Amanda Zurawski se réjouissait d’être enceinte. La grossesse de cette Texane de 35 ans a hélas vite pris un tour désespéré. Mais à cause des restrictions imposées autour de l’IVG au Texas depuis l’été dernier, elle n’a pu se faire avorter à temps. Au point qu’elle a failli perdre la vie. Elle a raconté son histoire à CNN mercredi.

Le drame vécue par Amanda Zurawski à l’été dernier illustre les conséquences pratiques de la révocation de l’arrêt Roe vs. Wade le 24 juin par la Cour suprême des États-Unis. Cette disposition garantissait depuis 1973 le droit d’avorter dans tout le pays. La suppression de cette loi fédérale a ouvert la voie à l’interdiction ou à de strictes restrictions autour de l’IVG à l’échelle des États. Des obstacles qui ont empêché la Texane d’obtenir un avortement dans les temps malgré la menace que sa grossesse, désirée mais destinée à une issue fatale, a rapidement fait peser sur sa santé.

Willow

L’histoire, telle que le couple l’a racontée mercredi à la chaîne CNN, commence pourtant sous les meilleurs auspices. Amanda et Josh, tous deux âgés de 35 ans aujourd’hui, se connaissent depuis 1991… c’est-à-dire depuis leur rencontre en maternelle dans l’Indiana dont ils sont originaires. Ils sont en couple depuis le lycée et travaillent désormais dans les hautes technologies, à Austin, capitale de ce Texas où ils ont emménagé. Il y a trois ans, Amanda Eid est devenue Amanda Zurawski en prenant le nom de son mari.

Les jeunes mariés veulent un enfant mais leurs tentatives de devenir parents sont longtemps restées vaines. Finalement, et au bout d’un traitement pour la fertilité suivi pendant un an et demi, Amanda Zurawski tombe enceinte.

« On nageait dans le bonheur », résume l’intéressée.

En juillet, elle poste sur Instagram un cliché où on la voit poser avec son mari et les premières images de son foetus, précisant en légende: « Très heureuse de vous annoncer que le bébé Zurawski doit naître fin janvier ».

Amanda attend une petite fille qu’elle et Josh se promettent d’appeler Willow. Une promesse que le corps d’Amanda ne lui permettra malheureusement pas de tenir. Car elle perd les eaux après seulement quatre mois de grossesse.

Attendre d’être en danger de mort

« Perdre les eaux », une expression courante qui désigne concrètement l’écoulement du liquide amniotique baignant l’embryon puis le foetus et sans lequel le bébé ne peut espérer voir le jour. Le médecin d’Amanda Zurawski ne peut que lui dresser un triste constat.

« On a découvert qu’on allait perdre l’enfant. Mon col de l’utérus s’est dilaté avec 22 semaines d’avance, je ne pouvais que faire une fausse couche », s’est encore souvenue la jeune femme.

Celle-ci a beau supplier son médecin de tout faire pour sauver le nourrisson, la désillusion est inévitable. L’idée d’avorter s’impose alors: d’une part, l’interruption de grossesse lui éviterait d’en passer par la fausse couche et d’autre part, l’aiderait à préserver sa santé. En effet, la perte des eaux expose la parturiente à un fort risque d’infection potentiellement mortelle. Cependant, le coeur de Willow bat déjà, ou encore, ce qui place la femme enceinte en porte-à-faux avec la loi texane. Le personnel médical lui dit alors « d’attendre », de rentrer chez elle, et la réduit à guetter les signes d’une éventuelle dégradation de son état jusqu’à, selon son récit, qu’elle soit « assez malade pour être considérée comme en danger de mort » et obtenir le droit d’avorter.

Aucune porte de sortie

Car même revue dans la foulée de l’abrogation de l’arrêt Roe vs. Wade, la loi Texane entrouvre une fenêtre pour l’avortement. L’article 170 du Code de Santé du Texas dispose ainsi que l’opération est possible dans le cas où la femme voit « une menace vitale (la concernant, NDLR) s’aggraver, être causée ou surgir d’une grossesse l’exposant à un danger de mort ou représentant un risque grave de dommage substantiel pour une fonction physique majeure ».

Une rédaction pour le moins nébuleuse alors que les enjeux pour les médecins contrevenants sont quant à eux bien plus précis: ils encourent la perte de leur droit d’exercer et même une peine de prison à perpétuité. Entre ce flottement autour des situations autorisant l’avortement et ces périls bien plus palpables, les médecins texans peuvent être incités à observer une certaine prudence.

Reste alors l’opportunité de s’expatrier vers des terres plus favorables à l’avortement le temps de l’intervention. Mais elles ne sont plus si nombreuses. L’Indiana d’origine des Zurawski? Il ne faut pas y penser: il a été un des premiers États à serrer la vis sur la question. La Louisiane ou l’Oklahoma, voisins du Texas, alors? Non plus: ils sont plus stricts encore. Il y a bien le Nouveau Mexique, lui aussi limitrophe, et où l’IVG demeure libre. Sauf que pour s’y rendre, il faut bien rouler 8h, calcule le couple à l’époque, et une infection en cours de route pourrait tuer Amanda.

Presque la dernière heure

Celle-ci se résoud donc à patienter. Ceci dit, l’attente ne sera pas longue. Le 26 août, trois jours après l’écoulement du liquide amniotique, elle est prise d’un violent accès de fièvre, grelottant dans la touffeur du Texas. Josh Zurawski emmène aussitôt son épouse aux urgences. Tandis qu’au-dehors il fait 40°C, la température d’Amanda Zurawski dépasse les 39°C. Elle aurait toutefois presque de la chance dans son malheur: désormais, elle est assez affaiblie pour qu’on envisage l’avortement.

Mais un nouveau problème survient. Son mal résiste aux antibiotiques et même à une transfusion sanguine. On l’opère tout de même, puis on la précipite, douze heures plus tard, en soins intensifs. Elle est au bord du sepsis, que l’Institut Pasteur définit comme « un dysfonctionnement d’organes potentiellement mortel, résultant d’une réponse dérégulée de l’hôte à l’infection, et dont la forme la plus grave est le choc septique ».

La pression sanguine de la patiente s’effondre, son taux de plaquettes aussi. Ses proches débarquent à l’hôpital: ils craignent qu’elle ne vive ses derniers moments. Heureusement, une injection d’antibiotiques en intraveineuse directement dans la région du coeur la sauve.

La peur d’une stérilité définitive

Si la santé d’Amanda s’est rétablie, son utérus est sorti abîmé de l’épisode, et elle redoute à présent une stérilité définitive. « Ça ne me paraît pas très pro-vie », a-t-elle glissé mercredi à CNN, en référence à la ligne affichée par les législateurs texans ayant durci les conditions d’accès à l’IVG. Quand son mari fustige des « lois barbares », Amanda déplore:

« Rien de tout ça n’avait à arriver. C’est ce qui est le plus rageant là-dedans, c’est qu’on n’avait pas – on ne devrait pas – subir ce trauma ».

Encore Amanda reconnaît-elle qu’elle bénéficiait d’un atout dont de nombreuses femmes en attente d’avorter ne peuvent se prévaloir: des revenus lui assurant une bonne assurance santé.

Robin Verner

Robin Verner Journaliste BFMTV

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