des communes ravitaillées en eau par camion-citerne en plein hiver

La France subit une sécheresse inédite cet hiver, après une année 2022 déjà particulièrement pauvre en pluies. La situation est si tendue que plusieurs communes du Sud de la France se voient contraintes de se faire approvisionner en eau par camion-citerne. Un gouffre logistique et financier, comme l’expliquent des responsables municipaux à BFMTV.com.

Chaque semaine depuis mi-février, deux camions-citernes de 11 mètres cubes font une dizaine de kilomètres aller-retour depuis Olette pour approvisionner en eau le petit village d’Oreilla (Pyrénées-Orientales), dont la principale source d’eau naturelle est complètement à sec depuis près d’un mois en raison du manque de pluies.

« D’habitude, le canal nous alimente en eau jusqu’en avril, mais cette année les sols du canal ne sont plus suffisamment gorgés d’eau », souffle Éric Rodriguez, le maire de la petite commune catalane de 28 habitants.

« L’été dernier, on n’a pas eu de pluie, ni les gros orages qu’on a d’habitude fin août. Depuis 2020, on est en déficit de pluies tous les ans », analyse-t-il.

« À 500€ le camion, la note monte vite »

« Le niveau d’humidité des sols correspond à celui observé normalement fin mai » dans les régions « Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et région sud », a mis en garde le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu lundi, appelant les préfets à prendre des arrêtés de restriction d’eau dès maintenant pour anticiper d’éventuelles situations de crise pendant l’été.

« À 500 euros hors taxe le camion-citerne, la note monte vite pour une petite commune comme nous! », râle l’élu, qui affirme avoir déjà dû débourser plus de 4000 euros en trois semaines pour ces allers-retours hebdomadaires. D’autant que la municipalité s’est aussi engagée à distribuer des bouteilles d’eau minérale tous les jours à ses habitants.

Pas moins de 11.000 litres d’eau ont été acheminés, ne serait-ce que le premier jour. Pour réduire les coûts, l’élu a ainsi tenté de réduire les rotations à une seule la semaine dernière mais « c’était limite »: « des habitants m’ont appelé pour me dire qu’il y avait une baisse de pression, donc cette semaine on va encore devoir ajuster », explique Éric Rodriguez.

Sans pluie au printemps, « l’hiver va être très difficile »

La commune de Coucouron (Ardèche) est confrontée au même problème de sécheresse depuis plus de huit mois. « Avant l’été dernier nos sources nous fournissaient 150 mètres cubes par jour mais il ne pleut pas assez donc elles se sont taries. Actuellement elles ne donnent plus que 10-15 mètres cubes par jour », confirme à BFMTV.com Christophe Roux, adjoint à la mairie.

C’est la raison pour laquelle depuis juillet dernier, la mairie est forcée de faire venir 7 à 8 camions-citernes de 8 mètres cubes par jour pour approvisionner ses 800 habitants en eau. Une opération qui pourrait coûter entre 80.000 et 100.000 euros à la ville, a fait savoir le maire Jacques Genest à France Bleu.

« On s’en tire comme ça pour l’instant, mais c’est très contraignant financièrement, je dirais même que c’est emmerdant. On préférerait mettre cet argent ailleurs, mais on ne peut pas », développe l’adjoint au maire.

« Si on n’a pas de pluie au printemps, l’été va être très difficile », prévoit également Jean Savinel, le maire du village d’Arlanc (Puy-de-Dôme), dont une partie des 2000 habitants ont dû se passer d’eau pendant une dizaine de jours début février. Désormais, elle n’a plus d’autre choix que d’avoir recours aux camions-citernes. Chaque jour, la commune « reçoit 30 à 40 mètres cubes d’eau », qu’il lui arrive aussi de distribuer aux communes voisines en fonction des besoins.

« C’est une organisation qui finit par être lourde à supporter », déplore l’élu, qui explique que les camions doivent à chaque fois effectuer environ 60km aller-retour pour livrer cette eau. « On espère que ça n’est qu’un moment difficile à passer parce que ça revient extrêmement cher à la commune: c’est environ 7-10 euros par litre d’eau livré sur place ».

À la recherche de solutions plus pérennes

Ce gouffre financier, la commune de Belmont de la Loire (Loire) en a fait l’expérience il y a quelques mois, à cause de l’épuisement des nappes phréatiques. D’août à novembre 2022, la commune de 1500 habitants a dû mettre la main au porte-monnaie et débourser plus de 130.000 euros pour approvisionner la ville en eau. Aujourd’hui, elle a peur de devoir y avoir à nouveau recours, s’il ne pleut pas davantage dans les prochaines semaines.

« On s’inquiète un peu car la courbe des débits d’eau n’est pas bien élevée en ce moment. Ils sont au même niveau qu’en mai dernier, et nous ne sommes qu’en février », affirme à BFMTV.com Marie-Isabelle Diaz, responsable des services techniques de la ville.

« On espère sincèrement qu’il va repleuvoir dans les semaines à venir et qu’on n’aura pas à avoir à nouveau recours aux camions citernes, parce que c’était vraiment notre solution d’urgence », développe cette employée municipale, qui explique que durant ces trois mois, « environ 200 rotations ont été nécessaires » entre Belmont de la Loire et Tancon (Saône-et-Loire), soit 6000 mètres cubes d’eau.

La situation est inquiètante car elle n’est pas neuve dans cette petite ville de la Loire, et la municipalité a bien conscience que cela risque de s’aggraver avec le temps. C’est la raison pour laquelle depuis quelques années, elle réfléchit à des solutions plus pérennes.

Une étude de faisabilité pour une inter-connexion avec une source voisine en vue d’un éventuel futur captage d’eau est actuellement menée par un cabinet d’étude, mais cela n’est encore qu’un projet. De la même manière, la municipalité d’Arlanc aimerait pouvoir capter l’eau de sources avoisinnantes. Malheureusement, elle est encore dans l’attente d’autorisations administratives pour pouvoir installer une station de pompage et de traitement de l’eau au niveau de la rivière Dolore.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV

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