Paris et Rome se renvoient la balle sur le sort de l’Ocean Viking, un bateau humanitaire de l’ONG SOS Méditerranée bloqué en mer avec 234 migrants à bord. L’Italie refuse de les laisser débarquer, tandis que la Corse se propose de les accueillir.
Où l’Ocean Viking finira-t-il par accoster? Des centaines de migrants sont toujours bloqués ce mercredi au large de l’Italie sur des navires humanitaires, notamment celui de l’ONG SOS Méditerranée, l’Ocean Viking. Le sort de ce dernier a déclenché des tensions entre la France et l’Italie, qui se sont accrues ces dernières heures.
• Plusieurs navires d’ONG bloqués dans les eaux internationales
Après des jours, voire des semaines en mer, trois navires ambulances ayant secouru des migrants qui tentaient la traversée entre les côtes nord-africaines et l’Europe ont obtenu l’autorisation d’accoster dans des ports italiens. Mais Rome n’a autorisé qu’une partie des rescapés à descendre à quai, au grand dam des organisations humanitaires.
Le « Rise Above », navire de l’ONG allemande Lifeline, a pu faire descendre mardi matin à Reggio Calabria, dans la pointe sud de la botte italienne, la totalité des 89 migrants à son bord. Six migrants en avaient été évacués dimanche pour raisons médicales.
Le navire battant pavillon allemand Humanity 1, de l’ONG SOS Humanity, a été autorisé à accoster dimanche à Catane, en Sicile, pour débarquer 144 personnes, essentiellement des femmes et des mineurs. Mais l’Italie a refusé 35 hommes majeurs. Le Geo Barents, navire de Médecins sans frontières (MSF) battant pavillon norvégien, a également accosté dimanche soir à Catane: 357 personnes ont pu débarquer, dont des enfants, mais l’entrée a été refusée à 215 autres.
Le refus d’accueillir l’ensemble des passagers de ces navires « les met en danger et viole les obligations de l’Italie vis-à-vis des droits humains », a estimé mardi l’ONG Human Rights Watch.
Le droit international et européen « garantit le droit à demander l’asile et bannit les expulsions collectives », a-t-elle rappelé. Le nouveau gouvernement italien, le plus à droite depuis la Seconde Guerre mondiale, s’est engagé à observer une ligne dure vis-à-vis des migrants.
• L’Italie remercie la France
L’Ocean Viking, de l’ONG européenne SOS Méditerranée, qui a recueilli 234 migrants, n’a en revanche pas reçu le feu vert pour accoster en Italie, à côté de laquelle il naviguait encore mardi.
Il se trouve ce mercredi dans les eaux internationales « entre la Sicile et la Sardaigne », a indiqué sur BFMTV la directrice générale de l’ONG, Sophie Beau.
« Face au silence assourdissant de l’Italie », SOS Méditerranée a indiqué avoir demandé mardi à la France d’assigner un port sûr à l’Ocean Viking qui « devrait arriver dans les eaux internationales près de la Corse le 10 novembre ».
« Cette solution extrême est le résultat d’un échec critique et dramatique de tous les États membres de l’Union européenne et des États associés à faciliter la désignation d’un lieu sûr », a insisté l’ONG dans son communiqué.
Dans la soirée, la nouvelle Première ministre italienne d’extrême droite, Giorgia Meloni, a remercié la France qui, selon elle, acceptait d’accueillir l’Ocean Viking dans un de ses ports.
« Nous exprimons notre profonde gratitude pour la décision de la France de partager la responsabilité de l’urgence migratoire, qui jusqu’à présent reposait sur les épaules de l’Italie et de quelques autres États méditerranéens, en ouvrant des ports au navire Ocean Viking », écrit-elle dans un communiqué.
• La France demande à l’Italie de « jouer son rôle »
Le gouvernement français a dénoncé mardi soir le « comportement inacceptable » des autorités italiennes qui est « contraire au droit de la mer et à l’esprit de solidarité européenne », a déclaré une source gouvernementale française.
« Le bateau est actuellement dans les eaux territoriales italiennes, il y a des règles européennes extrêmement claires et qui ont été d’ailleurs acceptées par les Italiens qui sont, de fait, le premier bénéficiaire d’un mécanisme de solidarité financier européen », a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, sur Franceinfo.
Il a jugé « inacceptables » les « déclarations » du gouvernement italien et son « refus de laisser accoster ce bateau ».
« Il nous reste encore quelques heures de discussions et, en tout état de cause, nous en sommes encore à cette étape là », a-t-il ajouté, promettant néanmoins que « personne ne laissera ce bateau courir le moindre risque, à l’évidence pour les personnes qui sont à bord ».
• La Corse propose d’accueillir l’Ocean Viking
Face à cette impasse, Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, a annoncé mardi sur Twitter soir que l’île était « prête, si nécessaire, à accueillir temporairement l’Ocean Viking dans l’un de ses ports ».
Ce mercredi sur BFMTV, Gilles Simeoni a déploré que le « bras de fer » actuel entre les gouvernements français et italien « se joue au détriment de la santé, et peut-être de la vie, de centaines de personnes qui sont en état de détresse ».
« Notre position est dictée par le devoir d’humanité, par l’urgence. On ne peut pas, alors qu’il y a des gens qui sont en souffrance et en détresse absolue à quelques dizaines de kilomètres des côtes corses, détourner les yeux ».
Dans son communiqué, l’ONG SOS Méditerranée rapporte en effet « une détérioration drastique de la santé physique et mentale des femmes, des enfants et des hommes bloqués » sur l’Ocean Viking. Plusieurs y sont depuis 19 jours et « certains ont commencé à exprimer leur intention de sauter par-dessus bord par désespoir », selon Sophie Beau.
« Il y a une infection respiratoire qui s’est propagée au sein des rescapés » et « ils n’ont plus d’espoir parce que nous n’avons aucune perspective à leur donner », a-t-elle encore fait valoir sur notre antenne.
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