Meta refuse de contribuer au financement des réseaux télécoms européens

Demander aux « gros » consommateurs de bande passante de financer le déploiement des infrastructures télécoms ? Le sujet n’est pas nouveau. Depuis des années, les opérateurs font pression pour que les acteurs des réseaux sociaux et autres spécialistes du streaming versent une sorte de droit de passage pour les capacités réseau qu’ils sollicitent.

Dans une étude récente, la Fédération française des télécoms (FFT) a mis en exergue, chiffres à l’appui, un partage inéquitable du gâteau. Les opérateurs télécoms s’acquittent de l’essentiel des investissements, des impôts et des taxes de l’écosystème numérique, mais sans en tirer des revenus à la hauteur.

Le phénomène est inverse pour les géants du numérique, qui sont pour l’essentiel américains. Grâce à leur stratégie du coucou, ils font leur nid dans les réseaux 5G et les infrastructures en fibre optique et en captent une bonne partie de la valeur sans pour autant en supporter les coûts.

Cette question n’a rien d’anecdotique pour les opérateurs. Face à la montagne d’investissements qui se dressent devant eux, se chiffrant en milliards d’euros, ils ont dû lourdement s’endetter. Avec des marges particulièrement faibles, ils sont à la recherche de relais de croissance et de nouvelles sources de revenus.

Le moral des opérateurs n’est d’ailleurs pas au beau fixe. Selon un sondage de PwC réalisé en janvier pour le sommet de Davos, près de 40 % de leurs PDG pensent que leur entreprise ne sera plus économiquement viable dans une décennie, si elle continue sur la voie actuelle.

Fin février, le sujet de la contribution des géants du numérique a été remis sur la table par Thierry Breton, commissaire européen en charge du marché intérieur, à l’occasion d’une consultation publique de la Commission européenne sur l’avenir des futures infrastructures de connectivité.

Facebook et Instagram stimulent les revenus des opérateurs

Sans même attendre la fin de cette consultation, Meta, a d’ores et déjà donné sa réponse : c’est non. Dans un billet de blog, la maison mère de Facebook, Instagram ou WhatsApp avance une série d’arguments pour s’opposer à toute redevance à venir.

Dans une figure de rhétorique bien connue, le groupe de Mark Zuckerberg renverse la charge. C’est pour accéder aux contenus de ses réseaux sociaux que des milliards d’utilisateurs à travers le monde sont prêts à payer un abonnement internet auprès de leur opérateur. « Notre investissement dans le contenu stimule littéralement les revenus et le modèle commercial des opérateurs de télécommunications. » CQFD.

De lourds investissements dans les câbles transatlantiques

Le géant américain a par ailleurs lourdement investi pour augmenter les capacités réseau et optimiser la bande passante. Ces contributions à l’amélioration des infrastructures feraient économiser aux opérateurs environ 6 milliards de dollars par an. Depuis 2017, Meta aurait ainsi investi plus de 100 milliards de dollars dans « l’infrastructure numérique mondiale », dont des milliards d’euros en Europe.

Grâce à ses investissements dans des fournisseurs de câbles sous-marins tels que Marea, Havfrue, Havhingsten et Amitie, la capacité transatlantique aurait quadruplé depuis 2016. Cette « augmentation de la capacité à moindre coût a profité aux particuliers et aux entreprises des deux côtés de l’Atlantique ».

Meta rappelle qu’il a aussi contribué au déploiement de réseaux reliant l’Europe à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Asie du Sud. Sur les projets 2Africa et 2Africa Pearls, il est associé à une série d’opérateurs, dont Vodafone et Orange. A travers l’Internet Society, il contribue à apporter internet dans les régions les plus reculées du globe.

Depuis 2018, Meta dit avoir engagé plus d’un demi-milliard d’euros dans la location ou l’achat de plus d’un million de kilomètres de fibre terrestre. Sa stratégie de content delivery network (CDN) permettrait de diffuser plus efficacement plus de 99 % de ses contenus, réduisant d’autant la sollicitation des infrastructures télécoms.

Le métavers ? La fibre et la 5G absorberont le surcroît de trafic

Mais quid du métavers ? Les futurs univers immersifs exigeront d’importances ressources pour faire interagir simultanément des centaines de millions d’utilisateurs avec une latence extrêmement faible. Dans un billet de blog, Raja Koduri, VP senior d’Intel, estimait qu’une puissance de calcul 1 000 fois plus importante que les technologies actuelles serait nécessaire.

Cette fois, Meta utilise des arguments plus difficilement recevables. Selon le groupe, « spéculer » sur l’augmentation des capacités réseau est « un non-sens ». L’adoption du métavers passera avant tout par la réalité virtuelle, qui est actuellement majoritairement supportée par les réseaux fixe via le Wi-Fi.

Or, l’Europe a déjà largement déployé la fibre optique et ses évolutions futures avec le 10G-EPON et le XGS-PON, qui devraient permettre de tenir la charge à venir. Par ailleurs, la feuille de route des opérateurs permettra des vitesses de connexion domestique 10 fois supérieures à celles d’aujourd’hui, signale Meta, oubliant de préciser que la redevance doit justement aider au financement de ces futures infrastructures de connectivité.

Idem pour les usages en situation de mobilité. Non seulement Meta investit en R & D pour rendre ses casques de réalité virtuelle moins énergivores, mais la 5G absorbera le surcroît de charge. La couverture à 100 % de l’Union européenne en 5G d’ici 2030 permettra, estime-t-il, de fournir des expériences mobiles en réalité augmentée.

« Il n’y a aucune preuve que des investissements supplémentaires soient nécessaires pour y parvenir », affirment sans ciller Kevin Salvadori, vice-président réseaux de Meta, et Bruno Cendon Martin, responsable des technologies sans fil chez Meta Reality Labs, cosignataires du billet. Un propos qui fera bondir plus d’un opérateur.

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