Un jeune garçon de 13 mois est mort, en pleine rue en novembre 2021, après avoir subi des maltraitances familiales. Il avait pourtant déjà été hospitalisé et était suivi par l’Aide sociale à l’enfance.
La mort d’un nourrisson de 13 mois au Mans (Sarthe) aurait-elle pu être évitée? Difficile d’y répondre clairement, mais des « défaillances » ont été identifiées par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport accablant, indique lundi Radio France.
Le bébé, né à Nantes, avait été hospitalisé à plusieurs reprises et faisait l’objet d’une mesure de protection de l’enfance, avant sa mort en pleine rue en novembre 2021.
Une jambe cassée et trois fractures détectées
La première fois qu’il est pris en charge, le bébé n’a que 5 mois. Sa jambe gauche, gonflée et douloureuse, est cassée, diagnostique le CHU de Nantes, en Loire-Atlantique. Selon les parents du jeune garçon, leur fils est tombé seul de son lit. La famille, arrivée en France deux mois plus tôt, loge à l’hôtel.
Les radios réalisées montrent que l’enfant souffre, en plus de cette blessure récente, de 3 autres fractures plus anciennes. L’hôpital soupçonne des maltraitances familiales et dépose un signalement auprès du parquet. Il demande également une protection du garçon en urgence.
Rapidement, la justice prend le dossier en mains. Un magistrat ordonne un placement provisoire et réclame l’ouverture d’une enquête. Mais un problème informatique empêche que l’affaire ne soit transmise. Résultat: l’enquête n’est jamais ouverte.
Le bébé étant allaité, la décision est finalement prise de le laisser avec sa mère à l’hôpital. Seul le père doit rester à distance de son fils, avant que toute la famille ne soit réunie chez elle trois semaines plus tard.
Un dossier mal transmis
Nouvel épisode le 9 mai 2021. Cette fois, le nourrisson crache du sang. L’équipe médicale soupçonne une tuberculose, mais le test s’avère négatif. Les médecins suspectent alors de nouveaux actes de maltraitance, mais rien ne peut être mis en place, la famille quittant soudainement Nantes pour Le Mans.
Ce changement d’adresse a en plus pour conséquence de couper court à la faible prise en charge dont l’enfant bénéficiait. Le dossier de l’Aide sociale à l’enfance n’est de fait pas transmis, les documents indiquant un soupçon de maltraitance ne sont notamment fournis au service pédiatrique du Mans. Seule la demande de placement fait bien le voyage.
S’en suivent trois visites à l’hôpital en même pas deux mois. Malgré la multiplication des alertes, seule une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert est prononcée. Elle consiste en de simples visites au domicile de la famille.
Faute de personnel, la première rencontre n’a lieu que le 4 octobre. Il est déjà trop tard. Le nourrisson meurt peu après, le 16, dans la rue. La cause du décès? Des « lésions multiples d’origine traumatique ».
Les services sociaux en manque de moyens
Après une longue enquête, l’IGAS, saisie en décembre 2021, dénonce de nombreux manquements. Elle pointe notamment du doigt l’absence de placement de l’enfant, objet d’une mesure de protection bien trop légère au vu de la gravité des faits.
« Un bébé ne peut pas partir tout seul ou alerter s’il est victime de violences », dénonce Michèle Créoff, spécialiste de la protection de l’enfance et ancienne vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance.
Selon l’experte, les services sociaux continuent de prononcer de simples mesures d’assistance éducative en milieu ouvert à de très jeunes enfants pour éviter d’imposer le « déchirement » d’une séparation entre enfant et parents, mais aussi pour des raisons économiques.
« (La vie de ces enfants) est sacrifiée sur les problèmes financiers des départements », déplore-t-elle.
Un drame amené à se répéter?
Pour l’IGAS, cette affaire est loin d’être isolée. L’agence dénonce le manque de moyens et de personnels, à l’origine de drames comme celui-ci. Le rapport n’hésite pas à faire un lien entre le cas du petit garçon du Mans et l’affaire de la petite Marina, morte sous les coups de ses parents en 2009, alors qu’elle était suivie par la protection de l’enfance.
« La persistance de ces risques laisse craindre la réitération de telles situations », s’inquiète le rapport qui liste 27 recommandations pour éviter de voir le drame se répéter.
Le département de Loire-Atlantique répond en assurant que des efforts ont été faits depuis, puisque les dossiers de l’ASE sont désormais automatiquement transmis en cas de mesure en milieu ouvert.
Un « aveuglement collectif »
La directrice générale adjointe à la solidarité au Conseil départemental de la Sarthe évoque pour sa part un « aveuglement collectif » dans Le Maine libre. « Dans cette affaire, tout le monde manque d’information », estime-t-elle.
Contacté par Radio France, le Secrétariat d’État à l’enfance concède de son côté des « difficultés » dans « certains départements » où l’on note des « délais importants d’exécution des mesures de milieu ouvert » et la mauvaise transmission de dossiers entre départements.
Parmi les chantiers en cours pour empêcher de nouveaux manquements, le secrétariat évoque la numérisation des données de santé afin d’éviter que des dossiers se perdent dans un déménagement ou encore la création de « comités départementaux ».
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