Le cauchemar continue pour les supporters des Girondins de Bordeaux. Après la relégation sportive en Ligue 2, le club risque une rétrogradation, administrative cette fois, en National 1 (l’équivalent de la troisième division). La Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) a officialisé, mardi 14 juin, la sanction. Le club a immédiatement fait appel, de quoi se donner du temps pour répondre aux exigences du gendarme financier du football français et éviter le naufrage.
Au cours d’une audition de deux heures mardi, le propriétaire des Girondins de Bordeaux, Gérard Lopez, a « présenté la garantie du réengagement de l’actionnaire majoritaire à hauteur de 10 millions d’euros, d’un accord avec les détenteurs de la dette du club, ainsi que d’offres de vente de quelques joueurs, dont le montant cumulé dépasse les objectifs fixés par la commission », affirme le club dans un communiqué. Mais alors que le mercato ne fait que commencer, aucune vente de joueur n’a encore pu être concrétisée. Surtout, selon le communiqué, la DNCG a sanctionné « un accord avec les créanciers jugé insuffisant » et « l’absence d’abandon par les prêteurs d’intéressements sur ventes des joueurs en faveur du club », point qui concerne notamment le transfert d’Aurélien Tchouaméni au Real Madrid.
« C’est une bonne leçon pour le football français. Cette situation montre qu’un montage à l’américaine ne fonctionne pas dans le modèle extrêmement instable qu’est la Ligue 1. Dans les franchises aux Etats-Unis, il n’existe pas de système de descente, cela rend l’investissement moins risqué », analyse Michael Tapiro, fondateur de l’école Sports Management School.
Depuis quelques années, la situation financière des Girondins de Bordeaux n’a cessé de se dégrader, marquée par un déficit structurel et de lourdes dettes. L’été dernier déjà, Gerard Lopez avait sauvé le club d’une relégation administrative en Ligue 2 en rachetant l’institution bordelaise. Cette fois, le gendarme financier du football n’a pas été convaincu par l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois. « Le travail de la DNCG est de s’assurer que le propriétaire a les reins suffisamment solides pour tenir la saison entière, pour payer ses charges, les salaires… Or la situation de Bordeaux est très inquiétante en matière de trésorerie », résume Jean-François Brocard, économiste du sport au Centre de droit et d’économie du sport (CDES).
D’ici à l’audition en appel, programmée fin juin ou début juillet, s’il veut maintenir son club en Ligue 2, Gérard Lopez va devoir ainsi prouver la solidité de son projet, notamment en trouvant des fonds supplémentaires. Plusieurs options s’offrent à lui : investir son argent personnel, renégocier l’échéance des dettes auprès des créanciers du club, convaincre ces derniers de remettre de l’argent, trouver ou de nouveaux investisseurs, ou encore vendre des joueurs. « Le problème est que désormais tout le monde connaît la situation de Bordeaux alors les clubs vont vouloir acheter à prix cassé », observe Michael Tapiro.
« Gérard Lopez dispose d’un mois pour trouver de l’argent frais car, a priori, de nouveaux prêts ne feraient que repousser l’échéance », juge Jean-François Brocard. Les créanciers pourraient réinvestir et espérer être remboursés à plus long terme, ou au contraire se retirer et perdre leur mise. Selon l’économiste, l’hypothèse d’un rachat est improbable : « Déjà l’an passé, peu de candidats se sont présentés. Et là, la situation est pire. » A l’inverse, Michael Tapiro estime que la « valeur immatérielle de la marque Bordeaux » et le prix dégradé du club pourraient séduire de nouveaux investisseurs. « Acheter un club de Ligue 2 peut représenter une bonne opération car avec peu de moyens on peut en faire quelque chose », poursuit Michael Tapiro, citant l’efficacité du « modèle frugal » du Toulouse FC.
Si aucun accord n’est trouvé, le club risque le dépôt de bilan. La relégation en National 1 signifierait en effet une chute drastique des revenus, qui rendrait l’institution insolvable. « Ça ne serait pas économiquement soutenable. Le club ne pourrait plus faire de business. Il perdrait la manne du fonds d’investissement CVC Capital Partners et les droits télé seraient beaucoup plus faibles, alors que les charges resteraient énormes parce qu’on ne peut pas les réduire d’un coup », liste Jean-François Brocard. Si Bordeaux s’était maintenu en Ligue 1, le club aurait touché 33 millions d’euros de CVC Capital Partners, nouvel actionnaire de la filiale commerciale du football français, contre 16,5 millions d’euros en Ligue 2, mais rien à l’échelon inférieur. Par ailleurs, la manne de la billetterie s’évaporerait aussi grandement dans une ville où son équipe de rugby brille.
En cas de dépôt de bilan devant le tribunal de commerce, deux procédures sont envisageables : d’une part, le redressement judiciaire, qui gèlerait les dettes sur une période donnée ; d’autre part, la liquidation judiciaire, qui signerait la fin de vie du club, avant une éventuelle reprise. « Si un investisseur amoureux des Girondins était intéressé, je lui conseillerais d’attendre le dépôt de bilan. Cela lui coûterait beaucoup moins cher », analyse l’économiste du CDES, par ailleurs supporter du club.
Dans l’hypothèse d’une liquidation, les Girondins de Bordeaux se retrouveraient rélégués en National 3 (la cinquième division). Strasbourg avait vécu un tel scénario en 2011 : alors en National, le club alsacien avait été rétrogradé administrativement en CFA (désormais appelé National 2), avant d’être liquidé et de reprendre en CFA 2 (National 3). Six saison plus tard, Strasbourg retrouvait la Ligue 1.
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