue une des plus belles histoires de sa génération.

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