Face à la pression climatique, les étudiants se tournent de plus en plus vers des cursus liés à l’écologie et au développement durable.
Une « explosion » des demandes dans l’enseignement supérieur. Les étudiants et étudiantes sont de plus en plus nombreux et nombreuses à se tourner vers les cursus liés à l’écologie, la transition énergétique et le développement durable.
« Aujourd’hui, 30% d’une promotion se spécialisent sur ces sujets », assure à BFMTV.com Anne-Claire Pache, directrice stratégie et engagement sociétal de l’Essec. « Ça ne se limite plus à une petite minorité. »
Elle évoque ainsi une « montée en puissance » ces dernières années – notamment depuis le « Manifeste étudiant pour un réveil écologique » et les marches pour le climat – et l’apparition d’une génération d’étudiants, à la fois « conscients que ces compétences leur seront utiles » et soucieux de « mettre en adéquation leurs valeurs personnelles et leur vie professionnelle ».
En parallèle, le nombre de formations dédiées au développement durable a également augmenté. L’Essec vient d’ailleurs d’en ouvrir trois nouvelles, dont deux masters. « Pour l’un, on avait prévu de recruter 30 étudiants mais on a eu tellement de demandes qu’on a ouvert sept places supplémentaires », témoigne encore Anne-Claire Pache.
Gérald Majou de la Débuterie, chargé du développement durable à la Conférence des grandes écoles (CGE), recense une cinquantaine de masters spécialisés sur un total de 400. « Il s’en créé chaque année. » Même dynamique du côté des IUT: un parcours éco-conception vient d’être lancé pour la filiale génie mécanique et productique, indique à BFMTV.com Olivier Aubreton, directeur de l’IUT du Creusot et président de la commission communication de l’Assemblée des directeurs d’IUT.
La « pression » des étudiants
À l’heure où la question climatique et les enjeux de la transition n’ont jamais été aussi pressants, le sujet s’impose parfois avec fracas. Au printemps dernier, lors de plusieurs cérémonies de remise de diplômes, des étudiants d’AgroParisTech mais aussi de Polytechnique et de Sciences Po ont appelé à une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, certains exhortant à « bifurquer » et à déserter des emplois « destructeurs ».
Frédérique Vincent, directrice de l’enseignement et de l’international à l’Institut Mines-Télécom, en charge notamment de la transition écologique et de la transformation des enseignements, évoque ainsi une « pression » des étudiants. « Ils veulent que ces questions soient au cœur de leurs enseignements », confie-t-elle à BFMTV.com.
Des thématiques qui font d’ailleurs partie des critères de sélection des étudiants dans leur orientation. Cette année, lors des entretiens à Télécom SudParis, la quasi totalité des candidats a demandé aux recruteurs quels étaient les propositions et les engagements de l’école sur la question. « On ne peut pas faire l’impasse sur ces sujets », ajoute Frédérique Vincent.
« Nous devons répondre à cette demande », reconnaît Virginie Dupont, présidente de l’Université Bretagne-Sud. Également vice-présidente de France Universités, elle remarque une progressive modification des formations proposées par les universités.
Son université vient d’ailleurs d’ouvrir une licence sciences, transition écologique et sociétale et un master bancassurance et finance durable. « Tous les champs s’en saisissent, c’est un enjeu sociétal. »
Ce qui pourrait bientôt devenir une norme. Le climatologue Jean Jouzel a été chargé par Frédérique Vidal, l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, de réfléchir à la manière de « sensibiliser et former » dans le supérieur aux enjeux de la transition écologique et du développement durable.
Le rapport, rendu en début d’année, fixe l’objectif de former « 100% des étudiants de niveau bac+2, quel que soit leur cursus, d’ici à cinq ans ». « La formation à la transition écologique dans l’Enseignement supérieur doit devenir partie intégrante des parcours de formation », écrit-il.
Pour Frédérique Vincent, de Mines-Télécom, il ne s’agit pas simplement de proposer des cours dédiés ni d’organiser ponctuellement des événements mais de transformer « en profondeur » l’ensemble des enseignements.
« L’objectif, c’est que le sujet teinte toutes les thématiques et devienne transversal », poursuit-elle. « C’est d’ailleurs pour cela que le groupe a organisé cette année une école d’été pour former ses enseignants aux enjeux de la transition écologique. C’est un mouvement global à tous les étages. »
Séminaires, ateliers, fresque du climat
Le développement durable: désormais un « standard » dans le supérieur, abonde Richard Soparnot, directeur général de l’ESC Clermont Business School qui propose notamment un master, en anglais, strategy and design for the anthropocene ou encore design de la redirection écologique. Dans cette école, 35% des spécialités sont spécifiquement dédiées aux sujets RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
« Il y a cinq ans, on n’était qu’à 5% », observe-t-il. « Les enjeux environnementaux sont devenus centraux et déterminants. »
Nouvelles formations, séminaires, ateliers, fresque du climat (jeu collaboratif permettant de résumer les mécanismes du changement climatique)… Les établissements du supérieur semblent avoir pris le virage climatique. Mais pour l’association Shift Project, c’est encore insuffisant. Seules 26% des formations d’ingénieurs abordaient en 2019 les enjeux énergie-climat dans des cours obligatoires. Et près de huit ingénieurs sur dix estimaient que leurs études supérieures ne les avaient pas formés à ces enjeux.
Denis Guibard, président de la commission développement durable et RSE de la CGE et directeur de l’Institut Mines-Télécom Business School, s’en défend. « On est bien au-delà de la sensibilisation », argumente-t-il auprès de BFMTV.com.
« Avant, ces thématiques restaient marginales. Mais ces dernières années, on a vu une mutation des enseignements, avec une nette accélération. Il n’est pas question de ne former que des spécialistes mais que tous les étudiants et toutes les formations soient concernés. Cependant, il faut bien comprendre que transformer les disciplines et les programmes, cela prend du temps. »
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