face à la flambée des prix, les Français optent pour le système D

Face à la hausse des prix des prix de l’alimentation, les Français s’efforcent de rogner sur les dépenses, ou de trouver des solutions alternatives. Si certains se mettent au potager, de nombreux Français préfèrent se tourner vers des enseignes de destockage.

7,99 euros le kilo de tomates, ça a été la goutte de trop. Quand elle a vu le prix des tomates sur les étales du supermarché début mai, Nathalie Liénard a pris conscience qu’elle ne pouvait plus consommer comme elle avait l’habitude de le faire. Du moins si elle souhaitait conserver le même niveau de vie. À 45 ans, cette cuisinière en collectivité a décidé de prendre le taureau par les cornes et a installé un grand potager de 25 m² au fond de son jardin à Cambrai (Nord). L’année prochaine, elle envisage même d’adopter des poules pour ne plus avoir à acheter des oeufs tout au long de l’année.

En grande surface, « tout est devenu tellement cher, c’est indécent », souffle à BFMTV.com cette habitante du Nord, âgée de 45 ans. « Je n’étais pas sortie pendant un moment à cause d’une opération, et en retournant faire mes courses début mai, ça a été un choc: 100 euros de plus pour mon caddie, alors que j’avais pris les mêmes produits que d’habitude. Avant pour une semaine je m’en sortais avec 150 euros de course, maintenant c’est plutôt 260 la semaine. Tout a augmenté, la viande c’est carrément devenu un luxe ».

Sur un an, les prix des produits de grande consommation ont augmenté de 1,5% en mars, tous circuits confondus (supermarchés, hypermarchés, proxi, drive…), selon le panéliste IRI. Bien que la hausse semble contenue au regard de l’inflation globale sur la même période (4,5%), elle a malgré tout franchi le seuil des 1%,contre 0,58% en février. Et c’est loin d’être terminé: l’inflation devrait accélérer à 5% d’ici à l’été, « du jamais vu depuis 2008 ».

« Financièrement c’est de plus en plus serré »

« On ne s’en sort plus, pourtant avec mon mari nous avons deux salaires, dont un au dessus du Smic. Avant on pouvait se faire plaisir, plus maintenant ».

Courgettes, haricots verts, petits pois, carottes, concombres, cornichons, ou encore framboises… Refusant de se priver de fruits et légumes, Nathalie Liénard s’est inspirée de son voisin. « Je le voyais faire et je me suis dit que cela me reviendrait moins cher et qu’au moins nous n’aurions pas à moins bien manger. En effet les plans de tomates sont à 0.80 euros ». Nathalie est toutefois tributaire de la météo, peu clémente en ce moment dans le nord de la France.

« Financièrement c’est de plus en plus serré et ça n’est pas facile »: Jasmine S., elle, n’a pas le terrain nécessaire pour pouvoir faire pousser ses propres fruits et légumes. Pour éviter de « finir dans le rouge avant la fin du mois », cette mère au foyer vivant dans les Hautes-Alpes boude les rayons des grandes surfaces traditionnelles. Comme beaucoup de Français, elle préfère maintenant les magasins de hard discount ou de destockage de marques.

« Il y a encore pas longtemps j’allais chez Casino ou Lidl, mais même eux sont devenus trop chers pour un petit budget et ont augmenté leurs prix. Ça se ressent sur tout ce qui est produits d’hygiène, huile, lait pour bébé, et même le prix du pack d’eau », détaille-t-elle.

Le budget des ménages fragilisé

Pour acheter ses produits frais et la viande, cette mère de deux jeunes enfants (8 ans et 6 mois) se rend donc désormais régulièrement dans des magasins de destockage, quitte à choisir volontairement des produits dont la date de péremption est plus courte. C’est toute une organisation. « Avec le temps on prend le rythme, il faut surtout essayer de se fixer un budget course mensuel/hebdomadaire et s’y tenir. Je prends aussi beaucoup de seconde main pour ce qui est des jouets et des vêtements d’enfants », développe la mère de famille.

« Notre image a pas mal changé ces dernières années », se réjouit auprès de BFMTV.com Domitille Lebon, responsable de l’entreprise LeBon Destockeur à Gap (Hautes-Alpes), qui explique avoir enregistré une hausse de fréquentation de 60% depuis le mois de février.

Dans son magasin ouvert il y a trois ans, la jeune femme de 30 ans propose des denrées alimentaires invendues par les magasins traditionnels à des prix cassés, des produits frais à prix réduits mais à date de péremption courte, ou encore des produits d’hygiène.

« Les gens franchissent le pas de nos enseignes beaucoup plus facilement qu’avant », confirme Dominique Grandjean, à la tête de l’enseigne de destockage Instant Promo, à Soissons (Aisne). « Avant les gens avaient une certaine fierté et certains n’osaient pas trop acheter du destock. Mais aujourd’hui avec la hausse des prix, c’est devenu plus naturel car tout le monde s’accorde à dire que ce n’est plus possible ».

Nouveaux réflexes de consommation

Dominique Grandjean dit voir « une nette différence » sur le panier moyen de ses clients. « Avant, les gens venaient chez nous dénicher deux ou trois conneries, des achats impulsifs puis allaient faire leurs ‘vraies’ courses au supermarché à côté », développe le responsable du magasin.

« Maintenant, ils repartent avec des paniers pleins et essaient de faire leurs courses le plus possible chez nous, à l’exemption de produits très ciblés que nous n’avons pas forcément, et qu’ils vont aller chercher dans leurs grandes surfaces traditionnelles, parce qu’ils n’ont pas le choix ».

« Ce qu’on vend le plus, ce sont les produits frais comme la viande, les poissons, les fromages, les yaourts… », poursuit Domitille Lebon, qui dit vendre aussi « énormément de lots à prix cassés ». « Les gens peuvent se permettre davantage dans nos rayons, et en plus ils retrouvent des produits qu’ils affectionnent à des prix accessibles, vu qu’ils sont devenus trop chers en grandes surfaces ».

« La contrepartie, reconnaît-elle, c’est que la date de péremption (date limite de consommation, dite DLC) est plus courte, ou que la date de durabilité minimale (DLUO, qui n’a aucun effet néfaste pour la santé) du produit peut être dépassée. Ils sont encore consommables, ils peuvent juste avoir perdu en goût ».

« Mais ça ne freine pas les gens, on voit de plus en plus de personnes qui viennent en ayant bien conscience de ça. Certains viennent même régulièrement nous voir pour nous demander de leur dégoter tel ou tel produit qu’ils apprécient ».

La ruée vers le hard discount et le destockage

L’attrait pour les enseignes de hard discount et de destockage s’illustre aussi par le succès rencontré par les YouTubeuses conso en ligne avec leurs vidéos chez Lidl, Action, Stockomani ou encore Gifi. Dans ces vidéos, ces influenceuses conso comparent les prix de produits de déco, détergents et autres produits du quotidien qui ne font a priori pas rêver. Pourtant, elles rencontrent un franc succès car en ces temps difficiles, tout est bon pour dénicher la bonne affaire.

Sur sa chaîne YouTube « Mes secrets de nana« , la YouTubeuse Razika aide par exemple les gens à faire leurs courses, en détaillant les derniers arrivages et meilleures offres promotionnelles dégotées dans différents magasins.

La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé mardi qu’une aide serait versée « à la rentrée » aux plus modestes qui font face à la hausse des prix. Cette première aide pourrait s’élever « à 150 euros », a dit Dominique Chargé, président de la coopérative agricole. Le gouvernement a indiqué que dans un second temps, « une réflexion » serait lancée sur « un dispositif ciblé pour permettre à tous les Français d’accéder à des produits de qualité, des produits bio ».

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV

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