Serval, caracal, singe... Ces animaux sauvages "instagrammables" que certains voudraient domestiquer

Sur les réseaux sociaux, certains voudraient faire croire qu’il est anodin de posséder un animal sauvage. Mais des espèces comme le caracal ou le serval ne sont pas faites pour vivre de manière domestique. En posséder un sans autorisation peut être dangereux pour le propriétaire comme pour l’animal.

Un caracal allongé sur un lit, un serval qui regarde la télévision… Sur les réseaux sociaux, des anonymes comme des célébrités partagent des photos et des vidéos d’animaux sauvages dans des postures d’animaux domestiques, voire d’humains. En mai, le rappeur Gims s’est par exemple montré sur X (ex-Twitter) donnant le biberon à un bébé caracal. En 2019, c’est le rappeur Booba qui avait affiché un lionceau dans une voiture dans une story Instagram.

Pourtant, en France, il n’est pas autorisé d’avoir ces animaux chez soi. Leur détention est très encadrée et soumise à des autorisations administratives, pour des élevages spécialisés par exemple. Cela n’empêche pas certains d’enfreindre la loi. Depuis début 2022, le refuge Tonga terre d’accueil a ainsi récupéré 20 servals après des saisies des autorités.

Certains animaux sauvages sont plus prisés que d’autres. Le collectif Smacc (Social media animal cruelty coalition), qui réunit plusieurs associations asiatiques de défense des animaux, a publié en novembre 2022 un rapport sur la présence des animaux sauvages sur les réseaux sociaux. Selon le document, les primates, et particulièrement les singes, sont surtout concernés. Les félins comme les lions et les tigres sont également des « animaux sauvages populaires ».

Un phénomène aggravé par les réseaux sociaux

Si le phénomène n’est pas nouveau, l’association de défense des animaux One Voice estime qu’il est aggravé par les réseaux sociaux. « Les gens qui ont des animaux sauvages le font pour le paraître, pour l’image, pour prendre des photos », juge Muriel Arnal, présidente et fondatrice de l’association. Elle explique qu' »on ne peut pas avoir de relations avec ces animaux » comme on peut en avoir avec un chien.

Un serval au refuge Stichting Aap, à Almere, aux Pays-Bas, le 18 juillet 2023
Un serval au refuge Stichting Aap, à Almere, aux Pays-Bas, le 18 juillet 2023 © Remko de Waal / ANP / AFP

Le serval par exemple, un félin sauvage qui ressemble à un croisement de chat et de guépard, « est un animal qui est très sauvage et farouche », décrit Laurène Gantner, vétérinaire de Tonga Terre d’accueil, auprès de BFMTV.

« Ce n’est pas du tout un animal domestique, ça ne va jamais chercher à se faire caresser, ce n’est pas une peluche », avertit-elle. Le seul intérêt qu’y trouvent les propriétaires est donc de « se montrer » sur les réseaux sociaux, estime Muriel Arnal.

Un mode de vie qui n’est pas adapté

Ces animaux « ont besoin de courir, de grimper, de chasser », souligne-t-elle auprès de BFMTV.com. L’habitat que peut offrir un particulier n’est donc pas adapté à ces espèces, ce qui présente un danger pour l’animal et pour le propriétaire – il n’est pas difficile d’imaginer en quoi un lion dans un appartement peut être dangereux.

« Les contenus présentant des animaux sauvages comme des animaux de compagnie sont des contenus qui montrent des animaux complètement retirés de l’environnement physique et social auxquels ils sont parfaitement adaptés » explique le rapport de l’association Smacc. « Au lieu de cela, ils sont maintenus dans des environnements qui ne peuvent répondre à leurs besoins fondamentaux », ce qui se traduit notamment par « des manipulations inappropriées, une alimentation inadéquate et des soins vétérinaires inappropriés, ou même l’absence totale de soins vétérinaires »

Un caracal récupéré par les pompiers dans un jardin privé de Champigny-sur-Marne, le 12 septembre 2018
Un caracal récupéré par les pompiers dans un jardin privé de Champigny-sur-Marne, le 12 septembre 2018 © P. BURNER / BSPP – Brigade de sapeurs-pompiers de Paris / AFP

Un félin va par exemple griffer pour reproduire des scènes de chasse, ce qui peut amener son propriétaire à l’enfermer dans une cage, à lui asséner des coups ou à l’abandonner, relate l’association One Voice. Résultat: une fois récupérés par les autorités, les animaux sauvages sont « perdus pour la nature, car ils ont subi trop de traumatismes » et doivent vivre dans des refuges ou des zoos, déplore Muriel Arnal. La peine encourue pour le fait de porter atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques est de trois ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende, selon le Code de l’environnement.

Ne pas commenter ou partager ces contenus

Que faire lorsqu’on est confronté sur les réseaux sociaux à un contenu montrant un animal sauvage dans un contexte domestique? La Smacc invite les internautes à signaler ces contenus et à ne pas les regarder, les commenter, les liker ou les partager.

Le collectif d’associations souligne le « cercle vicieux » du phénomène: le fait de montrer des animaux sauvages comme des animaux de compagnie normalise ce concept par son apparence « facile » (les vidéos ne montrent que les moments amusants ou mignons). Cela augmente la demande pour ces animaux « exotiques » et donc le trafic de ces espèces, qui se retrouvent par la suite sur les réseaux sociaux, alimentant cette chaîne.

Muriel Arnal de One Voice voudrait aussi inciter les personnes à forte audience à « changer de discours » sur ce sujet afin de sensibiliser leurs nombreux abonnés: « ça serait bien que Gims dise ‘c’était une erreur [ndlr: de poser avec un caracal], je ne recommencerai pas' ».

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