Quinze jours avec le maillot rouge, deux victoires d’étapes, deux autres podiums : Remco Evenepoel a dominé la Vuelta 2022 de la tête et des épaules. Dimanche 11 septembre, à Madrid, le coureur de la Quick-Step Alpha Vinyl est entré dans la cour des grands, celle des vainqueurs de grand tour. Une prouesse réalisée dès sa deuxième tentative et qui efface le souvenir de Johan De Muynck, dernier vainqueur belge d’une course de trois semaines lors du Giro 1978.
Quarante-quatre ans plus tard, le cycliste de 22 printemps lui succède. Un succès magistral qui marque son avènement et sa capacité à briller sur plusieurs terrains. « Je ne sais pas ce qu’il se passe dans ma tête et dans mon corps en ce moment, mais c’est dingue, souriait-il, samedi soir, alors que sa victoire finale était quasiment acquise. Remporter cette Vuelta, c’est juste incroyable. C’est mon premier grand tour que je termine, et je l’ai gagné. Je suis content d’être le premier de la Quick-Step à remporter un grand tour. »
Sa victoire sur son premier Monument, Liège-Bastogne-Liège, en avril dernier, a été un déclic. Ces dernières semaines, sur les routes ibères, il a démontré l’éventail de ses qualités. Il était particulièrement attendu en haute montagne et sa victoire autoritaire lors de la 18e étape, au sommet de l’Alto del Piornal (13,3 km à 5,6%), a réduit au silence les derniers sceptiques.
Ces derniers, assez rares désormais tant le Belge répond aux attentes, se reportent sur sa dernière – et seule – expérience sur trois semaines. Lors du Giro 2021, qu’il aborde sans garanties, Remco Evenepoel ne réussit pas à tenir le rythme imposé en montagne par le futur vainqueur Egan Bernal. Quelques jours plus tard, il abandonne au soir de la 17e étape après une chute.
Pas de quoi l’affecter, tant il revient de loin. Sur le Tour de Lombardie, en août 2020, alors qu’il est à l’avant de la course, il percute un parapet dans la descente du mur de Sormano et bascule dans un ravin. Les minutes s’égrennent lentement avant un verdict finalement rassurant plusieurs heures après : fracture du bassin. « Ce 15 août, c’était un jour de chance car notre enfant aurait pu mourir », se souvient son père Patrick Evenepoel, au journal Le Soir, le 5 septembre.
La carrière de Remco Evenepoel aurait donc pu être bien plus courte. Car les débuts du jeune homme dans la discipline datent seulement de 2017. Auparavant, il rayonnait sur le rectangle vert avec le club de football bruxellois d’Anderlecht. Mais surdoué du sport, il choisit finalement la bicyclette, et le voici lancé sur les traces de son père, Patrick, ancien coureur professionnel dans les années 1990.
Six mois après son début sur deux roues, il remporte la Philippe-Gilbert juniors avant d’exploser en 2018 : champion du monde juniors sur route et de contre-la-montre puis champion d’Europe juniors avec près de dix minutes d’avance sur son dauphin.
L’équipe belge Quick-Steph Alpha Vinyl l’engage en 2019 et dès sa première saison, le natif de Schepdael, dans la banlieue ouest de Bruxelles, se présente au monde professionnel en remportant la classique de Saint-Sébastien. Ses qualités de rouleur impressionnent : champion d’Europe de la spécialité, il prend la médaille d’argent sur les Mondiaux derrière Rohan Dennis.
Dans un territoire aussi fervent de cyclisme que la Belgique, le phénomène ne tarde pas à faire parler de lui. Le plat pays se prend de passion pour le gringalet et l’affuble d’un surnom lourd à porter : « Le petit cannibale », en référence à la légende Eddy Merckx. « On a toujours dit que c’était le futur vainqueur belge d’un grand tour, il y avait des pour, des contres. Il a pris son temps, savourait le manager général de l’équipe Quick-Step Alpha Vinyl, Patrick Lefevere, au micro d’Eurosport. La chute lui a certainement coûté entre six mois et un an de sa carrière. »
Paradoxalement, la période d’absence qui a suivi a certainement fait grandir plus rapidement l’impétueux Remco Evenepoel, sans cesse galvanisé par l’adversité. « Pour 2022, je voudrais m’améliorer en étant plus mature dans de nombreux moments. Essayer d’être plus calme et plus relax, avoir moins de stress et d’explosivité dans mon caractère », expliquait-il à la RTBF avant le début de la saison.
Son comportement, parfois à la limite de l’acceptable, agaçait certains fans mais aussi le peloton. Son bras d’honneur envers Sonny Colbrelli après le championnat d’Europe 2021 ou ses coups de sang en course sont des exemples parmi d’autres que son caractère sanguin ne s’est pas encore envolé définitivement. On n’a pas vu cette facette du Flamand lors de cette Vuelta. « Toutes les critiques, les commentaires que j’ai reçus depuis l’année dernière, je crois que j’ai répondu à tout le monde avec les pédales », lançait-il à la veille de sa victoire finale.
Sa victoire pleine d’autorité et de maîtrise sur le Tour d’Espagne est une parfaite confirmation des progrès en la matière du nouveau Remco Evenepoel. La concurrence est prévenue : il faudra désormais compter sur lui sur les courses de trois semaines. Et pourquoi pas, un jour, sur le Tour de France ?
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