Alors que le débat reste épineux dans de nombreux pays, certains membres de l’Union européenne l’autorisent de manière extrêmement réglementée.
L’avis était vivement attendu. Ce mardi, le Comité national consultatif d’éthique (CCNE) a estimé que si une nouvelle loi sur la fin de vie devait être discutée en France, il existait « une voie » vers une aide active à mourir, mais « à certaines conditions strictes. »
« Il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger », a déclaré lors d’une conférence de presse Alain Claeys, l’un des rapporteurs d’un avis rendu mardi par l’institution.
Jusqu’alors, la loi Claeys-Leonetti encadrait la fin de vie des malades incurables en France. Adoptée en 2016, après une première version en 2005, elle interdit l’euthanasie et le suicide assisté, mais permet une « sédation profonde et continue jusqu’au décès » pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé « à court terme ».
A l’échelle européenne, la France est en retard sur certains de ses voisins, qui ont déjà légiféré depuis de longues années à ce sujet.
• Pays-Bas
En la matière, les Néerlandais font office de précurseurs. La loi du 11 avril 2001, entrée en application le 1er avril 2002, permet aux Pays-Bas de devenir le premier pays au monde à autoriser l’euthanasie et le suicide assisté sous certaines conditions. Selon le texte, des médicaments létaux peuvent être administrés, uniquement par des médecins, à des patients en cas de maladie incurable ou de souffrance intolérable déterminée par un expert, et seulement si ces derniers en ont fait la demande en pleine conscience.
De plus, cette législation inédite permet également de protéger le corps médical, qui pratiquait déjà la mort assistée de manière officieuse depuis de longues années. Désormais, les médecins qui accompagnent leurs patients vers la mort ne peuvent plus être poursuivis si tous les critères sont remplis. Selon les travaux de l’avocat néerlandais Frank Judo publiés sur le site du Cairn, cette protection est assurée par un alinéa rajouté à l’article 293 du code pénal, dont le premier alinéa punit le fait de tuer autrui à sa demande.
Selon les chiffres présentés par les comités régionaux d’examen de l’euthanasie, les Regionale Toetsingcommissies Euthanasie, 2020 a été une année record avec 6938 interventions contre 6361 en 2019. Ce même rapport indique également qu’une mort sur 25 aux Pays-Bas est le résultat d’une euthanasie, soit 4,4% des morts cette même année.
• Belgique
Quelques mois après les voisins néerlandais, le gouvernement belge a, le 28 mai 2002, promulgué un texte qui permet l’euthanasie si la demande est « volontaire, réfléchie, répétée » et « sans pression extérieure ». Selon la législation, au cours de cette procédure qui peut être réalisée en milieu hospitalier ou à domicile, c’est un médecin qui administre une dose létale au patient. Depuis 2014, la loi permet d’élargir l’euthanasie aux mineurs.
A l’inverse des Pays-Bas, qui ont décidé d’amender une loi déjà existante, l’euthanasie en Belgique est régie par une loi spécifique qui détermine les conditions selon laquelle elle peut être appliquée ou non.
En 2021, le pays a comptabilisé 2700 euthanasies, soit 2,4% du nombre total de décès. Il s’agissait en majorité de personnes âgées de 60 à 89 ans. Dans 84% des cas le décès était attendu à « brève échéance ».
A titre « personnel », Emmanuel Macron s’était dit « favorable à ce que l’on évolue vers le modèle belge », lors d’un aparté avec des Français pendant un déplacement de campagne.
La situation est encore différente au Luxembourg. Le Grand-Duché a dépénalisé en 2009 l’euthanasie et le suicide assisté, à savoir lorsque le patient prend lui-même un produit prescrit pour donner la mort. « N’est pas sanctionné pénalement et ne peut donner lieu à une action civile en dommage et intérêts le fait, par un médecin, de répondre à une demande d’euthanasie ou d’assistance au suicide », selon la loi luxembourgeoise promulguée le 17 mars 2009.
• Espagne
En mars 2021, l’Espagne est devenue le quatrième pays européen à légaliser l’euthanasie. La loi, qui est entrée en vigueur en juin de la même année, autorise aussi bien l’euthanasie – c’est-à-dire lorsque le soignant provoque la mort du patient – que le suicide médicalement assisté – lorsque le patient prend lui-même la dose de produit prescrite pour se donner la mort.
Elle prévoit que toute personne ayant « une maladie grave et incurable » ou des douleurs « chroniques la plaçant dans une situation d’incapacité » puisse demander l’aide du corps médical pour mourir et s’éviter ainsi « une souffrance intolérable ».
Des conditions strictes encadrent toutefois la démarche: la personne, espagnole ou résidant dans le pays, doit ainsi être « capable et consciente » lorsqu’elle fait la demande, qui doit être formulée par écrit « sans pression extérieure » et renouvelée quinze jours plus tard. Le médecin pourra toujours rejeter cette demande s’il estime que ces critères ne sont pas remplis ou faire valoir « son objection de conscience ».
• Italie
En Italie, le code pénal punit « l’instigation ou l’aide au suicide. » Pour autant, la Cour constitutionnelle a dépénalisé de fait en septembre 2019 le suicide assisté dans certains cas: pour les malades pleinement conscients « maintenus en vie par des traitements (…) et atteints d’une pathologie irréversible, source de souffrance physique et psychologique qu’ils estiment intolérable ». Dans les faits, la loi italienne punit initialement l’aide au suicide d’une peine allant de 5 à 12 ans de prison.
En juin dernier, Federico Carboni, 44 ans, tétraplégique depuis 2010, était devenu le premier italien à avoir « bénéficié » du suicide assisté. Il est mort après s’être lui-même injecté une dose létale d’un médicament et avait à plusieurs reprises demandé aux autorités sanitaires l’autorisation d’utiliser le suicide assisté.
• De nombreux pays l’interdisent
Si plusieurs nations ont déjà fait évoluer leur législation, plusieurs autres pays européens refusent d’autoriser euthanasie et suicide assisté. C’est par exemple le cas de la Grèce et de la Roumanie, où l’euthanasie est punie d’une peine allant jusqu’à sept années de prson, tandis que la Croatie la punit au même titre qu’un homicide.
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