En ville, ces animaux menacés de disparition par l'évolution urbaine

LES ANIMAUX ET LA VILLE (2/4) – BFMTV s’intéresse cet été à ces animaux qui, malgré le béton, la pollution et la flore plus rare qu’ailleurs, arrivent à vivre avec nous en ville. Ce deuxième épisode se penche sur ces espèces en zone urbaine qui risquent d’en disparaitre.

Des espaces de vie restreints, peu de flore, la pollution… Les animaux résidant dans nos villes doivent accepter de composer avec une activité humaine importante qui leur laisse peu de place. Et même ceux qui semblent intégrés à nos espaces urbains depuis des décennies peuvent se retrouver menacés de disparition.

« De nombreuses espèces sont en déclin dans les milieux urbains en raison de l’urbanisation, la transformation des bâtiments, la rénovation des façades, la diminution des ressources alimentaires, les pollutions, le réchauffement climatique…« , explique à BFMTV.com Anne-Laure Meynckens, formatrice-consultante sur la question animale, fondatrice de Drôle De Zèbre.

Les villes denses sont, globalement, des « milieux hostiles pour la biodiversité », déclare Hemminki Johan, chargé d’études naturalistes à l’agence régionale de la biodiversité en Île-de-France, « des espèces y sont considérées comme menacées ponctuellement ».

En ville « seules les espèces qui peuvent s’adapter » restent

Les zones très urbaines agissent comme « un filtre » pour la biodiversité avec « des caractéristiques restrictives » comme la pollution, l’imperméabilisation des sols ou encore l’apparition d’îlots de chaleur lors des épisodes de canicule. « Seules des espèces qui peuvent s’adapter, tirer bénéfice de cet environnement » y restent, nous explique Hemminki Johan.

En milieu urbain, « les espèces qui s’en sortent le mieux sont les espèces généralistes et opportunistes – corvidés, laridés, rats, moustiques…- qui peuvent s’adapter aux changements causés par les humains », note Anne-Laure Meynckens.

Des espèces « se sont habituées à l’homme et la ville, comme l’hirondelle de fenêtre, le martinet ou encore le moineau », affirme à BFMTV.com Frédéric Malher, administrateur de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Ils « ne nichent quasiment que sur les bâtiments, et la majorité de leur population est en ville ». Mais même pour ces espèces, la ville devient parfois trop difficile à habiter.

« Si la population de la mésange charbonnière déclinait en ville ce serait un peu moins important car cet oiseau existe aussi en zone rurale », explique-t-il, alors que pour les espèces citées ci-dessus « il y a un risque de disparition » si leur population décline en ville.

Transformation de leurs habitats et pollution

Certains de ces oiseaux sont bel et bien menacés, notamment en raison de la disparition de leur habitat. Beaucoup ont élu domicile et nidifient sur les façades de nos bâtiments, dans les renfoncements où ils sont cachés, à l’abri, mais les évolutions urbaines font parfois disparaitre ces lieux. Or, ces animaux se sont « adaptés à une certaine conception de la ville », déclare l’administrateur LPO.

La population des hirondelles, ou encore celle du moineau friquet, est ainsi « en fort déclin », écrivait la LPO en mai 2021, car « la transformation des bâtiments et la rénovation des façades détruisent les cavités dans lesquelles nichent certaines espèces; la disparition des friches urbaines diminue leurs ressources alimentaires », et « la pollution due aux transports et aux activités industrielles a également un impact sur leur santé ».

Entre 2003 et 2017, la population du moineau a chuté de 75% en Île-de-France, explique Frédéric Malher, une baisse « due à la gentrification des centres-villes au début des années 2000. Dans le XIe arrondissement parisien, où des petits ateliers, des entrepôts ont été rénovés, la population de moineaux s’est effondrée », faute d’habitat, raconte-t-il. Et ces aménagements de bâtiments perturbent également la vie d’autres espèces « comme les chauve-souris et certains insectes ».

Il en va de même pour la faune aquatique. Dans les fleuves et rivières traversant les villes il reste des espèces indigènes, mais « leurs zones de reproduction disparaissent » déplore Hemminki Johan. Certains ont besoin « de zones avec une certaine flore, un certain courant » pour se reproduire, des lieux qui sont détruits. D’autre part, des espèces qui migraient ont vu leurs trajets « empêchés par des barrages », ce qui met en péril leur existence.

« Une large population de saumon atlantique fréquentait la Seine jusqu’au début du XIXe siècle. Cette population a progressivement décliné jusqu’à la fin du XIXe siècle en raison de l’obstruction à la migration, la chenalisation, et la dégradation chronique de la qualité de l’eau par la pollution industrielle et domestique », explique l’ouvrage Les rivières urbaines et leur pollution (Editions Quae, 2017).

Une « érosion de la biodiversité »

Ces disparitions ou diminutions d’espèces ne signifient pas pour autant qu’il y a moins d’animaux dans les villes, mais elles ont une incidence sur la diversité des espèces y habitant, car seules certaines réussissent à s’adapter toujours, changements après changements.

« Quantitativement, il n’y a pas de perte de biodiversité puisque le nombre d’espèces disparues est compensé par celui des espèces nouvellement introduites », peut-on lire dans Les rivières urbaines et leur pollution, concernant l’incidence de trois agglomérations sur trois cours d’eau: la Seine (Paris), le Lambro (Milan, Italie), et le Spree (Berlin, Allemagne).

« Cependant, à l’échelle continentale, ces changements de composition des peuplements se traduisent par une perte de diversité puisque les peuplements de poissons deviennent progressivement similaires, quelle que soit la zone biogéographique considérée. »

« C’est sûr qu’il y a moins d’espèces que dans le milieu rural », confirme Frédéric Malher, « et certaines sont clairement majoritaires, comme le pigeon biset ».

Or, « les conséquences de l’érosion de la biodiversité sont catastrophiques pour les animaux en tant qu’individus, et en tant qu’espèces », déclare Anne-Laure Meynckens, « à terme, cela menace les services écosystémiques rendus par la biodiversité, et donc la viabilité de la planète. »

Créer des « îlots de verdure »

Pour éviter ces disparitions, conserver les espèces présentes et pourquoi pas en attirer de nouvelles, « il faut intégrer et préserver les îlots de verdure », préconise Hemminki Johan, et en parallèle « désimperméabiliser, laisser des friches ou encore éviter la gestion intensive des parcs et jardins » en laissant des parties plus sauvages. En somme, « il faut des refuges pour la biodiversité ».

Mais cela demande un vrai changement de méthode, car « la France perd tous les 10 ans l’équivalent d’un département de terres agricoles et d’espaces naturels », déclare l’Office Français de la Biodiversité, écrivant que 65.758 hectares ont été artificialisés en moyenne chaque année dans le pays entre 2006 et 2015.

Pour pallier à ce phénomène, le gouvernement a instauré un objectif de « zéro artificialisation nette », expliquant que l’étalement urbain, avec l’artificialisation des sols « est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité ».

Il faut « garder le plus de variétés de milieux possibles » abonde Frédéric Malher qui ajoute que « le zérophyto » – soit l’entretien des espaces extérieurs sans pesticides – « est efficace » pour préserver la faune.

Au-delà de l’habitat, bien d’autres paramètres sont également à revoir pour mieux accueillir cette faune, par exemple la pollution lumineuse, c’est à dire la diffusion de lumières artificielles presque en continu. Elle a pour conséquence « le dérèglement des rythmes biologiques des espèces animales totalement ou partiellement nocturnes ou la modification de leurs comportements », mais aussi la perturbation du déplacement de certains oiseaux migrateurs « qui utilisent les étoiles pour s’orienter », explique l’OFB.

« Des espèces s’acclimatent toujours »

Globalement, tous recommandent de penser l’avenir de la ville en incluant l’existence de ces animaux dans la réflexion, de construire et de prévoir aussi pour eux. Agir en faveur de la biodiversité « implique d’anticiper les conséquences de telle activité ou telle politique sur les écosystèmes, et de les orienter en fonction de ces paramètres », pointe Anne-Laure Meynckens.

Sans minimiser l’état de la faune dans les zones urbaines actuellement, et les efforts importants à fournir pour la conserver, Frédéric Malher souligne tout de même qu’il « existe encore un mouvement d’adaptation des oiseaux à la ville, des espèces s’acclimatent toujours ». Il cite par exemple l’arrivée de la corneille à Paris après les années 1970, ou encore celle du faucon pèlerin.

« Il y aura toujours des espèces qui arriveront à s’adapter, qui arriveront à tirer un bénéfice de notre mode de vie », abonde Hemminki Johan.

Pour Anne-Laure Meynckens, si on veut réellement réussir à préserver durablement notre biodiversité, il faut arrêter d’avoir « des rapports délétères à notre environnement et aux autres animaux », car « c’est ce changement de paradigme qui sera en capacité de conserver la viabilité de la planète pour la plupart des animaux. » Dont les humains.

Salomé Vincendon Journaliste BFMTV

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