au premier jour du procès des "Barjols", des prévenus préoccupés par leur quotidien

Le procès des « Barjols », ce groupe d’ultradroite, s’est ouvert ce lundi. 13 personnes sont jugées pour association de malfaiteurs terroriste.

« C’est une audience de luxe, passer une après-midi par détenu », note le président de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Face à lui, 12 prévenus, dans le box à sa gauche, seul un autre est jugé détenu. Le procès des « Barjols », ce groupe d’ultradroite issu de Facebook, s’est ouvert ce mardi.

Les faits reprochés sont « graves », rappelle la représentante du parquet anti-terroriste. Ils sont soupçonnés d’avoir projeté des actions violentes contre des élus, des migrants, des mosquées ou des gens aisés, et pour quatre d’entre eux pour avoir voulu assassiner Emmanuel Macron en 2018.

Sur les trois bancs dans la salle d’audience qu’occupent ces prévenus, c’est un mélange de cheveux grisonnants, de baskets usées et de visages marqués par la vie. Certes le plus jeune a 26 ans, mais la plupart ont la cinquantaine approchante. Le plus âgé a 66 ans. Le seul détenu est un ancien SDF. Leur attitude, mal à l’aise devant le tribunal quand ils ont été invités à décliner leur identité, tranche avec les faits pour lesquels ils sont jugés.

« Véritables difficultés financières »

Pendant trois semaines, ils comparaissent devant cette chambre « unique en France », comme le note le président du tribunal, qui juge les délits à caractère terroriste. Pourtant, en cette première journée, ils évoquent devant leurs juges leurs difficultés financières à pouvoir assister à cette audience sur un temps long. Tous viennent de province, de l’Isère, de Moselle ou de Bretagne. Ils espèrent pouvoir être excusés pour les journées d’audience auxquelles ils n’assisteraient pas.

« Il y a une véritable difficulté financière d’assister à trois semaines d’audience, tout le monde à cette audience peut comprendre que c’est compliqué », plaide Me Romain Ruiz, l’avocat de l’une des prévenus habitant à Périgueux et dont la fille nécessite une hospitalisation de jour.

Pull rose, cheveux gris remontés en chignon, la seconde femme jugée dans ce procès assure avoir déjà dû démissionner en raison de sa mise en cause dans ce dossier. « Je suis employée chez des particuliers, si je ne vais pas chez eux, je n’ai pas de salaire », plaide cette femme qui fait des ménages, venue de Moselle. « Une audience, ça s’anticipe », rétorque le président du tribunal. « Déjà Paris j’aime pas, je suis perdue, j’angoisse. Je déteste Paris. Les prix étaient hallucinants, j’ai fait une capture d’écran », tente-t-elle encore de convaincre.

« On s’entend mais on n’est pas un salon de coiffure », s’agace le magistrat.

« C’est mon travail ou une affaire qui dure depuis 4 ans, bah moi je choisis mon travail c’est tout », tranche cette femme menue qui parle de cette affaire comme d’une « épée de Damoclès ».

« Je prends le risque de perdre mon chat »

Cheveux noirs coiffés en arrière et barbe bien fourni, pour cet autre prévenu, c’est l’état de santé de son chat qui l’empêche d’assister à toutes les audiences. Lui a déjà fait le choix d’assister uniquement à la journée d’audience consacrée à son interrogatoire. Carnet de santé présenté au juge, l’animal « isolé en Bretagne », souffre de diabète. « On parle d’un chat », s’interroge le président, surpris qu’on aborde ce sujet dans ce procès. « C’est un chat de race spéciale, votre honneur, martèle ce grand gaillard. Je prends le risque de perdre mon chat à chaque fois que je viens ici. »

« Entre les piqûres d’insuline et votre procès, on s’organise, on se met en état, il y a un enjeu judiciaire pour vous et pour les autres prévenus qui est fondamental. Vous faites votre possible mais il faut que vous soyez impérativement là le 26 janvier pour votre audition », énonce le président du tribunal.

Sa compréhension est bien plus grande à l’égard du benjamin des prévenus, atteint d’un trouble mental. Tremblant, manquant de s’évanouir à la barre, le jeune homme âgé de 26 ans, soutenu par son avocat, dit avoir « vaguement » compris ce qu’on lui reprochait. « Soufflez, soufflez », lui intime le président qui estime que « les éléments de fragilité le concernant » lui permettent de s’absenter lors des audiences.

« Pas de politique, uniquement du droit »

Le procès des « Barjols », un groupuscule issu d’un groupe Facebook en 2017, adepte de réunions paramilitaires et de la théorie conspirationniste du « grand remplacement »,  est prévu pour durer jusqu’au 3 février. « Ce sont des bouts de vie fondamentaux, ça demande des efforts, de gros efforts, poursuit-il. C’est une audience de luxe, passer une après-midi par détenu. »

En début d’audience, ce dernier a d’ailleurs fait une longue leçon de pédagogie à l’attention des prévenus, dont neuf n’ont « jamais eu à faire à la justice ». Le magistrat a rappelé que son tribunal ne faisait « pas de religion, pas de politique, pas de morale, uniquement du droit », afin d’effacer « le fantasme du justice politique qui serait aux ordres ».

« Je peux vous assurer à 200% l’indépendance qui est la nôtre, a-t-il insisté. Les préjugés n’ont pas lieu dans cette salle d’audience, la pensée politique n’est pas une infraction en soi. »

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