Le rendez-vous est pris par Whatsapp, le samedi après-midi avant le début des Championnats européens. « Claire [Bové] a une contrainte, nous ne serons pas ensemble pour l’entretien », écrit Laura Tarantola une heure avant l’interview. Comme quoi, il arrive que les deux rameuses françaises, sacrées vice-championnes olympiques en deux de couple poids léger un an plus tôt à Tokyo, passent des moments chacune de leur côté. « On est toutes les deux basées à Lyon depuis cet hiver et on part en stage fédéral environ 200 jours par an, on revient justement du Jura là, mais à part ça, on n’est pas constamment ensemble », rit Tarantola, 28 ans.
Depuis 2017, la rameuse ne reste pourtant jamais très longtemps éloignée de sa coéquipière. Cette année-là, la jeune Claire Bové fait ses débuts chez les seniors. Le staff de l’équipe de France d’aviron les fait ramer ensemble lors d’un stage à Soustons. « Ça a matché direct », se souvient Tarantola. « On avait la sensation que tout glissait, que c’était facile. On a revu une vidéo de la sortie récemment d’ailleurs, c’était un sacré souvenir », ajoute plus tard Bové, 24 ans.
Bien que les sensations soient bonnes, il faut aussi que les deux soient les meilleures en individuel aux Championnats de France pour former un duo sur les compétitions internationales.« On doit se battre l’une contre l’autre pour ramer ensemble », résume Bové. C’est chose faite en 2017. « Pendant le stage d’hiver, Laura m’avait tout de suite posé la question de savoir si j’avais l’intention de travailler pour aller aux Jeux, ou bien si elle devait poursuivre sa voie individuelle en toute catégorie. Dès le début, le projet en duo était là », retrace la Lyonnaise.
Commence alors un travail dans le bateau, mais aussi sur terre : les deux jeunes femmes sont de totales inconnues l’une pour l’autre. « On a appris à se connaître. On était de simples coéquipières au départ, avec l’aviron qui prenait une place dans nos intérêts communs. Maintenant, on est des vraies amies, l’aviron est un de nos atomes crochus, mais on a d’autres centres d’intérêt en commun », explique la native d’Annemasse, Tarantola. « Au début, c’était un peu impressionnant pour moi de ramer avec des filles que j’avais en poster dans ma chambre !, se remémore Bové, la cadette des deux rameuses. J’avais beaucoup à apprendre de Laura, et j’étais surtout contente de trouver quelqu’un pour me canaliser un peu. ‘Laulau’ dit que je suis l’électron libre du duo et elle a raison ! »
« On a vécu un moment qu’on partagera à jamais, que personne ne peut nous enlever »
Laura Tarantolaà franceinfo: sport
« Je ne suis pas un gourou, se défend en rigolant la Haut-Savoyarde. Comme je suis plus âgée que Claire, j’ai envie de prendre soin d’elle. C’est dans mon tempérament que tout le monde soit bien dans ses baskets. » La tête froide pour l’une, l’énergie pour l’autre. Une répartition des rôles que les deux rameuses retrouvent également dans leur bateau. « Quand on rame, on a des forces différentes : Claire est à l’avant, c’est la métronome, elle met en place le rythme. Moi je suis dans le fond, je dois m’adapter, assurer la cohésion pour que le bateau aille vite. »
Les efforts et la complicité paient. À Tokyo, un jour après le titre olympique de Matthieu Androdias et Hugo Boucheron en deux de couple, le duo de rameuses décroche l’argent dans leur catégorie, mettant fin à 25 ans de disette olympique pour l’aviron français féminin. « La médaille aux Jeux nous a rapprochées. On a vécu des émotions incroyables, un moment restera gravé à vie et qu’on partagera à jamais, personne ne nous l’enlèvera », souligne Laura Tarantola, toujours aussi émue à l’évocation de ce jour particulier – lors duquel les larmes avaient coulé à flots.
Une période de bonheur intense, suivi de « mois pas faciles » au moment de la reprise soulignent les deux jeunes femmes. Là encore, le soutien mutuel des deux amies est infaillible. « La dépression post-olympique, je ne pensais pas que ça m’arriverait, mais on a tous eu ce passage à vide. J’étais vraiment soulagée de pouvoir compter sur Laulau et inversement », confie Claire Bové. « C’est facile de bien s’entendre quand tout va bien et que les résultats sont là, mais c’est encore plus beau d’être là quand il y a des petits grains de sable, partage sa coéquipière. Notre complicité est montée d’un cran, je ne suis pas sûre qu’au début de notre relation on aurait aussi bien géré cette période compliquée. »
Fortes de leur réussite à Tokyo, les deux sportives ont fait du double leur objectif principal. « Aux Championnats de France, on est toujours contentes de remporter un titre individuel, mais au final, peu nous importe qui de nous deux est sacrée championne et qui finit deuxième, du moment qu’on rame ensemble », souligne Bové. « On s’est surprises à être là pour l’autre aux France. Même avant la course on s’encourageait. À la fin, on sait que pour que le bateau avance vite, on doit toutes les deux être à notre meilleur niveau. »
La fête est toujours plus belle à deux pour les deux amies, qui ne s’imaginent plus célébrer un résultat l’une sans l’autre. « On a chacune goûté à des podiums internationaux en individuel. Il n’y a pas photo : c’est beaucoup moins drôle quand on ne partage pas la médaille », lance Bové dans un éclat de rire. Aux Championnats européens à Munich, où elles « le niveau est très relevé dans (leur) catégorie », avec les Britanniques et les championnes olympiques italiennes notamment, Tarantola et Bové n’ont qu’un objectif : viser la plus haute marche du podium.
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