les femmes mises à l'honneur sur le parquet, beaucoup moins sur le banc

Quatre rencontres sur trente. Jeudi 22 septembre, le match entre la Chine et la Corée du Sud a été le premier des quatre seuls affrontements de la phase de groupe de la Coupe du monde de basket entre deux sélections emmenées par une femme comme entraîneur. La compétition-reine du basket féminin – avec les Jeux olympiques – se fait le reflet de la faible place accordée aux femmes dans le coaching au sein du basket professionnel international. Si cinq des douze sélections participantes sont dirigées par une femme, autant n’en compte aucune ni comme entraîneur principal, ni comme assistante.

Seul un quart des entraîneurs adjoints de ce Mondial sont en réalité des adjointes. Parmi elles, la Française Cathy Melain, ancienne internationale. En revanche, Valérie Garnier a laissé sa place à la tête de l’équipe de France à Jean-Aimé Toupane en 2021. L’idée que le sport féminin ferait particulièrement la part belle aux femmes coaches n’est pas si manifeste.

Cette réalité n’est pas que l’affaire du basket féminin. Cet été, l’Euro féminin de football affichait six femmes sélectionneurs sur les seize nations en lice. Le Mondial féminin de handball 2021 ne s’approchait pas davantage d’une parité, loin de là (4/32). Mais le développement et la professionnalisation du basket féminin à l’international peine à se traduire dans le nombre de techniciennes sur les bancs.

En Ligue Féminine, la 1re division française, Julie Barennes, coach de Basket Landes, était la seule en poste la saison passée. Elle sera rejointe à la rentrée par Aurélie Bonnan, de retour en poste à Angers. Pour Barennes, championne de France 2021 et vainqueur de la Coupe de France 2022, le problème trouve sa source à la racine du coaching. « Je pousserais les femmes à passer leurs diplômes d’entraîneur, parce qu’il n’y a pas énormément de femmes dès les formations, expliquait-elle dans un entretien pour la chaîne Youtube Delly, spécialisée sur le basket féminin. J’aurais juste envie de leur dire qu’elles peuvent le faire. Je pense que petit à petit, les choses se feront naturellement.« 

« C’est une avancée très lente, nous résume Liz Mills, première femme à avoir conduit une sélection masculine à une compétition continentale, le Kenya lors de l’Afrobasket 2021. Mais les choses vont dans le bon sens. Au moins, elles vont quelque part, même si elles ne vont pas assez vite. » Outre leur part dérisoire à l’échelle du basket international, féminin comme masculin, les femmes se savent aussi particulièrement plus scrutées dans leurs performances, pour leurs propres carrières, mais pas seulement. « Nous devons marcher sur un fil, et si on fait la moindre erreur, c’est fini pour nous et cela pourrait l’être pour toutes les autres, parce qu’on entendrait : ‘Regardez ce qu’elle a fait, on ne peut pas se permettre d’avoir d’autres femmes entraîneures‘ », assure Liz Mills.

Alors, pour changer la donne, l’Australienne a créé une structure, le Global Women in Basketball Coaching Network (Réseau international des femmes dans le coaching de basket). Présent sur Facebook, ce groupe vise l’entraide dans ce milieu où les portes sont trop souvent fermées aux femmes. La structure met aussi  la formation pour créer une nouvelle génération de femmes entraineurs. « Le but ultime de notre réseau, ce serait de créer une communauté si forte que des organisations viendraient nous voir pour nous demander quel membre du réseau serait parfaite pour le poste d’entraîneur qu’elles ont à proposer.« 

Certaines personnes étaient encore très réticentes au point de vouloir retirer leur partenariat du club, ou leur engagement dans le comité de direction du club, si une femme était nommée à la tête de l’équipe.

Lauriane Dolt, entraîneur de Mulhouse

à Franceinfo

La Française Lauriane Dolt ne connaît pareille situation que trop bien. Promue pour diriger la formation masculine de Mulhouse (Nationale 1, 3e division nationale) la saison passée, elle y signe un exercice de très belle facture et atteint la finale du championnat. De quoi attirer les convoitises, mais aussi révéler certains comportements déplorables. « Un président de club a voulu me recruter cet été, mais certaines personnes étaient encore très réticentes au point de vouloir retirer leur partenariat du club, ou leur engagement dans le comité de direction du club, si une femme était nommée à la tête de l’équipe » nous raconte Dolt, une des huit membres « leader » du réseau lancé par Liz Mills.

Même quand un poste si prisé s’ouvre enfin à une femme dans ce climat où la misogynie est encore latente, les obstacles restent nombreux. Lauriane Dolt aurait pu perdre son emploi en cours de saison, la faute à des règlements fédéraux inadaptés aux femmes entraîneurs. Enceinte en cours de saison, elle a dû laisser les rênes de la formation mulhousienne quelques semaines, le temps de son congé maternité, à son adjoint, Terrick Nerome. Celui-ci ne disposait pas des diplômes nécessaires aux yeux de la fédération pour assurer l’intermède. Il s’en est fallu de la volonté farouche et de la confiance de son président pour que Dolt et Nerome ne soient conservés, en dépit de la menace d’une sanction sportive contre le club du Haut-Rhin.

Comment régler alors cette part si faible de femmes coaches, alors que les difficultés sur leur voie soit loin d’être effacées ? « Les femmes ne se lancent pas dans l’entraînement, et on n’a pas forcément de réponse au pourquoi du comment« , lâche Lauriane Dolt. « Ce qui me désole surtout, ce sont les mentalités qui n’évoluent vraiment pas. » Au sein même de la communauté des coaches, plusieurs voix dissonent.

« La Fédération internationale de basket ne doit pas dicter qui est sur le banc des équipes, avance Liz Mills. Cela devrait être la meilleure personne pour le poste, mais on sait que ce n’est pas toujours le cas. La question, c’est aussi de créer des opportunités. Il devrait y avoir des règles pour encourager les équipes à faire confiance à des femmes. Que pour un candidat à un poste de coach, il y ait deux candidates en face par exemple.« 

« Cela me pose problème qu’on oblige la parité, considère pour sa part Lauriane Dolt. Devoir contraindre me gêne, parce qu’il y aura toujours les réticences de fond parce qu’on est une femme. »

La situation est plus éloquente si l’on élargit le spectre aux femmes qui, comme Dolt, entraînent une équipe masculine. Lors des différentes compétitions continentales masculines de ces derniers mois, outre Liz Mills, Gaëlle Bouzin (coach assistante de la sélection nationale masculine belge) et Edniesha Curry (sélectionneur des Îles Vierges) sont les seules représentantes féminines dans les staffs des sélections nationales qualifiées. 68 équipes, deux femmes entraîneurs principales, une assistante pour… 122 hommes.

En France, Lauriane Dolt fait, elle, encore figure d’exception. Elle est, à ce jour, la seule femme coach professionnelle dans les trois premières divisions nationales des sports collectifs. Deux fois meilleure coach du championnat Espoirs avec Strasbourg, puis assistante du sélectionneur national Vincent Collet quand il officiait en parallèle en Alsace, Dolt a le profil parfait de la défricheuse dans l’Hexagone. Mais le poste de Collet à Strasbourg ne lui a finalement pas été proposé, « je bougeais un peu trop les murs« , explique-t-elle. « J’ai toujours eu un plan de carrière, et avoir des ambitions, des aspirations à évoluer, cela dérangeait.« 

Alors, à la question de savoir quand elle imagine une femme entraîner en Euroligue, la meilleure compétition de clubs en Europe, ou un Eurobasket féminin, Liz Mills ne voit pas de meilleures perspectives que « d’ici 20 ans« . « Quand je prends part à un colloque d’entraîneurs Euroligue, il y a trois ou quatre femmes sur la centaine de participants. Les seules femmes qui animent ces colloques sont des universitaires qui présentent des études, pas des entraîneurs. C’est pour cela que j’ai lancé le réseau avec ma sœur. Nous voulions créer un environnement serein où des femmes peuvent poser toutes les questions qu’elles souhaitent, grandir et se développer sans avoir d’acteurs extérieurs qui leur disent comment elles devraient faire leur boulot. » « Oui, je reste optimiste, conclut-elle. C’est parfois difficile, et puis je vois les exemples de certaines de mes consœurs, et je vois qu’il y a un chemin à tracer.« 

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