« Je commence à être excité là. » En arrivant à la piscine Maurice-Thorez de Montreuil (Seine-Saint-Denis) pour sa séance du jour, Gary Hunt ne peut contenir son impatience. Les yeux pétillants, le sourire aux lèvres, le plongeur franco-britannique se frotte les mains en imaginant ce qui l’attend dans trois jours : plonger à domicile, dans la Seine, depuis une plateforme perchée à 27 mètres face à la Tour Eiffel. Le Montreuillois d’adoption (il y vit depuis douze ans) évoluera devant sa femme, française, sa belle-famille, et ses amis. Pour la première fois, le circuit mondial de plongeon extrême, sponsorisé par Red Bull, fait étape à Paris, vendredi 17 et samedi 18 juin.
« Plonger en ville, c’est davantage un spectacle. Et moi, j’adore le spectacle, faire ce que j’aime devant beaucoup de monde. C’est dans ces moments-là que je plonge le mieux car j’utilise l’énergie du public », justifie Gary Hunt, qui a convié à son entraînement Jaki Valente, plongeuse brésilienne invitée à la compétition. Mais avant de retrouver ces hauteurs vertigineuses, un autre programme attend le Franco-britannique. Clémence Monnery, directrice des équipes de France de plongeon, attend de lui, ce mercredi, qu’il répète les figures qu’il présentera aux Mondiaux de Budapest, le 1er juillet, dans l’épreuve du 10 mètres synchronisé avec Jade Gillet.
Après un échauffement à sec (étirements, pompes, abdos, équilibres et saltos sur tapis) Gary Hunt, athlète plutôt fluet de 1,75 m, retire son short noir estampillé « British Swimming » (natation britannique) pour rejoindre le bassin habillé d’un slip de bain bleu aux motifs rose fluo. « En plongeon, on travaille plein d’éléments séparés, à sec, sur trampoline par exemple, et dans l’eau. Et ensuite on emboîte le tout », précise Clémence Monnery. Sous les yeux d’écoliers qui apprennent à nager, Gary Hunt récite ses gammes. Les enfants s’élancent joyeusement du plongeoir à un mètre de hauteur, quand le sportif de haut niveau se concentre, immobile, sur l’une des plateformes du dessus – d’abord à 5 mètres, puis 7,5 et enfin 10 mètres. Il débute par de simples entrées à l’eau en avant, puis ajoute des combinaisons de rotations, toujours devant le regard avisé de son entraîneure, qui loue son mental et le « profil atypique » d’un athlète qui entame une nouvelle carrière.
A 38 ans, la légende du haut vol s’est lancé un nouveau défi : représenter la France aux Jeux de Paris 2024. Ses huit titres sur le circuit mondial Red Bull et ses deux médailles d’or aux championnats du monde de haut vol (2015 et 2019) organisés par la Fédération internationale de natation n’ont pas éteint son rêve olympique.
« Cela va être difficile car j’aurai 40 ans en 2024, ce qui est très vieux pour un plongeur. Les JO m’ont fait rêver et je pensais que ce n’était plus possible. Mais le fait que ce soit à Paris, d’avoir désormais la nationalité française et qu’il n’y ait pas d’autre plongeur français à 10 mètres me donnent une motivation supplémentaire », confie Gary Hunt. Ce dernier a obtenu le passeport tricolore en 2018, en réaction au Brexit, mais aussi parce qu’il était gêné de s’entraîner avec les Bleus sans pouvoir concourir pour son pays d’adoption.
Le haut vol n’étant pas inscrit au programme de Paris 2024, Gary Hunt a été contraint de redescendre de plusieurs étages. En regoûtant aux entrées dans l’eau par la tête, et non par les pieds, il a finalement fait un peu machine arrière. Jusqu’en 2006, le natif de Londres était un habitué des Grands Prix de plongeon, des championnats d’Europe, sous les couleurs britanniques. « Mais je voyais bien que je n’étais pas le meilleur et qu’aller aux JO serait impossible. »
Dès cette époque, l’athlète aux cheveux blonds et aux yeux bleu piscine traîne la réputation de réaliser « des plongeons un peu fous ». Il compile alors sur une liste une centaine de figures qu’il rêve de maîtriser. Il les barre les unes après les autres, dont la plupart avec des entrées les pieds en avant. Sans en avoir totalement conscience, Gary Hunt se prépare à monter plus haut.
Alors quand se présente l’opportunité de rejoindre un spectacle aquatique, le Britannique n’hésite pas. Une grande partie des plongeurs extrêmes vivent de ces shows. C’est d’ailleurs lors de performances dans le parc d’attractions Walygator, dans l’est de la France, qu’il rencontre sa compagne Sabine – il incarne alors Tarzan, elle joue Jane. Il grimpe jusqu’à 20 mètres, puis à 23, 26 et enfin 27. S’ouvre alors « un nouveau monde ». « Le plongeon à 3 ou 10 mètres est beaucoup plus physique que le 27 mètres : l’impact est moins dur mais on en prend beaucoup plus souvent, car on a moins de marge de manœuvre. A 27 mètres, on a davantage de temps [la chute dure trois secondes en moyenne] pour s’ajuster si on rate le départ. Et le corps est fait pour absorber les chocs par les pieds. Mais c’est plus dangereux et cela demande beaucoup plus de mental, car il faut avoir envie d’aller là-haut », analyse-t-il, le sourire en coin.
Reconnu pour sa créativité, Gary Hunt est le premier à proposer des plongeons impossibles à réaliser à 10 mètres. Avec ses années d’expérience, il n’a plus besoin de courir le monde pour s’entraîner à 27 mètres, sur des structures en Autriche, en Chine ou aux Etats-Unis. Il ne plonge à ce niveau qu’en compétition.
« Je n’ai plus peur de la hauteur. Désormais, ce qui compte pour moi, c’est de travailler les départs et d’avoir ma coach. Je découpe mon plongeon en plusieurs parties. Mais je ne le répète dans son intégralité que dans ma tête. »
Gary Hunt, légende du plongeon de haut volà franceinfo: sport
En dehors de l’adrénaline de sa discipline, il assure mener une « vie calme ». « Je ne suis pas du tout attiré par tous les trucs à sensations fortes. J’aime jardiner, jouer au piano et faire du point de croix. »
Avec Paris 2024 en vue, Gary Hunt partage désormais son temps entre le haut vol et le 10 mètres, sans craindre de diminuer ses chances de victoire sur le circuit Red Bull. « Mes trois concurrents les plus sérieux plongent aussi à 10 mètres. En réalité, ça nous aide car c’est une bonne manière de voir si on est en forme et cela nous pousse à nous entraîner plus. »
Surtout, lui qui reconnaît parfois un peu « ronronner » sur les étapes de haut vol, se dit très motivé par ce nouvel objectif. Mais à l’aube de sa première cape en équipe de France à Budapest, la peur et la pression commencent à poindre. « Je ne veux pas être ridicule. Je pars d’un sport où je suis champion du monde pour aller vers un autre où j’ai tout à prouver. »
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