Le panache de poussière au moment du passage des coureurs ne les a pas effrayés. Au Pont Gibus, sur le dernier secteur pavé de Hasnon à Wallers, plusieurs centaines de personnes étaient venues applaudir les coureurs du Tour de France, mercredi 6 juillet. Alors que d’autres secteurs mythiques de Paris-Roubaix comme le Carrefour de l’Arbre ou la Trouée d’Arenberg ne figuraient pas sur le parcours, les spectateurs ont saisi l’occasion de découvrir un autre passage légendaire de l’Enfer du Nord.
« Le Pont Gibus ? Non, je ne connaissais pas ». À l’image d’Alan, un Anglais venu à vélo, quelques spectateurs de la cinquième étape du Tour de France ne savaient pas qu’ils se trouvaient à côté de l’un des monuments de Paris-Roubaix mercredi après-midi. Pourtant, même s’il ne bénéficie pas de la même renommée que la Trouée d’Arenberg voisine, ce pont désaffecté est l’un des passages incontournables de la célèbre course nordiste, et l’association des Amis du Pont Gibus est présente pour en rappeler son histoire : « Avec des amis, nous avons baptisé ce pont en 1995, en l’honneur de Gilbert Duclos-Lassalle, double vainqueur de Paris-Roubaix en 1992 et 1993, qui était notre idole. Et puis c’est devenu mythique », raconte Christophe Leturgie, président de l’association.
Décoré spécialement aux couleurs du Tour de France, avec les différents maillots distinctifs représentés, le lieu a attiré un large public de non-initiés mercredi après-midi. Benjamin et Kathrin venaient pour la première fois sur place : « Des amis fans de cyclisme nous ont dit que c’était légendaire, donc il y a aussi un petit côté touristique à venir sur place. C’est le parfait mélange entre Paris-Roubaix et le Tour de France finalement ». Le fan club belge de Tadej Pogacar est également présent. Le Slovène, double vainqueur du Tour, n’a jamais participé à Paris-Roubaix, et ses supporters découvrent donc le secteur pavé : « C’est un endroit stratégique pour le voir passer. À cinq kilomètres de l’arrivée, la course peut se jouer ici. On verra qui sera le meilleur, en espérant que Tadej soit bien placé », explique Jeroen, l’un des « Pogiboys ».
Plus habitué du Pont Gibus, et déjà présent au même endroit lors du dernier Enfer du Nord, Thomas est l’un des rares français parmi les spectateurs. « C’est un public complètement différent, observe-t-il. Il y a beaucoup plus de monde et surtout beaucoup plus d’étrangers et de Belges, on le voit au nombre impressionnant de camping-cars ».
En attendant le passage des coureurs, le public s’est échauffé en applaudissant les nombreux cyclo-touristes téméraires qui se sont frottés aux pavés du secteur, comme Bernard : « D’habitude on le voit à la TV, et là on a l’impression d’être dans le mythe, mais en nettement moins vite. Puis en VTT, c’est moins difficile aussi ». Et pendant que certains suaient à grosses gouttes pour venir à bout des pavés, d’autres ont préféré le fauteuil de jardin pour suivre confortablement l’étape à la télévision, à l’image des Amis de Paris-Roubaix, présents en nombre autour de grandes tablées pour le barbecue.
Ces bénévoles fans de l’Enfer du Nord profitent de la course alors qu’ils étaient mobilisés depuis plusieurs semaines pour entretenir des secteurs qui ne sont actuellement pas empruntés par des courses cyclistes : « Il y avait du travail, avec des gros nids de poule, des ornières, des pavés manquants… On a éliminé les plus gros pièges. On travaille toute l’année pour maintenir le parcours en état, donc c’est une belle récompense d’avoir eu deux Paris-Roubaix et un Tour de France en l’espace de neuf mois », raconte leur président, François Doulcier.
« Roglic est lâché ! », « Van der Poel a crevé ! ». Après avoir suivi la course à la télévision ou sur des smartphones, et à l’approche des coureurs, tout ce petit monde s’agite et les places derrière les barrières, aux premières loges, sont prisées. Tous veulent apercevoir la tête de course puis le peloton, avec des applaudissement nourris pour chacun des coureurs, jusqu’au dernier, l’Italien Gianni Moscon.
Caméscope à la main, Seeti, un jeune finlandais, a tout filmé pour garder des souvenirs. Lors d’un échange Erasmus en France, il est tombé amoureux de l’Enfer du Nord à la télévision et a rejoint l’association des Amis de Paris-Roubaix, sans jamais y assister. « C’est la première fois que je viens ici, et c’est comme un grand carnaval. Nous les Finlandais, on est beaucoup plus calmes, s’amuse-t-il. J’ai le visage recouvert de poussière, mais c’était génial ».
François Doulcier, le président de l’association, tire la même conclusion : « C’était une étape qui a tenu toutes ses promesses, les gros écarts nous ont permis de voir beaucoup de coureurs, et on a très bien vu le maillot jaune », se réjouit-il, en montrant fièrement son cliché de Wout van Aert sur son smartphone. Le Belge disposait d’énormément de compatriotes et de supporters au Pont Gibus. Et nombreux ont repris la route dès la fin de l’étape, dans leur camping-car, direction Binche, pour applaudir une nouvelle fois leur maillot jaune sur la sixième étape jeudi.
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