Les toilettes à l'école sont plus accueillantes mais les enfants se retiennent toujours

Si les enfants jugent les sanitaires plus engageants, ils s’empêchent toujours massivement d’y aller, selon une étude réalisée par Harris Interactive pour Essity et Harpic.

Les toilettes sont toujours un problème à l’école. Selon une enquête Harris Interactive pour Essity et Harpic que BFMTV.com a pu consulter en exclusivité, quelque 81% des enfants se retiennent toujours d’aller aux sanitaires, que ce soit parfois ou souvent. Et quand ils s’y rendent, quelque 37% de ces petites filles et petits garçons essaient de le cacher.

L’étude, réalisée en octobre dernier et menée auprès de 620 filles et garçons âgés de 6 à 11 ans, pointe cependant une amélioration depuis la pandémie de Covid-19. Les enfants perçoivent en effet de manière moins négative les sanitaires de leur école: ils sont moins nombreux à juger que ces lieux sont inaccueillants, notamment du point de vue de la propreté.

De plus, l’impression que les toilettes fonctionnent bien, sont bien équipées en savon et en papier toilette et surveillées par des adultes augmente également. Ce qui pourrait favoriser un sentiment de sécurité. Et pourtant, quatre enfants sur dix affirment encore que c’est un endroit où ils craignent de se faire embêter.

Un enfant sur deux gêné de demander

Pour la géographe Édith Maruéjouls, également auteure de Faire je(u) égal: penser les espaces à l’école pour inclure tous les enfants, la non-mixité des sanitaires a longtemps masqué, voire invisibilisé les véritables problèmes.

« Ce n’est pas parce qu’il y a un bloc sanitaire réservé aux filles et un autre réservé aux garçons qu’on a reglé la question de la sécurité », pointe-t-elle pour BFMTV.com. « La non-mixité n’assure en rien contre les problèmes de harcèlement ou d’agressions entre filles ou entre garçons. »

Sans compter que le sujet des toilettes à l’école, sur lequel certaines associations comme la Fédération des délégués départementaux de l’Éducation nationale ne cessent d’alerter, reste encore largement tabou pour les enfants. Un enfant sur deux avoue en effet être gêné de demander la permission à un adulte de passer aux toilettes. Et pour près de la moitié des écoliers et écolières, il reste difficile de parler des problèmes dans les sanitaires.

Perte d’appétit, envie de pleurer

Ce qui n’est pas sans conséquence sur leur santé mais aussi leurs conditions d’apprentissage. Selon l’étude, six enfants sur dix affirment avoir mal au ventre, au point de ne pas parvenir à se concentrer sur le travail scolaire parce qu’ils se retiennent d’aller aux toilettes.

« Les enfants ne sont pas tranquilles pour faire pipi, c’est ce qu’ils me disent lorsque je me rends dans les écoles », relate encore Édith Maruéjouls, fondatrice de L’Atelier recherche observatoire égalité, un bureau d’études spécialisé dans l’aménagement égalitaire des espaces et la lutte contre les stéréotypes de genre.

« C’est invraisemblable d’en être encore là, on n’imposerait pas ça à des adultes. »

Pire: un tiers des garçons et des filles s’empêche même de boire pour ne pas avoir besoin d’uriner. Une véritable souffrance psychologique: certains confessent ainsi en perdre l’appétit ou avoir envie de pleurer du fait de cet inconfort.

« On n’en parle pas assez »

Édith Maruéjouls milite ainsi pour un apprentissage sur le sujet. À titre d’exemple, huit enfants sur dix considèrent que leurs camarades ne tirent pas suffisamment la chasse d’eau. À la question: « dans les toilettes de l’école, qu’est-ce qui te dérange le plus dans les comportements des autres enfants? », la saleté de la cuvette ou du sol est largement évoquée.

« Mais c’est compliqué quand les toilettes ne sont pas équipées de brosse », dénonce encore la géographe.

Pour cette spécialiste de la géographie du genre, en plus des défauts d’équipement, la question des sanitaires n’est pas suffisamment abordée dans les établissements scolaires.

« On n’en parle pas assez. Et ne pas en parler, c’est ne rien faire. »

L’enquête d’Harris Interactive pointe elle aussi un manque d’éducation sur le sujet: près d’un quart des enfants ont le sentiment qu’on ne leur a pas donné de consignes spécifiques pour utiliser les toilettes ou ne s’en souviennent pas.

Cependant, des solutions sont envisagées pour améliorer la situation. Et approuvées par les principaux intéressés: neuf enfants sur dix assurent ainsi qu’il leur serait plus facile d’aller aux toilettes si les règles pour bien s’y comporter étaient expliquées à tous les enfants.

Autre piste défendue de longue date par des associations de parents d’élèves: permettre aux enfants de se rendre aux toilettes quand ils en ont envie. Quelque 86% des fillettes et des petits garçons qui se retiennent assurent qu’ils iraient ainsi aux toilettes dès qu’ils en ont envie.

Toujours à la question: « dans les toilettes de l’école, qu’est-ce qui te dérange le plus dans les comportements des autres enfants? » Un tiers des enfants expliquent que c’est le manque d’intimité – notamment quand leurs camarades essaient d’ouvrir la porte ou de regarder – viennent ensuite les moqueries de leur part.

La fin des urinoirs?

Dans son dernier rapport, Claire Hédon, la Défenseure des droits, a alerté sur le sujet estimant que la rénovation des toilettes devait être prioritaire. « Si vous interrogez les enfants, certains ne veulent pas aller aux toilettes à l’école car ils ne peuvent pas s’isoler, car c’est au regard de tout le monde », a-t-elle expliqué jeudi dans une interview sur RMC.

Dans la même veine, la géographe Édith Maruéjouls plaide pour un remplacement systématique des urinoirs par des cabines qui ferment et pour une séparation des blocs – qui doivent impérativement être ouverts et sans cloison pour permettre la surveillance par les adultes – non pas selon la distinction filles/garçons mais l’âge.

« Entre un enfant de CP et un autre de CM2, ce n’est pas le même corps ni les mêmes préoccupations. Les sanitaires doivent assurer l’intimité des enfants, intimité à laquelle ils ont droit. Il est urgent de changer de regard sur les sanitaires. »

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