De la pédagogie, à privilégier selon les experts, au signalement au préfet, plusieurs solutions s’offrent aux personnes témoins d’une conduite dangereuse de la part d’un de leur proches.
Le permis de conduire à vie sera-t-il bientôt un lointain souvenir? Le Parlement européen étudie, ce mercredi 28 février, l’introduction d’une possible visite médicale visant à régulièrement évaluer les capacités de conduite des titulaires du précieux sésame. Une mesure notamment pensée pour les personnes âgées qui voient leurs capacités cognitives diminuées avec les années, mais qui concerne en réalité toute la population.
En attendant cette éventuelle contrôle médical obligatoire, comment agir si vous êtes témoin de la conduite dangereuse d’un de vos proches? Quand faut-il s’inquiéter? Des égarements sur un trajet normalement familier, des difficultés à se garer, une modification anormale de la vitesse, et ce, à répétition…
Plusieurs « drapeaux rouges, des signaux d’alerte, peuvent s’accumuler », explique Sylvie Bonin-Guillaume, professeure en gériatrie au CHU de Marseille, à BFMTV.com.
La vice-présidente de la Société française de gériatrie et gérontologie souligne que « la plupart des personnes se rendent spontanément compte de leurs difficultés et s’arrêtent d’elles-mêmes ».
Toutefois si ce n’est pas le cas, il convient pour le témoin de s’interroger d’abord sur une potentielle maladie ou une prise de médicaments qui pourrait altérer les capacités de conduite du proche concerné. Un arrêté du 28 mars 2022 fixe la liste des affections médicales incompatibles avec la voiture.
1. Faire preuve de pédagogie
Qu’une maladie soit en cause ou non, il faut de savoir si son proche est conscient de cette incapacité. Et donc lui en parler, de manière pédagogique, insiste la Sécurité routière. Il est préférable, par exemple, de faire part de son inquiétude pour sa sécurité plutôt que de remettre directement en cause son aptitude à conduire.
« ‘Je me fais du souci pour ta sécurité quand tu es au volant’ est plus facile à entendre que des critiques sur sa manière de conduire », note la Fondation Vaincre Alzheimer sur son site internet. « Utiliser des phrases dont vous êtes le sujet démontrera davantage votre sollicitude à son égard et lui laissera l’espace nécessaire pour mûrir sa réflexion personnelle. »
2. Se tourner vers son médecin traitant
Vous pouvez également inviter votre proche concerné à se rapprocher de son médecin traitant, en qui la confiance est généralement forte, et l’accompagner dans ce processus. Ce dernier pourra l’orienter vers des examens adaptés ou lui proposer des solutions. Si votre proche ne veut rien entendre, se tourner vers son médecin traitant peut aussi permettre à ce dernier d’aborder le sujet à votre place.
« Si derrière il n’y a pas d’accompagnement, d’explications, dire à un proche qu’il faut arrêter de conduire peut être vu comme une sanction car la voiture est encore perçue comme un outil d’autonomie associé au sentiment de liberté », analyse Sylvie Bonin-Guillaume.
3. Encourager une adaptation de la conduite
Sylvie Bonin-Guillaume précise que l’arrêt de la conduite peut entraîner de la dépression et de l’isolement. Notamment pour les personnes âgées vivant dans les zones rurales, souvent dépourvues d’un réseau de transport adapté.
« Si la personne doit arrêter de conduire, il vaut mieux un arrêt progressif, qui sera beaucoup mieux vécu, qu’un arrêt brutal », insiste la gériatre.
Il est possible d’adapter le véhicule en choisissant par exemple une voiture munie d’une boîte de vitesse automatique ou encore d’une direction assistée. Des adaptations de conduite peuvent lui être également soumises comme le fait d’éviter les heures de pointe, la conduite de nuit, d’éviter les longs parcours…
Les stages de remise à niveau, parfois proposés par des auto-écoles, par les collectivités territoriales, des mutuelles ou des assureurs, peuvent être une solution.
4. En dernier recours, faire un signalement au préfet
Si après tout cela, un proche ne veut rien entendre, ou que ses difficultés de conduite peuvent mettre en danger sa vie et celle des autres, vous pouvez vous tourner vers le préfet du département concerné.
« Une personne qui estimerait qu’un de ses proches n’est plus apte à conduire peut adresser un signalement auprès du préfet, soit par mail ou par courrier recommandé », détaille Me Aris Sabatakakis, avocat en droit routier au sein du cabinet De Caumont. Le préfet se charge ensuite de convoquer la personne inquiétée afin qu’elle passe un examen auprès d’un médecin agrée.
Si l’examen se révèle négatif, ce dernier peut saisir la commission médicale des permis de conduire qui rendra sa décision au préfet. Chargé de statuer en dernière instance, il décidera de conserver le permis en l’état, de délivrer un permis avec des restrictions de conduite ou bien de le retirer purement et simplement. Toute personne, y compris un tiers, comme un voisin, peut effectuer ce signalement.
Il est également possible de déposer une main courante auprès de la police ou de la gendarmerie qui se chargeront ensuite de remonter l’information au préfet.
« Le temps que cela remonte, cela peut prendre plusieurs mois », précise Me Caroline Tichit, avocate en droit routier depuis plus d’une vingtaine d’années, qui recommande de se tourner directement vers la préfecture.
« Effectuer ce signalement peut être un souci pour les membres de la famille, ainsi le fait de le faire sous forme de lettre recommandée, envoyée au préfet, est plus discret et la personne peut expliquer qu’elle ne souhaite pas que son identité soit révélée », détaille-t-elle.
Les deux avocats soulignent avoir rarement traité de tels dossiers. « Ces signalements ne sont pas si fréquents car je pense que les personnes ne savent pas tellement à qui s’adresser », observe Me Aris Sabatakakis.
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