Les avancées significatives de Kiev posent de nombreuses questions quant à la capacité de l’armée russe à renverser la situation en sa faveur.
Moscou avait promis une issue rapide. Dès les premiers jours de « l’opération militaire spéciale » lancée le 24 février dernier en Ukraine, le Kremlin affichait ses prétentions et souhaitait rapidement pénétrer dans Kiev pour renverser ce que Vladimir Poutine considérait comme un gouvernement de « néonazis toxicomanes. »
Plus de six mois plus tard, force est de constater que la Russie est obligée de revoir ses ambitions à la baisse alors que le conflit est figé depuis plusieurs semaines. Pire, la contre-offensive menée par l’armée ukrainienne ces dernières semaines interroge quand à la capacité de Kiev de faire basculer le conflit.
• Quels sont les derniers mouvements?
Volodymyr Zelensky en a lui-même fait l’annonce ce dimanche. Son armée a repris aux forces russes la ville stratégique d’Izioum, dans l’est de l’Ukraine, où Kiev mène une contre-offensive qui a enfoncé les lignes russes. Une prise importante, aussi bien au niveau stratégique que symbolique puisque cette ville, qui avait été l’une des premières à tomber dans l’escarcelle russe dès les premiers jours de l’invasion, est un noeud ferroviaire et routier capital qui sert à l’approvisionnement des forces du Kremlin.
Une libération qui est loin d’être isolée. Ce lundi matin, cette même armée ukrainienne a annoncé avoir repris « plus de 20 localités » en 24 heures dans le cadre de cette contre-offensive.
« Pendant leur retraite, les troupes russes abandonnent leurs positions hâtivement et s’enfuient », a encore assuré l’armée dans son rapport.
L’Ukraine revendique avoir repris environ 3000 kilomètres carrés de son territoire, essentiellement dans la région de Kharkiv, depuis début septembre.
• Peut-on parler de débâcle russe?
La symbolique de la perte d’Izioum est d’autant plus forte que l’armée russe a ces derniers jours été totalement prise à revers par les Ukrainiens.
« Ce qui est spectaculaire, c’est que les Ukrainiens ont fait diversion », souligne Ulysse Gosset, consultant défense de BFMTV.
« Ils ont trompé Vladimir Poutine en faisant croire qu’ils intervenaient à Kherson, mais en fait c’était un piège. Ils préparaient l’offensive de Kharkhiv et Izioum, ils ont pris les généraux russes à revers », ajoute-t-il. Un piège mis en place dans le plus grand secret et à l’abri des médias, tenus à bonne distance des derniers mouvements de troupes.
Un lourd revers pour la Russie qui, conjugué au recul de ses troupes, fait planer de sérieux doutes quant à la capacité de l’armée russe d’inverser la tendance.
« C’est très surprenant. Je crois qu’on assiste depuis le début à une régression progressive de l’armée russe », explique de son côté le colonel Michel Goya, consultant défense BFMTV.
« Depuis juillet, c’est peut-être là le vrai tournant en réalité. On s’aperçoit que les Russes sont usés, les troupes anciennes ont été usées et remplacées par des recrues de moindre qualité, en moins grand nombre », poursuit-il.
Pour le général Jérôme Pellistrandi, également consultant défense pour notre antenne, il s’agit bel et bien d’un « fiasco militaire majeur » pour la Russie qui a été facilité par les armes et les conseils militaires envoyés par l’Occident.
• L’armée ukrainienne peut-elle triompher?
En parallèle des défaites militaires qui se succèdent pour la Russie, l’armée ukrainienne a le vent en poupe. « La libération des localités d’envahisseurs russes se poursuit dans les régions de Kharkiv et Donetsk », a indiqué l’armée dans son rapport matinal, quelques semaines après que Volodymyr Zelensky a promis que les terres prises par les Russes redeviendraient un jour ukrainiennes.
Ce lundi, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov, dans un entretien au Monde lundi, a de son côté affirmé que le conflit en Ukraine était entré dans sa « troisième étape » et que les récents succès militaires auront un effet « boule de neige » jusqu’à la défaite de l’armée russe.
« On a d’un côté des troupes ukrainiennes qui sont maintenant nombreuses, toute la nation est en armes, alors qu’en face on a une armée russe qui en réalité n’a cessé de diminuer en volume », confirme ainsi Michel Goya, alors que le rapport de force semble s’inverser au fil des jours.
Jérôme Pellistrandi confirme lui-aussi que « les forces morales sont du côté ukrainien » après une résistance de plus de 100 jours et une dynamique de reprise du territoire. Toutefois, celui-ci tient à « rester prudent. »
Une prudence partagée sur place par la population qui reprend forcément espoir avec ces victoires qui se multiplient, mais qui attend également de voir les conséquences sur le long terme. Selon l’envoyé spécial de BFMTV à Kharkhiv Benoît Ballet, la population ukrainienne, si elle se réjouit, préfère « faire la part des choses » car selon eux, « la guerre est loin d’être gagnée. »
Si 3000 km² ont été repris par Kiev, on estime en effet à 80.000 km² le territoire conquis par la Russie depuis 2014, soit 20% du territoire ukrainien.
• Quelle sera la réaction russe?
Lors de sa prise de parole de ce dimanche, Volodymyr Zelensky a directement accusé la Russie des coupures de courant qui ont touché de larges territoires dans l’est de l’Ukraine.
« Le but est de priver les gens de lumière et de chauffage », assure-t-il.
Ces bombardements russes sur des infrastructures stratégiques ont eu lieu quelques heures seulement après l’annonce du nouveau recul russe. « C’est une réplique assez classique des Russes, qui font feu de tout bois après la défaite avec une multiplication de frappes de missiles. Ce qui est nouveau c’est une campagne organisée autour de la coupure d’électricité, ils frappent un peu sur l’arrière du front mais ce n’est pas ça qui va changer grand-chose au cours de la bataille en cours », insiste le colonel Michel Goya.
Si la stratégie militaire russe est actuellement difficilement prévisible, il semble indéniable que le Kremlin a changé de ton. « Le discours a changé, on passe de ‘renverser le régime nazi’ à ‘protéger les populations du Donbass’ et maintenant à simplement ‘conserver les zones sous notre contrôle' », rappelle, auprès de BFMTV, Ulrich Bounat, analyste géopolitique spécialiste d’Europe centrale et orientale.
A la télévision publique russe, pourtant encline à vouer aux nues la politique de Vladimir Poutine, le discours change également.
« Ce qui est sûr, c’est que la situation est très difficile, mais elle ne peut pas être simple, c’est une opération particulière. Il y a des morts, nous comprenons à quel point c’est sérieux, et qu’il y a des obstacles », conclut, fataliste, Vladimir Soloviov, présentateur de télévision pro-Kremlin. Ce même Kremlin qui, ce lundi, a de nouveau assuré que l’offensive va continuer « jusqu’à ce que les objectifs soient atteints. »
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.