pourquoi les équipes féminines sont-elles réduites à six coureuses ?

Vous êtes amoureux des longues échappées qui vont au bout ? Le cyclisme féminin n’est pas fait pour vous. Non pas qu’il n’y ait pas de coureuses capables d’une victoire en solitaire – on l’a vu avec Marlen Reusser (SD Worx) mercredi à Bar-sur-Aube –, mais parce que c’est une configuration de course rare dans le cyclisme féminin. Et pour cause, là où les équipes masculines comptent huit cyclistes, on n’en dénombre que six chez les femmes. Ce qui change toute la façon de courir.

Première conséquence de ce nombre réduit de coureuse : la sélection pour les compétitions. Avec six strapontins disponibles, un directeur sportif fait forcément des déçues avant un départ. « Ce qui est triste, c’est de laisser la septième, la huitième à la maison, alors qu’elles auraient tout à fait le niveau », regrette Jonas Dupuis, du Stade rochelais. Mais les écuries féminines y sont habituées depuis un moment déjà.

« On court tout le temps à six. J’ai fait un seul Giro à sept, donc on a l’habitude », témoigne Audrey Cordon-Ragot. La championne de France en profite pour rappeler que c’est aussi pour cela, qu’à l’heure actuelle, un grand tour féminin de trois semaines est impossible : « Une semaine à six, c’est déjà bien costaud. Parce qu’avec deux coureuses de moins, on est moins nombreuses pour rouler, protéger nos leaders, et se répartir les efforts ». Concrètement : les cyclistes se fatiguent plus vite.

Ce nombre réduit a toutefois un avantage de poids, selon la porteuse du maillot tricolore : « On n’a pas de course avec des échappées qui prennent dix minutes d’avance. Ça n’existe pas dans le cyclisme féminin, parce qu’on contrôle moins, ou de plus près. Les courses féminines sont plus débridées que celles des hommes, on a une autre manière de courir ».

Là encore, c’est le nombre d’athlètes par équipe qui explique ce phénomène : à six, c’est tout simplement plus dur de revenir sur une échappée pour une équipe, qu’à huit. C’est aussi plus risqué de laisser partir une coureuse à l’avant, puisque cela diminue encore le nombre de coéquipières autour de la leader dans le peloton.

« Peut-être que ça inspirera certaines courses hommes à changer leur format pour faire venir moins de coureurs pour dynamiser la course. Et puis on a plus de place dans le bus (rires). » 

Audrey Cordon-Ragot

à franceinfo: sport

Pour les baroudeuses, cela peut s’avérer frustrant. Mais d’un point de vue stratégie, cela ouvre des perspectives, estime Jonas Dupuis : « C’est rare de voir une équipe cadenasser la course comme chez les hommes. Vous ne verrez pas une échappée de cent kilomètres, mais on peut tenter des coups dans le final. En résumé, nos courses sont beaucoup plus ouvertes ». Du côté de la Saint-Michel Auber 93, la directrice sportive, Charlotte Bravard, ex-coureuse, tient aussi à rappeler que le nombre réduit de coureuses est contrebalancé par les distances parcourues : « Il ne faut pas oublier qu’on court moins de kilomètres, donc ça équilibre un peu le tout. »

Toutefois, elle milite pour une augmentation à sept coureuses par équipe dans un avenir proche : « On pourrait aller plus loin sur la course, avoir plus de kilomètres. Mais on a encore un petit souci, c’est que le réservoir féminin n’est pas énorme. Il faut prendre le temps. Il faut que ce Tour de France donne des vocations aux petites filles. Aujourd’hui, les trois quarts des coureuses ont commencé le vélo parce que quelqu’un en faisait dans la famille. Les petites ont besoin de modèles à la TV pour s’identifier ». Et ainsi venir garnir peu à peu les rangs des écuries féminines.

Derrière ce point de règlement, il y a aussi une démarche noble de la part des organisateurs, estime Stephen Delcourt, le manager général de la FDJ-Suez-Futuroscope : « Des équipes à six cyclistes permettent aux plus petites structures de prendre part à cet événement historique qu’est le premier Tour de France femmes. C’est très important ». Les cadors de la SD Worx, Trek-Segafredo ou Jumbo-Visma n’auraient eu aucun mal à aligner huit coureuses de haut niveau sur ce Tour, mais pas les plus petites équipes comme le Stade Rochelais ou Valcar-Travel Service.

Sur cette édition, la FDJ a par exemple dû faire le choix de se priver de sprinteuse pour mieux défendre la leader Cecilie Ludwig. Un compromis que n’aurait peut-être pas eu à faire la FDJ avec sept coureuses au départ. « On a axé le groupe pour le général, on a dû délaisser le sprint. On ne voulait pas être partout et se retrouver nulle part », résume Nicolas Maire, directeur sportif.

Même si elle dure depuis quelques années, cette réglementation est donc temporaire, dans l’idée de préserver l’intérêt global, plutôt que celui des grosses structures. Stephen Delcourt développe : « Le risque, c’est d’assister à deux courses dans la course, avec les professionnelles d’un côté, qui consacrent leur quotidien à ce sport, et celles qui sont encore étudiantes ou qui travaillent en marge du cyclisme, de l’autre ». Mais comme sa consoeur de la Saint Michel-Auber 93, le manager de la FDJ-Suez-Futuroscope milite pour une évolution : « À l’avenir, je reste persuadé que, pour atteindre le plus haut niveau, il faudra arriver à sept cyclistes par équipe ». 

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