la tendance des capteurs de glucose irrite les diabétiques

Sur les réseaux sociaux, certains influenceurs font la promotion du capteur de glucose, en principe réservé aux personnes souffrant de diabète. Ce qui suscite la controverse.

Le capteur de glucose, un dispositif médical transformé en simple tendance bien-être? Sur les réseaux sociaux, plusieurs influenceuses ont suscité ces derniers jours la colère de personnes atteintes de diabète, après avoir vanté les vertus de cet appareil, présenté comme un moyen de dompter sa consommation de sucre et de perdre du poids.

L’une d’entre elles a ainsi partagé des captures d’écran de l’évolution de sa glycémie au fur et à mesure de sa journée et de ses repas, évoquant un moyen de limiter « coups de barre post-repas », « sautes d’humeur » et « manque de concentation ».

« Avoir un pic glycémique après avoir mangé une tartine de confiture, c’est tout à fait normal, cela fait partie du métabolisme », rappelle Jean-François Thébau, vice-président en charge du plaidoyer de la Fédération française des diabétiques (FFD). « Vouloir gommer ces pics glycémiques, quand on n’est pas malade, est une ineptie. »

Un dispositif médical

Car à l’origine, le capteur de glucose est un dispositif médical réservé aux personnes diabétiques. Ce petit appareil portable, gros comme une pièce de deux euros, se colle à l’arrière du bras et surveille la glycémie – le taux de glucose dans le sang, c’est-à-dire de sucre – en temps réel, tout au long de la journée et de la nuit.

Un dispositif précieux pour les personnes qui souffrent de diabète, cette maladie chronique qui se caractérise par la présence excessive de sucre dans le sang. Chez une personne non diabétique, « l’insuline est sécrétée de manière continue et régule le taux de glucose », rappelle la FFD.

Mais chez les personnes diabétiques, le pancréas ne fabrique plus ou pas assez d’insuline. Elles doivent alors s’en injecter, de une à cinq fois par jour selon le type de diabète, les besoins en insuline et le mode de vie. Sous peine, sinon de développer de lourdes complications car « les hyperglycémies répétées et prolongées entraînent à long terme une altération des nerfs et des vaisseaux sanguins présents dans tout le corps », indique la FFD.

Présenté comme un « gadget »

Le problème, c’est qu’aucun de ces influenceurs n’est diabétique. Sur ces mêmes réseaux sociaux, des voix se sont élevées pour dénoncer un dévoiement de ce dispositif, présenté comme un « gadget » alors qu’il s’agit pour les malades de quelque chose de « vital », dénonce une utilisatrice de Twitter.

« S’il s’agissait de se piquer six fois par jour le bout des doigts, l’auraient-elles fait? », s’interroge cette femme qui souffre de diabète.

D’autant que toutes les personnes qui souffrent de diabète n’ont pas facilement accès au capteur de glucose: il doit être changé toutes les deux semaines, coûte cher (entre 40 et 50 euros l’unité), n’est remboursé que pour certains types de diabète.

Surtout, sa quantité sur le marché est limitée: si Pierre-Olivier Variot, président de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), assure que le marché du capteur de glucose n’est pas en tension, il précise tout de même qu’il est contingenté. « On n’en a pas autant qu’on veut », remarque-t-il pour BFMTV.com.

Il n’est ainsi « pas question » de les dispenser à des personnes qui n’en ont « pas besoin ».

« Je veille toujours à avoir un demi-mois d’avance pour mes patients », précise Pierre-Olivier Variot, également pharmarcien à Plombières-lès-Dijon. « Mais il m’est déjà arrivé d’être en rupture de stock. Il faut alors que j’en recommande mais le patient se retrouve sans capteur pendant quelques jours. »

« Pas très utile mis à part stresser »

Avant les influenceurs bien-être, un autre type de public s’était déjà tourné vers les capteurs de glucose: les sportifs de haut niveau. Un autre modèle existe en effet à destination de ces derniers afin d’améliorer leurs performances sportives et d’adapter leur alimentation à leur effort. Certains diabétiques s’étaient insurgés contre ce qu’ils jugeaient déjà comme une forme de détournement de ce dispositif médical.

Pour Jean-François Thébau, vice-président en charge du plaidoyer de la Fédération française des diabétiques, si l’on ne souffre pas de diabète, recourir à un capteur de glucose n’a aucun sens. « Il existe beaucoup de publications sur les indices glycémiques, il n’est pas nécessaire d’utiliser un capteur pour le vérifier soi-même », s’insurge-t-il pour BFMTV.com.

Ce qui est bon pour un diabétique « ne l’est pas forcément pour quelqu’un qui n’est pas malade », résume-t-il. Une internaute comparait ainsi l’utilisation du capteur de glucose par des personnes non diabétiques à l’usage excessif d’un électrocardiogramme, qui mesure l’activité électrique du cœur.

« C’est comme si je voulais avoir un ECG en continu pour savoir si mon cœur ça va alors que j’ai zéro problème », écrit-elle. « Pas très utile mis à part stresser au moindre tracé bizarre. »

Certains malades regrettent ainsi que le capteur de glucose ne soit détourné de sa fonction médicale. Ils s’inquiètent que ce phénomène de mode ne « décrédibilise le combat d’une communauté » et ne « minimise la réalité d’une maladie encore trop mal comprise », déplore une utilisatrice d’Instagram, elle aussi atteinte de diabète. Elle rappelle que le capteur de glucose n’est « ni un jouet, ni une tendance ».

Un capteur qui « sauve des vies »

« Le risque, c’est de banaliser la maladie », abonde Jean-François Thébau, de la Fédération française des diabétiques. En France, plus de 3,5 millions de personnes sont traitées par médicament pour un diabète, indique Santé publique France.

« Quand on est diabétique, une hypoglycémie ou une hyperglycémie la nuit peut avoir des conséquences très graves et aller jusqu’au coma », rappelle-t-il. « On peut même en mourir. Avant l’arrivée des capteurs (ils peuvent être équipés d’alarme, NDLR) certains parents se levaient plusieurs fois la nuit pour vérifier la glycémie de leur enfant.

« Cet appareil a considérablement fait baisser le fardeau de la maladie. Car c’est une maladie grave et ça, il ne faut pas l’oublier. »

Jean-François Thébau appelle donc à une diffusion plus large du capteur de glucose à tous les diabétiques instables, vantant un dispositif qui « sauve des vies ». À l’heure actuelle, précise-t-il, 325.000 personnes utilisent un tel appareil, mais on estime que 500.000 y sont éligibles.

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