La nageuse française Virginie Dedieu, le 30 juillet 2015, lors des Mondiaux de Kazan (Russie). (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

La dernière fois que la natation artistique française est repartie d’un championnat international avec une médaille, Laure Manaudou triomphait encore dans les bassins sous l’œil de Philippe Lucas. C’était en 2007, lors des Mondiaux de Melbourne, en Australie. Virginie Dedieu s’offrait ainsi le dernier de ses trois titres mondiaux en solo avant de tirer sa révérence.

Quinze ans plus tard, la France n’a plus décroché de médaille dans cette discipline. Cependant, avec une nouvelle génération qui doit arriver à maturité à Paris pour les Jeux olympiques en 2024, les championnats d’Europe, qui débutent jeudi 11 août, constituent un galop d’essai pouvant permettre aux Tricolores de rapporter enfin une nouvelle breloque. Pour franceinfo: sport, Virginie Dedieu revient sur les raisons d’une si longue attente.  

Franceinfo: sport : Peut-on espérer voir la France rapporter une médaille de Rome cette année en natation artistique ?

Virginie Dedieu : On a clairement des chances, car c’est plus ouvert sans les Russes. On sort de Mondiaux où les Françaises ont fait belle impression et ont terminé au pied du podium. L’Espagne ne sera pas là non plus. Sur le solo, Oriane Jaillardon a un programme de haute volée. Elle n’a pas brillé à Budapest (9e) mais elle a les moyens de se hisser sur le podium. Enfin, en solo, Eve Planeix est notre meilleure chance de médaille. 

Comment expliquer une telle disette ?

Après ma retraite [Virginie Dedieu a arrêté une première fois en 2005 avant de revenir en 2007, puis elle a repris lors des Mondiaux de Kazan en 2015, une dernière fois, pour le duo mixte], beaucoup de filles ont arrêté. On met beaucoup de temps à remonter, mais on dégringole très vite.

Le problème de la natation synchronisée, c’est qu’une équipe va être forte quand elle va travailler longtemps ensemble. Or, en France, ce n’est pas le cas car on n’est pas des athlètes professionnelles, il y a les études en parallèle. Si, à l’époque, on s’entraînait 7 à 8 heures par jour, aujourd’hui, c’est plus 5 à 6 heures d’entraînement tous les jours. Ça a pour conséquence une perte au niveau des résultats des nageuses. De plus, une fois sorties d’école, elles arrêtent la natation artistique parce qu’elles ne peuvent pas travailler à temps plein et s’entraîner à un haut niveau en même temps.

En quoi le moyen ou le long terme est-il si important dans cette discipline ?

On met plusieurs mois à créer une chorégraphie. Pour qu’elle soit totalement en place, il faut une année minimum. Tout ce temps, il faut avoir l’équipe ensemble pour préparer et affiner l’ensemble. Puis d’une année sur l’autre, il va falloir augmenter la difficulté pour être performante au niveau mondial. Une équipe qui peut prétendre à quelque chose à l’échelle olympique, ça prend des années. 

« Les Espagnoles ont été médaillées olympiques en 2008 à Pékin pour la première fois. En 2004, elles étaient finalistes et à Sydney, en 2000, elles avaient loupé la qualification. C’est la même équipe qui est restée de bout en bout. Il leur a fallu trois olympiades ensemble pour être médaillées. C’est le temps qu’il faut pour y parvenir. »

Virginie Dedieu, triple championne du monde de natation artistique

à franceinfo : sport

Il y a cependant un vrai élan qui s’est créé en vue de Paris 2024. Les nageuses françaises vont étirer leurs études parce qu’elles savent qu’il y a cette échéance. Cependant, la synchro mondiale s’est densifiée. Il y a des pays qui « n’existaient pas » avant et qui sont désormais là. La Grèce et l’Ukraine en font partie.

Les nageuses ne bénéficient-elles pas d’aides ?

Aujourd’hui, elles doivent sélectionner les compétitions parce qu’elles n’ont pas les moyens de participer à toutes celles qu’elles voudraient. Il y a un manque d’aides au sein de la fédération française, mais ça se joue aussi au niveau de l’Agence nationale du sport, qui tient les cordons de la bourse. En Italie, les nageuses sont dans la marine et donc sont rémunérées pour pratiquer leur sport. On a l’impression que, tant qu’il n’y a pas de possibilité de médaille, les aides ne sont pas là. Mais c’est un cercle vicieux. On ne va pas y arriver sans rien.

Les Jeux olympiques à Paris en 2024 peuvent-ils créer un élan ?

Je suis pessimiste pour l’avenir si on n’a pas d’aides. Je peux en parler parce que je suis présidente du club Pays d’Aix natation. Le haut niveau est enseigné dans le club. Mais on va avoir du mal à garder nos entraîneures parce qu’elles sont mal payées et il y en a très peu. Il faut leur donner envie. Pour les nageuses, c’est la même chose, il faut pouvoir les salarier.

Au niveau des sponsors, ce n’est pas mieux. J’ai été la seule Française sponsorisée pendant longtemps. Ça m’a permis de payer mes études. J’avais 4 600 euros par an, en étant triple championne du monde. Comparé à ce que touchaient d’autres nageurs, seulement finalistes, c’était ridicule.

L’attraction de ces championnats d’Europe, c’est aussi une première épreuve masculine en solo…

Oui, dans les Worlds Series [la Coupe du monde qui se déroule toute l’année sur dix étapes], ça a commencé l’année dernière. Mais c’est la première fois de l’histoire dans des championnats internationaux. Quentin Rakotomalala, qui vient de chez moi, à Aix-en-Provence, y participe. Il a toutes ses chances. 

Comment expliquer qu’il n’y ait pas eu de compétition masculine avant ?

Au départ, c’est une discipline plutôt féminine. Il y a cependant toujours eu des garçons en France, mais ils étaient dans les sections féminines. Cependant, il n’y avait pas d’accès pour les hommes lors des championnats internationaux. La première fois, c’était en 2015 avec l’introduction de duo mixte. J’espère que ça va permettre de créer des vocations.

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