Le retour de l’équipe de France de football, lundi 19 septembre à Clairefontaine (Yvelines), a été pour le moins agité. Ce dernier rassemblement avant la Coupe du monde au Qatar a relégué le sportif au second plan, pour voir ressurgir le dossier des droits à l’image. Soulevé par la star tricolore Kylian Mbappé, ce sujet, jusqu’alors totalement absent des débats autour des Bleus, est devenu central pour l’attaquant du Paris Saint-Germain.
Son absence annoncée pour une séance photo organisée mardi avec un des partenaires de la Fédération française de football a poussé cette dernière à bouleverser l’ordre de ses priorités et à « réviser dans les plus brefs délais » la convention qui lie la FFF et les joueurs de la sélection nationale. Entre jargon juridique et considérations économiques, qu’y a-t-il derrière ce combat en passe d’être remporté par l’avant-centre des Bleus ?
Six mois de tensions et de tâtonnement, quelques heures pour le dénouement
Comme souvent, quand Kylian Mbappé veut accélérer, c’est lui qui impose le tempo. L' »affaire » des droits d’image prend racine le 23 mars dernier, quand le champion du monde 2018 décide de ne pas prendre part à une journée consacrée à des sponsors de l’équipe de France. Le joueur souhaite, par son boycott, faire modifier la gestion des droits à l’image des Bleus. Le geste crispe un temps la fédération avant que le calme ne revienne dans les deux camps. « Cela va se régler très, très vite. On ne va pas se créer des problèmes pour rien, on a un pays à faire gagner« , clamait Mbappé le 23 mai dernier, peu après avoir resigné avec le Paris Saint-Germain.
« Le football il a changé (…) je ne demande pas grand-chose, j’ai une carrière et j’ai envie de gérer ma carrière comme je l’entends. »
En mai dernier, Mbappé évoquait le sujet des droits à l’image. pic.twitter.com/CUx4tQeR8s
— RMC Sport (@RMCsport) September 19, 2022
Quelques mois plus tard, ce lundi 19 septembre 2022, le joueur obtiendra finalement raison dans son bras de fer avec la FFF. La star du PSG annonce qu’il ne participera pas à une séance photo organisée mardi, alors que le matin-même, le président de la fédération, Noël Le Graët, avançait dans L’Equipe que le sujet serait traité après la Coupe du monde au Qatar. Dans la soirée, l’instance du football hexagonal publie dans un communiqué, qu’elle « s’engage à réviser dans les plus brefs délais, la convention inhérente aux droits à l’image« .
Les droits à l’image collectifs, qu’est-ce que c’est ?
Au football comme dans n’importe quel sport, et plus largement n’importe quelle activité d’ordre publique, la renommée de ses principaux acteurs est un atout commercial, qui se doit d’être soumis à des lois. « Le droit à l’image collectif résulte de l’association d’un individu et d’un collectif, nous détaille Tatiana Vassine, avocate spécialisée en droit du sport. Au foot, on parle de collectif soit pour un club, soit pour une fédération. Quand un joueur intègre un collectif, il lui donne le droit d’utiliser son image dans un cadre collectif, que la loi a fixé à cinq joueurs par équipe de football.«
Le motif de la querelle est en apparence assez simple : Kylian Mbappé souhaite avoir plus de contrôle sur son image personnelle quand il représente l’équipe de France, et pouvoir faire bouger les lignes concernant le droit à l’image collectif auquel sont soumis les Bleus.
Les joueurs ont-ils voix au chapitre sur leur image en équipe de France ?
Jusqu’à présent, et depuis le fiasco de la Coupe du monde 2010 à Knysna (Afrique du Sud), les joueurs de l’équipe de France n’ont plus véritablement la main quand il s’agit de leur image en tant que joueur de l’équipe de France. « C’est conditionné par le fait qu’un joueur qui souhaite jouer en équipe de France doit signer une charte avec des engagements, dont celui de prêter son image à la FFF, rappelle Tatiana Vassine. Le rapport de force est, jusque-là, assez fort. La fédération a besoin de favoriser son image, car c’est toute l’image du football français qui découle de celle de l’équipe de France. Il y a une marge de négociation nulle pour les joueurs, avec des concessions importantes. La fédération dispose d’un pouvoir réglementaire : elle peut prendre des dispositions pour les joueurs concernant l’exploitation de leur image.«
C’est le cas aujourd’hui, de la première sélection jusqu’à cinq ans après la retraite professionnelle d’un international français. Cette condition de temps, ainsi que l’absence de droit de regard par les joueurs, fait partie des principaux motifs de fronde de Kylian Mbappé. Le joueur ne souhaite pas voir son poids publicitaire être utilisé pour des fabricants de soda, ou des livreurs de fast-foods, comme Coca-Cola et Uber Eats, partenaires de la Fédération française de football. « Il est important que les joueurs soient en harmonie avec les publicités auxquelles ils participent« , avait précisé Delphine Verheyden, avocate du joueur, dans L’Equipe, le 28 mars dernier (article payant).
Une situation sans précédent majeur en France
Ce coup de force mené par le joueur du Paris Saint-Germain devrait conduire à des « droits et obligations » revus et corrigés, sans que le contenu de cette nouvelle convention n’ait pour le moment été communiqué. Pour Tatiana Vassine, c’est un vrai revirement qui s’opère. « Revendiquer des droits n’est jamais une mauvaise chose. C’est parce que des sportifs et sportives l’ont fait qu’ils ont fait avancer le droit du sport. On assiste à un rééquilibrage des forces.«
C’est aussi par la nature de son instigateur que le mouvement a pu prendre de l’ampleur. La stature médiatique de Kylian Mbappé et son image individuelle à l’international en font un poids suffisamment fort pour porter de telles revendications, alors que l’intervention du législateur « serait une ingérence« , précise Tatiana Vassine. « C’est l’institution, ici la FFF, qui a le plus de pouvoir d’un point de vue juridique car elle dispose du pouvoir réglementaire. Mais il ne faut pas oublier que contrairement aux clubs, la fédération a une mission de service public. Il y a une dimension qui est autre que du pur business, il y a aussi des aspects de déontologie.«
Cliquez ici pour lire l’article depuis sa source.