La loi facilitant le changement de nom de famille, entrée en vigueur en juillet dernier, permet d’adopter ou de supprimer le nom d’un parent plus facilement. Des Français qui se sont rendus en mairie pour changer de patronyme racontent leur parcours à BFMTV.com.
« Ça faisait des années » qu’Enzo Hernandez et son frère Hugo voulaient changer de patronyme. Témoins de violences conjugales et victimes de maltraitances de leur père pendant leur enfance, les jeunes hommes de 19 et 18 ans voulaient « tirer un trait » sur l’homme qui les a fait souffrir pendant des années, et ainsi cesser de porter son nom.
Depuis vendredi, c’est désormais chose faite pour cette fratrie. Grâce à la nouvelle loi du 1er juillet dernier qui facilite la procédure de changement de nom de famille, Enzo et Hugo ne s’appellent donc plus « Leroy » mais « Hernandez ». Interrogés par BFMTV.com, ils se disent désormais « soulagés » et « fiers » de porter le nom de leur mère, Lydie Hernandez.
« Je suis très heureux, c’est un poids en moins et une nouvelle page qui s’ouvre pour moi », témoigne Enzo, étudiant en sociologie à Montpellier. « Je ne me reconnaissais pas dans mon ancien nom, il ne me correspondait plus. Là ça veut vraiment dire quelque chose pour moi ».
Des jeunes hommes « mieux dans leur tête »
Le père des deux jeunes hommes a quitté le foyer familial lorsqu’ils étaient bambins car accusé de violences conjugales. Mais à l’issue du divorce, les deux enfants doivent continuer de voir leur père pendant la moitié des vacances scolaires. Des séjours qui tournent au cauchemar puisqu’Enzo et Hugo sont victimes de violences de la part de leur père, qui leur porte des coups et les empêche de manger à leur faim.
« C’est un soulagement. À chaque fois qu’on utilisait ce nom pour m’appeler, c’était une souffrance… », raconte à BFMTV.com Hugo.
Le jeune homme a déposé son dossier en mairie vendredi, dès sa majorité atteinte, et fêté ça avec ses proches. « Pour moi c’est désormais officiel: je vais porter le nom de celle qui a tout donné pour moi. Ce n’est désormais qu’une question de temps, de 4 semaines, avant que je recoive le document final ».
Depuis cet été, il n’est en effet plus nécessaire de passer par le ministère de la Justice pour faire une telle demande: un simple dossier déposé en mairie suffit pour accoler à son nom celui de l’un de ses parents, substituer l’un par l’autre, décider de leur ordre, ou en supprimer un. Et la démarche est gratuite.
Ce changement de nom représente également « une fierté » pour leur mère Lydie Hernandez. « C’est leur choix mais je vois mes enfants beaucoup plus souriants, mieux dans leur tête maintenant. Leurs souffrances appartiennent au passé ».
« Ça y est, pour moi je n’appartiens plus à ce monde-là. Ça va nous permettre de tourner la page, d’essayer d’oublier tous ces souvenirs pas très joyeux », confirme le lycéen.
« Il ne m’a pas élevé », pourquoi porter son nom?
David, Toulousain de 36 ans, a lui-aussi voulu prendre le nom de famille de sa mère pendant « toute sa jeunesse ». Mais la législation « ne facilitant pas les choses », l’homme n’était jamais passé à l’acte. Au quotidien, il se faisait d’ailleurs appeler « David Longo » depuis des années, sans que les gens sachent que son patronyme officiel était en fait « David Soulet ». Alors à l’entrée en vigueur de la loi l’été dernier, il confie avoir « sauté sur l’occasion ».
« C’est naturel pour moi de porter ce nom-là », confie-t-il à BFMTV.com. « Mes parents s’étant séparés quand j’étais tout petit, j’ai été élevé par mes grand-parents maternels et par ma mère. Je n’ai jamais eu de liens forts avec mon père, il ne m’a pas élevé ».
« J’ai porté le nom de mon père pendant 35 ans, je peux bien porter celui de ma mère 35 de plus », plaisante aujourd’hui cet homme qui travaille en tant qu’adjoint technique à la mairie de Toulouse, qui confie que sa décision suscite quelques critiques. « Certains m’avouent qu’ils ne comprennent pas, que les enfants gardaient toujours le nom de leur père, et qu’il n’y a pas de raison que ça change. Moi je leur dit: ‘arrêtez avec vos idées de machos, c’est ma mère et sa famille qui m’ont éduqué, ils méritent au moins que je porte leur nom, je trouve ».
Un succès fulgurant
L’histoire de Caroline, 26 ans, rappelle étrangement celle de David. La jeune femme, qui a été élevée par sa mère célibataire, a préféré troquer le nom « Cissoko » pour « Klein » (celui de sa mère) lorsqu’elle a appris l’existence de cette nouvelle loi. Une décision « mûrement réfléchie », renforcée par le récent décès de sa mère.
Maintenant que son changement de nom est officiel, Caroline Klein dit jubiler à chaque fois qu’on prononce son nom. C’est désormais tout sourire que cette commerciale pose avec sa nouvelle carte d’identité à la main (voir photo d’illustration).
« Que ce soit à la pharmacie, à la banque, sur les ordonnances… C’est à chaque fois un plaisir », raconte à BFMTV.com cette alternante à Asnières-sur-Seine. « Bientôt sur le diplôme de mon bachelor, c’est le nom de ma mère qui sera inscrit, et même si un jour je me marie ou bien si j’ai des enfants », développe-t-elle.
Comme David Longo, la jeune femme a elle-aussi à peine connu celui qu’elle appelle son « géniteur ». Pour elle, cela n’avait donc pas de sens de continuer à porter son nom. « Nous n’avons absolument aucun affect l’un pour l’autre, il ne m’a pas éduquée… Qui plus est, il s’agit d’un nom à consonnance étrangère qui ne reflète pas la culture au sein de laquelle j’ai été élevée ».
Désormais « soulagée » et « fière », Caroline Klein s’étonne encore de la rapidité du processus. « Ça a été étonnement rapide! J’ai fait la demande fin juillet, et mon acte de naissance a été modifié début septembre ». Cette nouvelle loi rencontre un succès fulgurant. Depuis son entrée en vigueur, déjà plus de 4000 demandes de changement de nom de famille ont été enregistrées au 1er octobre.
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