Des organisations impliquées dans la recherche médicale accusent l’IHU Méditerranée Infection d’avoir mené un « essai thérapeutique ‘sauvage' » entre 2020 et 2021, lorsque Didier Raoult en était le directeur. L’infectiologue assure qu’il s’agissait d’une autre catégorie de recherche, qui ne nécessitait pas d’autorisation de l’ANSM.
Le terme n’a rien d’anecdotique. Alors que des organisations impliquées dans la recherche médicale accusent Didier Raoult d’avoir mené à l’IHU Méditerranée Infection un « essai thérapeutique ‘sauvage' », l’infectiologue a assuré ce mardi sur BFMTV qu' »il n’y a jamais eu d’essai thérapeutique », mais « une étude observationnelle » au sein de l’IHU dont il était directeur jusque septembre.
Un essai thérapeutique ou clinique est une étude de l’efficacité et de la tolérance d’un traitement « sur un groupe limité de personnes avant qu’il ne soit rendu disponible plus largement », explique l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), un établissement dépendant du ministère de la Santé, sur son site.
• Que dit l’étude sur l’hydroxychloroquine mise en cause?
Dans le cas de l’affaire de l’IHU de Marseille, le débat porte sur la catégorie de recherche qui a été effectuée. Du 2 mars 2020 au 31 décembre 2021, l’IHU a adopté, comme traitement de référence contre le Covid-19, une combinaison d’hydroxychloroquine (HCQ), utilisée notamment contre l’arthrite ou le lupus, et d’azithromycine (AZ), un antibiotique employé notamment contre les infections des bronches.
En avril dernier, une étude a été pré-publiée (ce qui signifie qu’elle n’a pas été relue par des pairs ou fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique) afin de dévoiler les résultats de ce traitement. Les auteurs y écrivent que l’hydroxychloroquine « prescrite précocement ou tardivement protège en partie des décès liés au Covid-19 ».
• Quelles sont les différentes catégories de recherches?
En France, la loi Jardé du 5 mars 2012 définit trois catégories de recherches impliquant la personne humaine. La première désigne « les recherches qui comportent une intervention sur les personnes non dénuée de risques pour celles-ci », comme les recherches portant sur des médicaments, détaille le ministère de la Santé sur son site. Les chercheurs doivent auparavant obtenir l’autorisation de l’ANSM et d’un Comité de protection des personnes (CPP), constitué de membres du monde médico-scientifique et de la société civile.
La deuxième catégorie concerne les « recherches à risques et contraintes minimes ». La troisième est utilisée pour les « recherches observationnelles » ou « non-interventionnelles », qui « ne comportent aucun risque ni contrainte » et « dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle », précise le ministère. Elles ne requièrent que l’avis favorable d’un CPP, et non l’autorisation de l’ANSM.
Le ministère cite en exemple la comparaison des pratiques entre deux centres de soins ou l’observation de la tolérance d’un médicament après sa mise sur le marché.
• Quel statut pour la recherche de l’IHU de Marseille?
La différence entre ces différentes catégories est au cœur de l’affaire de l’IHU de Marseille. Dans une tribune publiée dans Le Monde ce dimanche, 16 organisations impliquées dans la recherche médicale estiment que la loi Jardé a été « largement et systématiquement bafouée ».
Ils jugent que la prescription systématique d’hydroxychloroquine et d’azithromycine s’est réalisée « en dehors de tout cadre éthique ou juridique », alors que le traitement était « incontestablement montré comme inefficace, voire à risque » par plusieurs études internationales.
L’étude revendiquant 30.000 patients, les signataires de la tribune affirment qu’il s’agit « vraisemblablement » du « plus grand essai thérapeutique ‘sauvage’ connu à ce jour ».
Pour le professeur Raoult, son étude rentre plutôt dans la troisième catégorie de recherche, il s’agit d’une « étude observationnelle »: « On rapporte tous les patients et tous les traitements qu’ils ont eu », a-t-il développé sur BFMTV ce mardi.
Elle n’aurait dans ce cas pas eu besoin d’une autorisation de l’ANSM. Cette dernière a toutefois indiqué au Monde que selon ses « premières analyses », l’étude « aurait dû bénéficier » de cette autorisation.
• Quelles sont les possibles suites judiciaires?
La justice devra trancher sur ce point. Le sénateur de Paris Bernard Jomier a annoncé ce mardi sur Twitter avoir saisi la procureure de la République de Marseille à propos du protocole thérapeutique mis en œuvre à l’IHU face au Covid-19.
À noter que le parquet de Marseille a ouvert le 4 juillet 2022 une information judiciaire pour recherche interventionnelle impliquant une personne humaine non justifiée par sa prise en charge habituelle sans obtention de l’avis du comité de protection des personnes et de l’autorisation de l’ANSM – entre autres – après des signalements de l’ANSM. Ce dossier concerne d’autres recherches que celle publiée en avril.
Le parquet a précisé mardi à BFMTV que personne n’avait été mis en examen dans ce dossier pour l’instant. Le Code de la santé publique prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende pour ce type de faits.
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