le "procès maudit" d'un double parricide au Pays basque en 2016

Après cinq procès et quatre renvois, le doute s’installe quant à la tenue d’une audience en appel pour Kévin Rouxel, accusé d’avoir assassiné ses parents à la Bastide-Clairence en 2016.

De l’avis de certains, rarement la conclusion judiciaire d’une affaire de parricide aura été si incertaine. Après cinq procès et quatre renvois, Kévin Rouxel, accusé d’avoir assassiné ses parents à la Bastide-Clairence, dans les Pyrénées-Atlantiques en 2016, pourrait se voir condamné en octobre, plus de six ans après les faits. À moins que l’évolution de sa santé ou qu’un changement de position du parquet ne remette une fois de plus en question la tenue d’une sixième audience, dans ce que les parties civiles appellent désormais le « procès maudit ».

Le 20 février 2016, un repas d’anniversaire dans un coin paisible du Pays basque vire au drame. Autour de la table ont pris place plusieurs membres de la famille Rouxel: Yann, le fils aîné, Kévin, le cadet dont on fête les 23 ans, son épouse Sofiya ainsi que leur fille de 2 ans, et les parents, Pascal et Ewa. Ces deux derniers ne parviendront pas à la fin du déjeuner, tués par balles au cours de ce repas d’anniversaire.

Rapidement suspectés d’être à l’origine du double parricide, les deux fils sont mis en examen. Kévin Rouxel nie d’abord toute implication.

Une histoire d’héritage

Si son frère Yann est finalement relâché, les soupçons se resserrent autour du plus jeune fils. Les enquêteurs le suspectent d’avoir fomenté l’assassinat de ses parents, avec la complicité de sa compagne. Le motif? Une histoire d’héritage, la fortune du couple de quinquagénaire s’élevant à environ 1,5 millions d’euros.

Kévin Rouxel finira par avouer le meurtre de son père, mais rechigne toujours à dire qu’il a tué sa mère et à reconnaître la préméditation de son geste. Depuis leur placement en détention provisoire, lui et Sofiya Bodnarchuk – à présent son ex-épouse – ont demandé à plusieurs reprises leur remise en liberté. Sans succès jusqu’ici.

De renvoi en renvoi

Ce qui s’ensuit s’apparente à une véritable bérézina judiciaire. Décembre 2018, le procès en première instance des coaccusés est interrompu à cause d’un malaise de Sofiya Bodnarchuk et d’une tentative de suicide de Kévin Rouxel. Mai 2019, ce dernier est hospitalisé en unité psychiatrique, empêchant la tenue du procès. Mars 2020, l’audience est interrompue à quelques heures du verdict, reportée parce que l’un des acteurs présents a été en contact avec une personne positive au Covid-19.

Huit mois plus tard, Kévin Rouxel et son ex-compagne sont finalement condamnés en première instance à 30 ans et 20 ans de réclusion criminelle. Un verdict duquel Sofiya Bodnarchuk fait appel, renvoyant avec elle son coaccusé devant la Cour d’appel.

Mardi, les avocats de Kévin Rouxel plaidaient encore devant le Juge des libertés et de la détention (JLD) pour renouveller la demande de mise en liberté de leur client. Mais un nouvel élément pourrait rebattre les cartes: le parquet général dénonce une tentative de « manipulation » de la part de l’accusé, menaçant de se désister de l’appel contre Kévin Rouxel.

« Peut-être qu’il vrille sur le plan psychologique »

En janvier dernier, au premier jour du procès en appel, Kévin Rouxel avait prétendu s’appeler « Mickaël Alpha Rouxel » et être en réalité le frère jumeau du véritable accusé, demandant une analyse ADN pour le prouver… et entraînant un énième renvoi de l’audience.

« Je plaide depuis plus de trente ans, et je n’avais jamais vu ça! », commente auprès de BFMTV.com Me Alain Astabie, qui défend les parents de de l’une des victimes, Pascal Rouxel.

Manipulation ou délire? Impossible de trancher entre ces deux hypothèses, estime l’avocat. « Il est capable de manipulation: peut-être qu’il essayait d’abattre l’une de ses dernières cartes. Mais je n’exclus pas l’idée qu’il soit sincère, en tous cas dans le déni. C’est peut-être tellement insupportable qu’il vrille sur le plan psychologique », poursuit Me Astabie.

Placé à l’isolement depuis août 2021

De leur côté, sans commenter directement cet épisode, les avocats de l’intéressé considèrent ce comportement comme la conséquence des conditions de détention de leur client, maintenu en détention provisoire depuis six ans et placé depuis août 2021 à l’isolement, en quartier disciplinaire.

« Avant l’ouverture du procès, il se sentait mal. Il souffrait de la solitude, mais aussi des relations compliquées qu’il entretient avec certains codétenus. Il n’était pas en état de répondre de manière utile » à l’audience, commence Me Florence Herbold.

Avis partagé par son confrère, Me Emmanuel Zapirain: « Ce sont des conditions de détention attentatoires à l’équilibre psychologique nécessaire pour subir dix jours de procès. »

Les conseils de Kévin Rouxel attendent à présent les résultats d’un nouveau rapport d’expertise. « Mais je ne suis pas tellement inquiète sur sa santé mentale », affirme Me Florence Herbold.

Kévin Rouxel sera-t-il jugé?

Selon nos confrères de Sud-Ouest, présents lors de ce procès en appel, le Président de Cour avait alors prévenu: ce renvoi sera le dernier. Cette sixième audience devrait donc se tenir du 3 au 14 octobre. Mais peu à peu, la partie civile perd espoir de voir une conclusion judiciaire satisfaisante se profiler. « Il ne semble pas être en possession de toutes ses facultés, cela me laisse dubitatif », estime l’avocat des parties civiles.

Pour Me Emmanuel Zapirain, au contraire, la tenue d’un procès en octobre ne fait « pas de doute »: même si l’avocat général met ses menaces à exécution et se désiste de l’appel concernant Kévin Rouxel, Sofiya Bodnarchuk devrait comparaître. C’est elle qui avait fait appel de la décision rendue en novembre 2020 par la Cour d’assises. « Kévin Rouxel, lui, ne voulait pas faire appel », rappelle par ailleurs Me Florence Herbold.

« S’il ne peut pas comparaître, ce serait se priver d’un canal d’informations important », juge Me Alain Astabie. « Je le regretterais, cela laisserait un goût d’inachevé. »

Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.

Laisser un commentaire