Paul Meilhat était un marin heureux en novembre 2018. Il vient alors de remporter la Route du Rhum dans la catégorie Imoca, c’est-à-dire les monocoques qui font le Vendée Globe. Une victoire de prestige et pourtant, juste après son arrivée en Guadeloupe, le navigateur se retrouve sans partenaire et sans bateau : son sponsor l’a lâché. « J’ai cherché des partenaires et je n’ai jamais réussi, c’est difficile, raconte le skipper. Les gens qui ne connaissent pas notre sport sont un peu choqués en disant : ‘C’est bizarre, il a gagné la course mais il ne trouve pas de partenaire.’ Mais ça arrive à tout le monde. »
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Le skipper de 40 ans, a fait face à cette situation compliqué jusqu’au Vendée Globe en 2020, qui a offert à la voile une visibilité inédite. C’est à ce moment-là qu’il a retrouvé un sponsor. « Depuis quatre ans, je n’ai pas fait de course, indique Paul Meilhat. Cette Route du Rhum va être ma première course en solitaire depuis la dernière Route du Rhum. On est au sommet de la vague, c’est vraiment incroyable. Le Vendée Globe de 2020 a été un déclencheur de la décision de partir sur la course au large. »
Biotherm est devenu le nouveau partenaire de Paul Meilhat pour cette Route du Rhum 2022. L’entreprise, filiale du groupe l’Oréal, avait déjà fait une courte incursion dans le monde de la voile. C’était en 1982 avec Florence Arthaud. Le regain d’intérêt autour de ce milieu le fait revenir. Aucun chiffre n’est communiqué sur le montant de l’investissement mais avec la construction d’un bateau neuf mis à l’eau en août 2022, l’investissement monte à plusieurs millions d’euros. Mais c’est une véritable opportunité pour la marque. « C’est d’abord un support de communication pour sensibiliser le grand public à la protection des océans, détaille Grégory Benoit, le directeur général international de Biotherm. C’est vraiment à travers la course au large et la voile que la caisse de résonnance sera la plus importante. On est collés à l’eau, on est au plus proche du sujet. »
« Au-delà de la communication et de la médiatisation, le plus important pour nous était d’embarquer à bord du bateau un mini-laboratoire scientifique pour faire de la recherche sur les océans. »
Grégory Benoit, directeur général international de Biothermà franceinfo
Depuis 2021 et l’arrivée du Vendée Globe, une vingtaine de nouveaux partenaires sont arrivés sur le circuit Imoca : des grands groupes comme le Suisse Hublot (filiale de LVMH) ou l’Américain Fortinet (spécialisé dans la cyber-sécurité) mais aussi des PME. Guyot Environnement, implanté en Bretagne, a sauté le pas dans la cour des grands, comme Freelance.com. Cette entreprise de 250 salariés qui aide les travailleurs indépendants découvre le sponsoring et la voile avec le skipper Guirec Soudée. « On a repris la boîte en 2015 et on a énormément grandi depuis ce temps-là puisque le chiffre d’affaire a été multiplié par vingt, de 37 millions d’euros à 800 millions cette année, analyse Claude Tempe, vice-président de Freelance.com. On n’a jamais imaginé faire du sponsoring car ce n’était pas notre sujet. On espère que ça permettra de déployer une bonne image et une meilleure notoriété de notre entreprise au-delà du petit monde de la voile. Même si on va tout faire pour maximiser les retombées que ça peut avoir, on n’a pas de plan particulier, pas d’attentes chiffrées par rapport à ça. »
La voile possède un avantage indéniable. Les niveaux d’investissement sont très disparates : de quelques centaines de milliers d’euros jusqu’à des millions pour des projets plus imposants et les bateaux plus grands. Et les motivations pour investir sont légion. D’abord l’image positive de ce sport avec l’évasion, le grand air, la nature. L’occasion aussi de raconter de belles histoires, celles de femmes et d’hommes courageux qui bravent les éléments. Certaines entreprises veulent aussi en faire un levier pour motiver leurs salariés.
De manière moins poétique, la voile est un secteur très porteur, le symbole étant justement ce Vendée Globe de 2020. Ce fut le tour du monde de tous les records. Avec la médiatisation sans précédent, les organisateurs estiment à 269 millions d’euros les retombées médiatiques. Une augmentation de 35% par rapport à l’édition de 2016. Mais dans ce climat euphorique, attention à ne pas faire n’importe quoi. Thierry Bouvard est le responsable sponsoring chez Banque Populaire, l’un des plus anciens partenaires dans la voile avec 33 ans de présence dans ce milieu. « Il faut que ce soit un investissement raisonnée et raisonnable, explique-t-il. La folie n’amène à rien et il faut qu’on reste dans quelque chose de supportable pour l’entreprise, avec un retour sur investissement qui soit correct, voire excellent. Il ne suffit pas d’arriver et de dire : ‘Je crois que j’ai le meilleur bateau, le meilleur bonhomme et on va gagner.’ Ce n’est pas vrai, il faut être patient, on connait des aléas. »
« Si on veut de la certitude, il ne faut pas faire de la voile. Il faut acheter des panneaux publicitaires au bord d’un terrain, on sait quand le match commence et quand il finit. Dans la voile, on sait quand une course part, on ne sait pas quand elle arrive. Du coup, les opérations sont parfois complexes à mener. »
Thierry Bouvard, responsable sponsoring chez Banque Populaireà franceinfo
Et quand en plus on a la chance d’investir sur le projet gagnant, c’est le jackpot. Lors de la victoire sur le Vendée Globe du skipper Banque Populaire Armel le Cléac’h en 2016, les retombées avaient été estimées pour le groupe à 56 millions d’euros. Dix fois la mise de départ !
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