Difficultés d'accès aux soins, extraction annulée, manque de matériel... les détenus privés de soins spécialisés

Un rapport dénonce la double peine pour les détenus malades ou qui souhaitent avoir accès à de la médecine spécialisée, comme les soins dentaires ou ophtalmologiques.

« Les personnes détenues sont en moins bonne santé que la population générale et ce, dès leur entrée en détention. » Une situation qui ne va pas s’arranger en détention alors que l’Observatoire international des prisons publie un rapport alarmant sur la prise en charge médicale des détenus en France. Difficiles accès aux soins, manque de matériel ou extraction annulée, les prisonniers français sont très souvent privés de soins spécialisés.

Un signalement sur cinq adressé à l’Observatoire international des prisons (OIP), association qui agit pour les droits et la dignité des personnes détenues, concerne l’accès aux soins spécialisés, soit près de 200 alertes. Soins dentaires, kinésithérapiques, ophtalmologiques, gynécologiques, psychologiques… plus que les chiffres l’observatoire s’appuie dans son rapport sur le témoignage de 43 prisonniers ou de leurs proches qui reviennent sur leur expérience.

Absence de prévention et de soins

Première difficulté pour les détenus, l’accès aux soins dentaires alors que plus de la moitié des personnes arrivant en détention ont déjà besoin de ces soins: « Je n’ai pas pu emmener mon appareil dentaire qui, de toute façon, n’est plus utilisable maintenant que les gencives se sont reformées, raconte un prisonnier en détention depuis juillet 2021. Or je n’ai plus de molaires. Appareil? On ne fait pas! Alors comme je ne peux pas mâcher, on me prescrit des médicaments contre la mauvaise digestion, les brûlures d’estomac. »

« Pour les soins c’est l’enfer, trop d’attente, pas de réponse, déplore un détenu du centre de détention de Mauzac, en Haute-Garonne. J’ai des soucis avec ma vue, pour avoir un entretien avec un ophtalmo on m’a répondu qu’il y avait un an d’attente. »

En plus d’un problème de prévention, cette difficulté d’accès aux soins spécialisés peut avoir des conséquences sur la santé des détenus. Laura, une jeune femme de 26 incarcérée au centre de détention de Roanne, dans la Loire, s’est vu refuser un examen gynécologique et la réalisation d’un frottis. Examen qu’elle va faire réaliser après avoir obtenu un aménagement de peine et qui révèle qu’elle souffre d’un cancer du col de l’utérus. Elle est opérée en urgence deux jours plus tard. Laura s’estime « chanceuse » d’avoir pu sortir de prison « rapidement ».

Selon l’OIP, les personnes détenues doivent attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous dans ces spécialités, « quand elles l’obtiennent ». Idem pour les pathologies infectieuses répandues en détention comme le VIH ou les hépatites C. « Leur prévention comme leur prise en charge sont ralenties par les contraintes liées à la détention », note le rapport, qui relève « une détérioration de l’état de santé des personnes incarcérées » et globalement « une perte de chance » avec des « pathologies qui s’aggravent » ou « des cancers non détectés ».

Des freins multiples à l’accès aux soins

Ce constat s’explique par deux facteurs: une faiblesse des moyens humains pour répondre aux demandes de soins des prisonniers mais aussi un défaut dans les conditions matérielles pour permettre l’accueil des détenus. À la prison de Châteaudun, en Eure-et-Loir, le poste de chirurgien-dentiste est vacant depuis deux ans.

« À la maison d’arrêt de Sarreguemines, il n’est pas possible ‘d’organiser des séances de kinésithérapie directement au sein de l’unité sanitaire en raison de l’effectif insuffisant de kinésithérapeute du centre hospitalier' », est-il repris dans le rapport, relevant une situation identique à Riom, Eysses, Arras, Œrmingen, Bourges, Varces ou encore Digne.

Face à cette absence de soignants à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des prisons, c’est le système D qui prime: « En fauteuil roulant à cause d’une blessure par balle, le médecin m’a prescrit trois séances de kiné par semaine, raconte un détenu de Condé-sur-Sarthe. Je suis ici depuis un mois et demi, mais il n’y a pas de kiné. Du coup, c’est l’infirmière psychologue, que je vois tous les jours, qui s’occupe de mes soins. »

Autre frein à l’accès aux soins spécialisés: des locaux sous-dimensionnés ou mal équipés. À Orléans, la kinésithérapeute a constaté à son arrivée l’absence totale de matériel. À Chateauroux, le suivi dentaire des détenus a été diminué à cause du manque de matériel. De nombreuses consultations sont aussi annulées en raison du manque d’escortes.

« J’avais rendez-vous depuis trois mois avec un neurochirurgien. La consultation a été annulée le matin même, je ne sais pas pourquoi », souffle un détenu. À ce problème, s’ajoute celui du secret médical bafoué lorsque le surveillant assiste à l’examen médical.

Favoriser les permissions de sorties

Rappelant que la France a été condamnée en janvier 2020 par la Cour européenne des droits de l’Homme pour l’état de ses prisons, l’Observatoire international des prisons réalise un certain nombre de recommandations pour améliorer l’accès aux soins spécialisés des détenus. L’OIP appelle à « une réforme en profondeur des politiques pénales et pénitentiaires afin de mettre fin à la surpopulation carcérale » alors que le taux d’occupation des prisons est de 103% et atteint les 120% dans les maisons d’arrêt.

Améliorer l’offre de soins spécialisés en détention avec revoir la dotation en personnel médical selon les besoins sanitaires des détenus, mais aussi améliorer les conditions de prise en charge des personnes détenues avec des unités sanitaires adaptées, l’observatoire appelle à renforcer le recours aux permissions de sortie pour favoriser l’accès aux soins spécialisés.

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