L'entraîneur des gardiens de l'équipe de France, Franck Raviot, le 30 mai 2022, lors d'un entretien avec franceinfo: sport. (ANDREA LA PERNA / FRANCEINFO: SPORT)

Si Mike Maignan a brillé, lundi 6 juin, lors de Croatie-France (1-1) en Ligue des nations, c’est aussi grâce à Franck Raviot. Membre du staff de l’équipe de France depuis 2010, l’ancien portier de 48 ans est chargé de chouchouter les gardiens de la sélection et de les mettre en confiance. Egalement entraîneur des gardiens à l’Institut national du football à Clairefontaine, Raviot supervise la formation des jeunes. Il a été donc été aux premières loges pour assister à l’évolution de ce poste ces dernières années, avec par exemple une plus grande importance du jeu au pied.

Interrogé par franceinfo: sport, Franck Raviot a évoqué ces mutations qui entourent un poste de plus en plus exposé, deux jours après la performance exceptionnelle de Thibaut Courtois en finale de la Ligue des champions. Si le gardien belge est décrit par certains comme l’archétype du « gardien moderne », notamment en raison de sa grande taille, Raviot, moins dogmatique, défend un modèle de gardien complet, sans que la taille ne soit rédhibitoire.

Franceinfo: sport : Qu’avez-vous pensé de la prestation de Thibaut Courtois en finale de Ligue des champions ? Aviez-vous déjà vu une telle performance à ce niveau ?

Franck Raviot : Il a fait une finale à l’image de sa saison, brillante. Il a été constant dans ses performances, de très haut niveau. Force est de constater qu’il a été infranchissable lors de cette finale.

Dans un entretien à « L’Equipe », juste avant la finale, Courtois a expliqué qu’un gardien moderne devait aujourd’hui faire 2 mètres et être rapide. Partagez-vous cet avis ?

Je respecte, j’entends et j’écoute tout, mais je ne partage pas forcément tout. Je ne fais pas partie de ceux qui affirment qu’il faut être très grand et faire 2 mètres pour évoluer au plus haut niveau comme gardien. Le très haut niveau est destiné à celui qui voit et qui exécute vite les choses, avec un bagage technique extrêmement complet et une culture tactique très prononcée. Donc dire qu’il faut être très grand pour pouvoir assumer un rôle au plus haut niveau, je n’y adhère pas.

Je suis convaincu que le poste a évolué mais j’ai l’intime conviction que le profil du gardien de but tel que je l’ai énuméré reste d’actualité. Hugo [Lloris] fait 1m88 et il fait partie des meilleurs gardiens mondiaux.

Didier Deschamps parle souvent de ses latéraux, en expliquant qu’ils doivent d’abord savoir défendre avant de savoir attaquer. C’est également le cas pour vous avec les gardiens ?

Le devoir prioritaire pour un gardien est de ne pas prendre de but. Donc il doit d’abord remplir sa tâche, ô combien délicate, de dernier défenseur. Une fois qu’il l’a fait, avec pragmatisme et justesse dans ses gestes, on va lui demander d’être le premier relanceur, à travers du jeu court, mi-court, voire du jeu long. Mais le gardien de but doit en premier lieu savoir bien utiliser ses mains, bien protéger son but parce que derrière, il n’y a qu’une ligne et personne d’autre. Donc il vaut mieux qu’il remplisse d’abord cette tâche-là.

Vous avez constaté que le poste a évolué ces dernières années. On a l’impression qu’il y a de moins en moins d’indulgence vis-à-vis des gardiens, à cause de leurs responsabilités grandissantes sur le terrain.

C’est un poste de plus en plus exposé, médiatiquement et à travers l’influence qu’il peut avoir sur le résultat d’un match. Les responsabilités sont de plus en plus accrues parce que le jeu fait qu’aujourd’hui, le gardien est jugé à travers son action de dernier défenseur mais aussi de premier relanceur, avec les orientations qu’il va donner au jeu.

Même si le gardien ne représente qu’un onzième de l’équipe, ça reste un poste à part, très ingrat. Donc les gardiens ont besoin de sentir une confiance globale autour d’eux.

Comment faites-vous pour assurer cette confiance ?

Notre rôle, en tant que formateur ou comme spécialiste des gardiens de but, c’est de les protéger, d’être des boucliers. Mais on doit aussi faire passer des messages aux entraîneurs pour leur expliquer qu’il faut veiller sur le gardien de but.

« Le gardien de but n’est pas jetable. Donc il faut faire évoluer certaines mentalités »

Franck Raviot, entraîneur des gardiens de l’équipe de France

à franceinfo: sport

Ce besoin de considération existe, pas à travers les mots mais à travers les faits. Un gardien a besoin d’une stabilité émotionnelle.

L'entraîneur des gardiens de l'équipe de France, Franck Raviot, le 30 mai 2022, lors d'un entretien avec franceinfo: sport. (ANDREA LA PERNA / FRANCEINFO: SPORT)

Dans ce contexte, est-ce qu’un système de rotation entre deux gardiens, à l’image de ce qu’ fait le Paris Saint-Germain cette saison avec Donnarumma et Navas, dessert les portiers ?

Je ne porte pas de jugement sur ce qui se fait ailleurs. C’est à chacun de gérer ce qu’il se passe dans les clubs ou dans les sélections. Je suis convaincu qu’à partir du moment où les choses sont claires et transparentes, ça apporte plus de quiétude, de sérénité. Le gardien doit savoir où il va, avec clarté et confiance.

Les jeunes joueurs en formation constatent toute cette situation autour des gardiens. Comment faites-vous pour entretenir l’intérêt pour la vocation de portier ?

Il faut avoir la passion du poste, l’envie de jouer entre les cages. A partir du moment où cette envie existe, c’est à nous, à travers la pédagogie et la transmission de valeurs, de renforcer cette passion. Après, force est de constater que la taille est un sujet récurrent. Malheureusement, certains profils se retrouvent aujourd’hui bloqués pour le haut niveau en cas de déficit de taille lors de leur pic de croissance, parce que les clubs s’orientent vers des profils plus grands et plus athlétiques. Mais pour moi, c’est trop réducteur.

Vous discutez avec les clubs pour leur expliquer votre point de vue ?

C’est le message qu’on essaie de leur faire passer lors de nos rendez-vous, lors des formations ou auprès des entraîneurs. Mais il appartient à chacun d’avoir une orientation, une politique technique en interne.

Que faites-vous concrètement à Clairefontaine avec les jeunes gardiens en formation ?

Aujourd’hui, le gardien qui tend vers le haut niveau doit être complet, harmonieux, sans faille. On ne peut pas occulter une technique ou un aspect du poste. Nous mettons en place certaines dominantes qui vont amener le gardien de but à renforcer sa confiance. Il faut également faire en sorte qu’il soit un joueur de main, de pied mais aussi de tête, pour comprendre et analyser. Un gardien de but en formation ne doit pas être un consommateur mais un acteur de sa formation. Et puis le gardien n’est pas un joueur dissocié du collectif, il est associé à celui-ci. Donc on lui propose des séances intégrées avec le groupe où il est confronté à des situations réelles de matchs.

Quel regard portez-vous sur la génération de portiers qui arrivent ?

J’ai envie de croire que la France est un beau vivier de futurs grands gardiens. Ce que je sais, c’est que les formateurs et entraîneurs de gardiens de buts font du mieux possible pour que nos futurs gardiens soient les talents de demain. Il est toujours délicat de se projeter aveuglément dans le futur. Mais nous avons une mission commune qui est de veiller à accompagner le plus haut possible nos gardiens et je suis optimisme pour l’avenir du poste en France.

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