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Les derniers militaires français ont quitté le Mali après neuf ans de lutte anti-jihadiste. Ils partent dans un contexte de sentiment anti-Français grandissant, alors que sur le terrain, le bilan militaire est en demi-teinte.

Trois mois après le retrait des troupes françaises, Emmanuel Macron a annoncé ce mercredi la fin officielle de l’opération anti-jihadiste Barkhane lancée en 2014 au Sahel. Après la montée des critiques contre les forces françaises par les pouvoirs politiques locaux, le chef de l’État avait annoncé en février dernier le retrait des troupes françaises engagées dans le pays.

« Ce n’est pas un échec », avait-il répété à cette occasion. « Que se serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir? Vous auriez eu à coup sûr un effondrement de l’État malien ».

Au commencement de l’opération Barkhane, 3000 militaires sont engagés dans le dispositif. Au fil des années, les effectifs sont augmentés jusqu’à atteindre 5100 militaires en 2020. Les troupes françaises reçoivent également du soutien humain et surtout matériel de la part de pays européens ou des États-Unis. L’opération s’arrête avec un lourd bilan: 59 soldats français ont perdu la vie sur le terrain.

Le succès de l’opération Serval

L’opération Barkhane a été lancée en 2014 en partenariat avec les cinq pays de la zone sahélo-saharienne (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), membres du G5 du Sahel. L’objectif: lutter contre les groupes armés jihadistes dans toute la région.

En 2012, des islamistes associés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) prennent le contrôle du nord du Mali. Sur la demande expresse et urgente des autorités maliennes, la France lance l’opération Serval en 2013 pour stopper ces colonnes jihadistes et permettre à l’Etat malien de recouvrer la souveraineté sur l’ensemble de son territoire.

« L’opération Serval en 2013 a clairement donné un coup d’arrêt à la tentative terroriste d’établir un califat et de prendre le contrôle de la capitale Bamako », affirmait en août Thierry Arnaud, éditorialiste politique internationale BFMTV.

« Un bilan en demi-teinte »

Des figures clés du jihadisme dans la région ont été éliminées par la France, à l’instar d’Abdelmalek Droukdal, à la tête d’AQMI, en juin 2020. Mais ces pertes très importantes soulignent a contrario leur capacité à se régénérer au fil des ans.

En février 2022, le site Mediapart affirmait avoir calculé qu’au moins 2800 jihadistes ont été tués au Sahel par les troupes françaises depuis 2013 dont 600 dans les premiers mois de l’Opération Serval et 2223 depuis le début de l’année 2014.

« C’est un bilan en demi-teinte pour les forces armées françaises (…). Le déploiement de Barkhane a permis de contenir la progression mais c’est vrai qu’ensuite les terroristes ont réussi de nouveau à rétablir leur présence », poursuit Thierry Arnaud.

Affaibli, l’État islamique a bien été repoussé plus au nord. Toutefois, à l’est du pays, dans la région des « trois frontières », l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) mène d’importantes offensives. En parallèle, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM), groupe jihadiste affilié à Al-Qaïda, est également monté en puissance.

Le Mali a vu ces dernières années la guerre s’intensifier et l’expansion jihadiste s’accélérer. Les attaques se multiplient jusqu’au sud, y compris aux abords de Bamako.

La formation des forces armées maliennes

En plus d’empêcher les jihadistes d’atteindre la capitale et de ramener la sécurité dans le nord du Mali, l’objectif de l’opération Barkhane était également d’accompagner l’État malien pour reprendre le contrôle et être capable d’assurer la sécurité du pays.

Les forces françaises ont ainsi participé à une formation de l’armée malienne (Fama). Selon le colonel Raphaël Bernard, auteur du livre Au cœur de Barkhane, cet effort a porté ses fruits « avec un passage de 7000 à 40.000 hommes », explique-t-il à franceinfo.

Toutefois, « nous n’avons pas atteint le but ultime, qui était de faire monter en puissance les Fama pour qu’elles soient capables de prendre en charge la sécurité de leur pays. On n’a pas été au bout de la mission », déplore-t-il.

Les autorités maliennes, faute de moyens ou de volonté, n’ont pas repris le terrain et n’ont installé ni services ni forces de sécurité dans les régions délaissées, notamment au nord du pays.

La junte militaire au pouvoir

« L’arrivée au pouvoir d’une junte militaire nationaliste a été un point de bascule pour les forces françaises: les conditions n’étaient plus réunies pour que la mission française soit un succès », détaille Thierry Arnaud.

Si l’opération Barkhane n’a pas totalement empêché la prolifération des jihadistes, c’est la situation politique de Bamako qui a signé sa fin. En août 2020, puis en mai 2021, deux coups d’État successifs ont secoué le Mali et mis le pouvoir aux mains d’une junte qui a rapidement joué la carte du sentiment anti-français. Bamako a fait appel aux mercenaires russes Wagner, qui a accéléré l’éviction française notamment avec des campagnes massives de désinformations.

« Nous ne pouvons rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés », déclarait ainsi Emmanuel Macron, en annonçant la fin de l’opération. L’armée française a définitivement quitté le pays mi-août, après neuf ans de lutte anti-jihadiste.

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