L’étude que vient de publier l’UFC Que Choisir va doucher le concert de louanges qui accompagne le dixième anniversaire du plan France Très Haut Débit (FTHD). Lancé en 2013 sous François Hollande, il prévoyait que tous les Français puissent bénéficier d’un accès à internet à un débit supérieur à 30 Mbit/s à la fin de l’année 2022 et que 80 % de la population puisse être éligible à la fibre optique.
Si l’exécutif parle d’un véritable succès, rappelant notamment que la France est l’un des pays les plus fibrés d’Europe, l’UFC Que Choisir estime qu’une véritable fracture du numérique s’est opérée sur le territoire. Sans contester que les objectifs du plan FTHD n’aient été atteints, l’association note qu’ils masquent de fortes disparités.
Du très haut débit « au rabais »
Cette couverture à 100 % en très haut débit ne tient, en effet, compte que des débits théoriques, quelle que soit la technologie utilisée, filaire – fibre optique, ADSL, câble – ou non filaire – satellite, 4G fixe THD radio. Or, pour 17,2 % des foyers, soit 11,8 millions de Français – l’accès au très haut débit n’est possible qu’en souscrivant des offres utilisant de deuxième catégorie de technologies, dites hertziennes.
Les solutions d’accès à internet par un satellite, la 4G ou via une antenne externe (THD radio) n’offrent pas les mêmes performances et la même stabilité que leurs équivalents filaires. L’UFC Que Choisir parle de « technologies de second ordre » (voir tableau en bas d’article).
Non seulement « les offres non filaires sont rationnées en termes de volume de données utilisables, voire ne proposent pas de services courants comme l’accès à la télévision » mais en plus « les débits peuvent s’effondrer en fonction des conditions météorologiques ou du nombre d’utilisateurs utilisant simultanément internet ».
Cette instabilité rend parfois tout simplement impossibles des cas d’usage numériques exigeant une bonne latence comme les sessions de visioconférence ou les jeux en ligne. Cette latence serait, selon l’association, plus de 50 fois plus élevée par le satellite que via la fibre optique.
Ces offres qui ne sont qu’un très haut débit « au rabais » sont, par ailleurs – un comble -, plus chères, si l’on tient compte du montant de l’abonnement et de l’achat ou la location d’équipements spécifiques (antenne, parabole, décodeur).
Un tiers des habitants de communes rurales déclassés
La fracture numérique se double d’une fracture territoriale. Si 82,8 % des consommateurs sont raccordables à la fibre selon les statistiques du quatrième trimestre 2022, cela veut dire a contrario que 17,2 % ne le sont pas. Sans surprise, les départements les plus ruraux sont les plus défavorisés.
Près d’un tiers (32,6 %) des 8,8 millions d’habitants des communes de moins de mille habitants ne disposent pas d’une connexion à internet en très haut débit. Plus grave, 18,4 % des habitants de ces communes ne disposent même pas d’un « bon haut débit » (8 Mbit/s) et 10,1 % sont tout simplement privés d’un accès de qualité minimale (3 Mbit/s).
Dans 36 départements sur les 101 que compte la France, au moins un consommateur sur dix n’a pas accès au bon haut débit filaire. Dans cinq départements (Ardèche, Côtes-d’Armor, Guadeloupe, Manche, Martinique), il s’agit même d’au moins un abonné sur cinq. En tête de ce triste classement, on trouve la Manche où plus d’un citoyen sur quatre (28,7 %) est privé d’un accès filaire au bon haut débit.
L’UFC Que Choisir propose sur son site de tester la qualité réelle de sa connexion à internet. De son côté, l’Arcep, l’autorité de régulation des télécoms, met en ligne une carte de France permettant à partir d’une adresse postale de connaître les différentes technologies disponibles et les offres commerciales associées.
Le déploiement de la fibre, source de nombreux litiges
Si les victimes de cette fracture numérique attendent impatiemment l’arrivée de la fibre sur leur territoire, l’étude de l’UFC Que Choisir rappelle que son déploiement est source de nombreux litiges. Rendez-vous non honorés, refus de réaliser les travaux de génie civil permettant le raccordement, dégradations du bâti, malfaçons techniques, débranchements sauvages… L’analyse des plus de 500 litiges traités en 2022 montre l’étendue des problèmes rencontrés.
L’association n’est pas la seule à pointer du doigt le déploiement chaotique de la fibre. Le dernier rapport de la Médiation des communications électroniques évoquait un véritable parcours du combattant pour passer de l’ADSL à la fibre. « Alors que ces problèmes sont connus depuis des années, leur persistance démontre la permissivité du cadre légal du déploiement de la fibre et une forme d’indifférence et de complaisance des pouvoirs publics », tacle l’UFC Que Choisir.
Aux yeux de l’association, cette situation est d’autant plus déplorable que les consommateurs n’ont que peu de moyens pour contraindre les opérateurs télécoms à résoudre leur problème. C’est alors la double peine. « En plus de ne pas avoir accès à internet, ils ont malgré tout à s’acquitter de plusieurs centaines d’euros auprès des opérateurs (abonnement, frais de résiliation, etc.). »
En conséquence, « l’association exige des pouvoirs publics de renforcer sans délai la régulation du secteur et les droits des consommateurs, notamment en établissant un droit opposable à un internet de qualité pour tous ». Ce droit opposable serait basé à la fois sur des débits minimaux garantis – ce que souhaite proposer Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications – mais aussi sur un système d’indemnisations si ces débits ne sont pas atteints.
Par ailleurs, les consommateurs devraient pouvoir résilier sans frais leur abonnement en cas d’échec de raccordement ou d’interruption du service. En cas d’interruption prolongée ou récurrente du service, les frais d’abonnement seraient suspendus et des indemnités automatiques instaurées.
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