Il représente la relève du sprint masculin français. Après Alain Bernard, Florent Manaudou ou encore Frédéric Bousquet, Maxime Grousset est, à 23 ans, l’une des plus grandes chances de médaille tricolore sur la distance reine, le 100 mètres nage libre, aux championnats d’Europe de Rome, qui ont démarré jeudi 11 août.
Alors qu’il dispute, vendredi, les séries sur sa distance fétiche, son entraîneur, Michel Chrétien, ainsi que le responsable de la data du suivi physiologique et analytique de course des athlètes au sein de la Fédération française de natation, Robin Pla, ont analysé pour franceinfo: sport les caractéristiques techniques du nageur originaire de Nouvelle-Calédonie.
Le pensionnaire de l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) n’est pas le plus grand, ni le plus puissant, mais il présente un profil hybride sur cette distance. « C’est quelqu’un qui a très peu de masse grasse, il a 5% donc ce n’est que du muscle. Comme il n’est pas si grand, il est léger pour un sprinteur, son rapport poids/puissance est très bon« , détaille Robin Pla. Il utilise cet avantage dès le départ d’une course. « Pour la poussée, c’est clairement le meilleur de l’Insep. Ça fait deux ans qu’on bosse dessus« , ajoute le conseiller technique. Avec des analyses vidéo à l’appui, ils travaillent également une fois par semaine sur la courbe d’entrée dans l’eau afin de limiter la perte de vitesse.
Sur les 15 premiers mètres autorisés pour la coulée, Maxime Grousset a appris à ne pas faire comme les autres. « Il ne va pas jusqu’aux 15 mètres à la différence d’un [Florent] Manaudou, parce qu’il veut bénéficier d’un maximum de vitesse en fin de coulée et il va être moins bon que Florent sur les dernières ondulations. Il vaut mieux qu’il sorte à 12 mètres pour maximiser sa vitesse. S’il ratait une ou deux ondulations, il perdrait en vitesse de sortie« , explique Pla.
Cinq voire six ondulations avant de remonter à la surface, c’est le bon compromis choisi après analyse. « Maxime est un nageur de 100 m pour des raisons physiologiques. Pour être le meilleur du monde sur 50 m, il faudrait qu’il gagne sur sa coulée. Là-dessus, il est en dessous d’un [Caeleb] Dressel même s’il en est proche.«
Particulièrement régulier d’une course à l’autre, le Français reste en contrôle sur toute la première partie de son effort. « Ça le démarque d’Alain Bernard et Florent Manaudou qui envoyaient la sauce dès le premier 50 et qui tentaient de tenir ensuite. Ça passait avec les combis, moins avec les maillots de bain. Maxime fait l’aller relâché avant de se lâcher ensuite« , explique Pla. « Il doit être à 52/53 cycles par minute environ et il arrive à garder cette intensité tout au long de la course au même niveau. Là où un Manaudou va être à 60 cycles sur le premier 50 mètres avant de baisser« , ajoute l’analyste.
Au virage, là encore, il se démarque, avec « des coulées moins longues que les autres, environ 8 mètres, alors que Dressel va faire 10 mètres ». Comme pour le départ, « il ne pousse pas plus parce que sinon il perdrait de la vitesse ». Pour Robin Pla, Grousset « va sortir avec des vitesses similaires aux autres et c’est pour ça qu’il est meilleur en grand bassin. Sur la première coulée, il a un avantage, c’est sa force de poussée qui va lui permettre de compenser. Ce qui est moins le cas au retour, mais ensuite, c’est le meilleur« .
Toutes les qualités du Français s’expriment sur cette phrase retour. D’abord grâce à sa caisse physique. « ll mange en moyenne 50 bornes par semaine alors que Manaudou est à 15/20 kilomètres, je pense. Le Britannique Ben Proud [champion du monde 2022 sur 50 m libre], c’est encore moins« , affirme Robin Pla.
« Il a de l’explosivité et de la puissance, moins qu’un Manaudou et un Bernard, mais il a une grande résistance, supérieure à eux. Sur le deuxième 50 mètres, il est l’un des meilleurs au monde. Seul, peut-être, l’Australien Kyle Chalmers [champion olympique du 100 mètres nage libre en 2016, en argent à Tokyo] fait aussi bien. »
C’est aussi dans cette partie de course, en fin de coulée, que le Français peut exprimer son sens tactique, avec des « stratégies en fonction de l’adversité et de la course », précise Michel Chrétien, son entraîneur. « La course d’un jour ce n’est pas la belle mécanique qu’on va mettre en place. Il faut faire face au stress. » Or, le coach l’assure : « Ce qui anime Maxime, c’est la compétition. Il n’a pas peur en finale ». Mieux, son nageur « aime jouer »
« Il maîtrise à la perfection le jeu de poker menteur. Lors du barrage pour la finale sur 50 m aux derniers Mondiaux contre Bruno Fratus, on savait que le Brésilien n’avait pas un départ très rapide mais une accélération énorme entre 25 et 35 mètres. J’ai demandé à Max d’accélérer sur ce tronçon pour le surprendre. Il l’a fait et il a gagné. »
Michel Chrétien, entraîneur de Maxime Groussetà franceinfo: sport
Face au prodige de 17 ans David Popovici, à Budapest, la finale sur le 100 m constitue le parfait exemple de ce talent. « Tactiquement, le Roumain est un métronome. Quand il est en eau calme, il va très vite. Mais Maxime, avec sa progression, est capable d’accélérer dans le deuxième 50 mètres et de relancer en permanence. Il n’y a pas d’effondrement dans sa nage. Au niveau chronométrique, il est à 48″5 quand un Popovici va être à 48″1. Mais on savait que s’il l’attaquait, aux alentours des 75 mètres, il mettrait un grain de sable dans les rouages. Et un métronome quand on le secoue, il tangue« , développe Chrétien.
Agressé par le Français, le hors-bord de Bucarest a complètement déjoué, signant un chrono loin de ses standards, lui qui espérait claquer un nouveau record du monde sur la distance. Il a fini avec un temps de 47″58, six centièmes devant Grousset, pas loin de réussir le coup parfait.
Une fin de course moins maîtrisée lui a peut-être coûté l’or. « Sur la finale de Budapest, il fait moins bien que sur la demie à la touche, juge Robin Pla. C’est une concentration, une capacité de ne pas respirer sur les derniers coups de bras. »
Médaillé d’argent sur 100 mètres et bronzé sur le 50 mètres lors des Mondiaux, Maxime Grousset a su mettre sa polyvalence au service de sa nage. « Il n’est pas bien meilleur que les autres sur un truc en particulier, mais il est bon partout », résume Robin Pla. Il entend le montrer une nouvelle fois, à Rome.
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