La Française Juliette Labous, lors des Mondiaux à Bruges (Belgique), le 20 septembre 2021. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Le calme règne jusque-là au théâtre Luxembourg de Meaux (Seine-et-Marne). Le défilé des équipes a commencé depuis une heure, samedi, en cette veille de départ de ce Tour de France femmes historique. Une à une, les 144 partantes sont conviées à un shooting photo avant quelques obligations médiatiques. Puis le bus de la Team DSM surgit.

« Elle arrive ! », « On se regroupe ici ». Une gentille cohue s’empare du hall. « Elle », c’est Juliette Labous, la coqueluche des médias français, qui ne veulent pas la louper. Et pour cause : à 23 ans, elle représente la meilleure chance tricolore au classement général.

Souriante et détendue, la Franc-Comtoise joue le jeu, sereine. Après elle, seules les rockstars néerlandaises et italiennes provoquent la même réaction. « Je commence à être habituée, on sent la pression monter depuis quelques mois », assure la jeune femme. Rien ne semble pouvoir perturber celle qui vise grand sur ce Tour. Pour celle qui se rêvait astrophysicienne, il s’agit de la suite logique d’une ascension linéaire vers les étoiles.

D’origine bretonne (il faut donc prononcer le S à la fin de son nom), la mise en orbite de Juliette Labous a toutefois démarré de l’autre côté du pays, dans la petite ville jurassienne de la Roche-lez-Beaupré. En l’absence de modèle féminin, son frère, licencié en BMX, l’a convaincue d’enfourcher un vélo. « C’était fun. Avec mes copains, on allait au terrain de BMX tout proche. On se faisait plaisir », raconte la Française. Une notion de plaisir dont elle ne s’est jamais séparée.

Après un passage par le VTT et le cyclo-cross, l’adolescente s’est attaquée à la route à l’AC Bisontine puis au VC Morteau-Montbenoit, avant d’intégrer le pôle espoirs de Besançon. Un tournant pour celle qui n’envisageait pas de devenir cycliste professionnelle. « Mon frère voulait l’être, parce qu’il regardait le Tour et pouvait s’identifier. A qui je pouvais m’identifier, moi ? ». Brillante élève (elle a sauté le CE1), la jeune Juliette regardait plutôt vers le ciel. « Ça me fascinait quand j’étais petite. Ensuite, j’ai un peu perdu cela avec le sport-étude. »

Ses années de BMX, VTT et cyclo-cross lui donnent un bagage technique et physique qui fait la différence aujourd’hui sur la route. « Le BMX m’a appris l’esprit de compétition depuis toute petite, et à ne pas avoir peur de frotter dans le peloton, et à bien sprinter. Puis le VTT m’a apporté la rigueur, la dextérité, la prise d’informations. Et le cyclo-cross fait que j’ai une bonne endurance, et que je passe bien les bosses », énumère Juliette Labous.

A ce profil de coureuse très complète, il faut aussi ajouter un zeste de perfectionnisme. « Ça me vient aussi du cyclo-cross, parce que ça demandait plus d’entraînement. J’ai commencé à gagner, donc j’ai vu que ça payait », sourit-elle.

Ce sens du détail s’est traduit par un choix d’équipe courageux. A 18 ans, quand la plupart des espoirs du pays choisissent une formation française, Juliette Labous a opté pour l’écurie allemande de la Team DSM (Sunweb à l’époque). « Ils m’ont approchée dès mes 17 ans, lors des championnats du monde à Richmond [en 2015, aux Etats-Unis], où j’avais été dans l’échappée », se souvient-elle. Après quelques stages de l’autre côté du Rhin, le charme de la rigueur germanique opère : « On partageait la même philosophie. » Le grand saut à l’étranger n’a pas effrayé pas la jeune adulte, à une époque où le cyclisme féminin balbutiait encore en France. « Ils me proposaient de grandir, étape par étape, de prendre le temps. Je trouvais ça réaliste, ça m’a convaincue. »

Six ans plus tard, le plan de la DSM a parfaitement fonctionné. Cette saison, Juliette Labous s’est offert ses deux premières victoires en World Tour. Il y a eu l’étape reine du Giro, et surtout le Tour de Burgos, sa première course par étapes, au cours de laquelle elle a devancé les cadors du peloton.

« Ça m’a donné beaucoup de confiance parce que je me suis dit que j’étais capable de rivaliser avec les meilleures, comme Demi Vollering. »

Juliette Labous, coureuse française de la DSM

à franceinfo: sport

Confortée par un Giro réussi, Juliette Labous arrive donc sur le Tour de France avec de l’ambition, après deux semaines de repos. J’étais dans la famille de mon copain [Clément Berthet, coureur professionnel d’AG2R Citroën], on a roulé un peu », précise la Française.

Elle est la seule Tricolore d’une équipe qui misera sur elle pour le général, et sur la Néerlandaise Lorena Wiebes pour les sprints, à l’image de sa victoire dimanche sur la 1re étape. Excellente grimpeuse, Juliette Labous pense déjà aux deux dernières étapes du Tour. Les planètes sont alignées pour celle qui disputera un final taillé sur mesure sur ses terres. « Je fonctionne avec la pression, je m’en sers pour me dépasser », assure-t-elle. De là à rêver de la victoire finale ? Juliette Labous garde les pieds sur terre.

« Le jaune, c’est irréaliste pour cette année. Mais le podium, pourquoi pas… »

Juliette Labous

à franceinfo: sport

La fusée Labous vient à peine de décoller pour rejoindre la galaxie des Annemiek van Vleuten et Marianne Vos. Mais l’appétit vient en mangeant. Quand on lui demande si elle préférerait rejoindre la station spatiale internationale, ou gagner le Tour, la réponse fuse : « Le Tour, évidemment ! » En attendant, Juliette Labous va apprendre sur cette première édition dans l’ombre des cadors néerlandaises et italiennes. A chacune son Tour.

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