Reporté à trois reprises, le lancement de la fusée de la Nasa doit marquer une première étape vers le retour des Américains sur la Lune. Mais la tentative de lancement de ce mercredi est soumise aux conditions météorologiques.
Du retard à l’allumage pour la mission Artémis 1. La fusée de la Nasa qui doit décoller ce mercredi pour l’orbite lunaire va une nouvelle fois essayer de quitter le pas de tir de Cap Canaveral (Floride). Une nouvelle fois, car il s’agit là de la quatrième tentative de lancement de ce vol non habité depuis cet été.
29 août, 3 septembre, 27 septembre puis 14 novembre 2022. Voilà bientôt trois mois que l’agence spatiale américaine cherche sa fenêtre de tir idéale pour ne pas rater son grand retour vers le seul satellite naturel de la Terre. Et alors que les deux premiers reports sont dûs à des fuites de carburant sur la fusée, les deux derniers ont pour cause les ouragans Ian et Nicole qui ont également perturbé les aéroports de Floride.
« Pas les mêmes contraintes qu’un avion »
Reste qu’en temps normal, les conditions météorologiques sont bien moins contraignantes pour les avions que pour les fusées. Les lanceurs spatiaux sont en effet bien plus sensibles à la météo, comme nous l’explique Christophe Bonnal, expert des lanceurs au Cnes (Centre national d’études spatiales, NDLR).
« On saurait faire un lanceur qui supporte tout: cela s’appellerait tout bonnement un missile balistique intercontinental. Sauf que c’est monstrueusement lourd et cela nous coûterait beaucoup en performance », explique-t-il à BFMTV.com.
« Ce n’est pas du tout les mêmes contraintes qu’un avion, une fusée sollicite beaucoup plus les matériaux, c’est incomparable », abonde Olivier Mousis, astrophysicien et directeur de l’Institut Origines. « Ici, on pousse les objets à la limite de la résistance des matériaux. »
La masse de la fusée joue pour beaucoup là-dedans, surtout au décollage où la poussée est plus faible. Tout est donc affaire de choix et de calculs pour les agences spatiales qui cherchent à tout prix à alléger leurs lanceurs pour optimiser leur consommation.
« La paroi de l’étage principal d’Ariane 5, à l’endroit le plus fin, fait 1,5 millimètre d’épaisseur. C’est plus fin proportionnellement que du papier de cigarette », souligne l’ingénieur. « Le revers de la médaille, c’est qu’il ne faut pas que ça souffre, qu’on souffle trop dessus ou qu’il y ait trop d’agressions externes. »
Vent et foudre, les deux principaux risques
Toutes les « agressions externes » ne se valent pas. Ainsi la pluie ne pose pas de souci et n’empêche pas une fusée de quitter son pas de tir. Pour les éventuels nuages présents sur la trajectoire de la fusée, c’est plus complexe.
« Comme les avions, on n’aime pas se dire qu’on va traverser un cumulonimbus: il n’est pas possible de décoller lorsqu’il y a des gros nuages denses avec potentiellement de la grêle dedans », détaille Christophe Bonnal.
La météo spatiale est aussi à prendre en compte. Elle peut interrompre un lancement de fusée, notamment si le Soleil génère des éruptions, car « cela peut affecter l’électronique à bord ».
Un phénomène météo est particulièrement redouté par les agence spatiales: le vent, qui peut faire dévier le lanceur de sa trajectoire. Le risque est particulièrement élevé au décollage, lorsque la fusée est sur son pas de tir et durant les premières mètres en altitude – « le moment où on est le plus sensible aux vents latéraux ». Ce n’est qu’une fois la séparation des étages réalisée et les 50 kilomètres atteints qu’il devient nul.
Pour prévenir tout risque, les agences envoient quelques heures avant le décollage un ballon sonde de manière à mesurer les variables de vent sur la trajectoire de lancement de la fusée. De la même manière, les centres spatiaux disposent de détecteurs de foudre pour analyser les variations élecromagnétiques de l’atmosphère générées par d’éventuels éclairs.
« S’il y a un risque à quelques kilomètres de la fusée, on ne tire pas », assure Christophe Bonnal. L’expert rappelle le cas du lanceur Saturn V de la mission Apollo 12, frappé à deux reprises par la foudre lors de son décollage. Un imprévu qui a entraîné le dysfonctionnement du lanceur mais qui a été ensuite réglé par l’équipage.
Ni trop chaud, ni trop froid
Les conditions météorologiques dans les heures précédant le décollage sont toutes aussi importantes. En 1986, la navette Challenger se désintègre quelques dizaines de secondes après son départ de Cap Canaveral, causant la mort de ses sept membres d’équipage. Les enquêteurs ont conclu que des joints ont souffert du froid la nuit précédant le décollage et on cédé lors de celui-ci.
Au contraire, en cas de très fortes chaleurs, le risque est de faire bouillotter l’hydrogène présent dans les moteurs. La température est donc surveillée de très près: elle doit osciller entre 5 et 35°C.
« Le pire peut arriver à n’importe quel moment lors du décollage d’une fusée », rappelle Christophe Bonnal. « On a généralement le feu vert météo une heure avant le lancement, on a alors une très bonne confiance. »
La météo également scrutée au retour
Le ciel est aussi observé avec rigueur lors de rentrées atmosphériques (lorsqu’un objet naturel ou artificiel pénètre dans l’atmosphère). Certaines sont hors de contrôle, notamment lorsqu’un débris spatial (débris de fusée, satellite devenu obsolète…) ou une météorite arrive ou retourne sur Terre.
S’agissant des retours de capsules ou navettes habitées, la météo joue là encore un rôle crucial. En 2021, le retour de Thomas Pesquet et d’autres astronautes de la Station spatiale international (ISS) avait dû être reporté à plusieurs reprises, leur arrivée devant se faire par un amerissage. « Là, évidemment, il y a un critère météo très significatif, puisqu’il faut garantir que les bateaux de récupération ne soient pas trop loin », souligne Christophe Bonnal.
Un précédent qui remonte à 1976 avait marqué les esprits. Le retour sur Terre du vaisseau Soyouz 23, avec à son bord deux cosmonautes dont la mission a dû être avortée, se fait en pleine tempête de neige. Censée atterrir dans les steppes du Kazakhstan, la capsule finit sa course à plus d’une centaine de kilomètre de là.. en amerrissant dans un lac. Après plusieurs heures de recherches et une opération de sauvetage périlleuse, l’équipage en sort indemne.
Depuis les outils de mesures météorologiques se sont perfectionnés, les fusées aussi. Mais elles n’en sont pas moins soumises aux mêmes contraintes qu’il y a 40 ans, explique Christophe Bonnal: « Les lanceurs, devenus plus légers et plus performants, ne sont pas plus disponibles qu’autrefois, du coup cela revient au même. »
Dans le cas de la mission Artémis, le baptême de l’air de la fusée SLS, la plus puissante du monde est programmé ce mercredi à 1h04 du matin heure locale (7h04 à Paris), avec une fenêtre de tir possible de deux heures. Si le décollage a bien lieu, la mission doit durer 25 jours et demi, avec un tour de la Lune suivi d’un amerrissage dans l’océan Pacifique le 11 décembre.
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