Lundi a marqué un jour historique pour la recherche spatiale. Le télescope james Webb a ainsi livré sa première image, montrant l’état de l’univers il y a 13 milliards d’années. Un résultat prodigieux obtenu grâce à une technologie complexe. Ce mardi, spécialistes et astrophyciens nous aident à la décrire.
Lancé le jour de Noël 2021, le télescope spatiale James-Webb nous a offert son premier cadeau lundi: une photo constellée d’étoiles et de galaxies livrant un aperçu de l’univers tel qu’il était il y a treize milliards d’années environ.
En clair, le télescope a capté au lointain les premières lumières du Big Bang qui voyagent encore dans l’espace (par définition à la vitesse de la lumière). L’exploit a quelque chose de vertigineux, surtout réalisé depuis une planète vieille de (seulement) 4,54 milliards d’années.
Il faut dire que la lumière projetée par ces systèmes stellaires doit parcourir des distances abyssales pour nous parvenir. Encore faut-il pouvoir la capter. Pour ce faire, le télescope James Webb, en gestation pour sa part depuis une vingtaine d’années, s’appuie sur une technologie très complexe. BFMTV.com fait le point sur la question ce mardi.
Lointain orbite
Quand on parle du télescope spatiale James-Webb (JWST, selon l’abréviation retenue par les scientifiques qui l’ont élaboré), il convient de ne pas s’imaginer une longue-vue installée dans un observatoire situé sur le plancher des vaches. L’engin se trouve actuellement à 1.500.000 kilomètres de la Terre, en orbite autour du soleil. Sa mission première, comme le rappelle la vidéo explicative du Commissariat à l’énergie atomique ci-dessous, et déterminante pour l’ensemble du projet: capter le rayonnement infrarouge.
La réussite de la tâche est d’abord affaire d’environnement: depuis son altitude, le JWST bénéficie de l’atmosphère froide et stable dont il a besoin pour fonctionner de manière optimale. La proximité du soleil oblige tout de même à redoubler les moyens mis en oeuvre pour refroidir la machine. Aussi, le télescope est-il équipé d’un écran solaire de cinq couches prévu à cet effet.
Mécanique de précision
Il ne s’agit là, bien sûr, que de l’un des nombreux accessoires du JWST. Celui-ci dispose de surcroît d’un miroir primaire de 6,6 mètres, derrière lequel vont venir se loger quatre instruments, fruits du travail de différentes agences spatiales: comme le détaille ici le site officiel du gouvernement du Canada, on compte le NIRISS canadien, le NIRCam de la Nasa américaine, le NIRSpec européen et enfin le MIRI, effort conjoint des Etats-Unis et de l’Europe.
Mais en quoi consistent ces instruments, au juste? Ils comportent en fait une caméra et un spectromètre à intégral de champ. Au sein du système optique constitué, une roue à filtres va permettre d’ajuster la perception du rayonnement infrarouge. À l’issue de ce filtrage, l’image va venir se former sur un détecteur.
Une technologie au service d’une feuille de route
Pour aller plus avant dans la compréhension des opérations effectuées par le JWST, il faut à présent en souligner la feuille de route.
« On sait qu’il y a eu un moment dans l’histoire de l’univers où il n’existait pas une étoile, pas une galaxie, rien. On appelle ça la première nuit primordiale de l’univers. Cette nuit s’est arrêtée avec une première aube et la naissance des premières sources de lumières. C’est le graal qu’on va chercher avec ce télescope », a expliqué David Elbaz, astrophycien et directeur scientifique du département d’astrophysique du CEA-Irfu, sur notre plateau ce mardi matin, avant de poursuivre:
« L’univers est un livre d’histoire nous montrant le passé. Et on sait qu’il y a des milliards de planètes, dont certaines analogues à la Terre, et on va essayer d’explorer l’atmosphère de ces planètes et voir si elles sont habitables. On va essayer de faire des diagnostics pour voir si la planète est propice à la vie, et éventuellement si elle en a accueillie. »
En plus de la livraison de lundi, le télescope s’apprête à publier quatre nouvelles photos ce mardi sur les coups de 17h. Lui aussi invité de notre antenne, Pierre-Olivier Lagage, chef du département d’astrophysique au Commissariat à l’énergie atomique, et responsable scientifique de la contribution française au télescope James-Webb, en a dépeint l’intérêt: « Elles montreront l’étendue des thèmes sur lesquels le JWST va pouvoir avancer : la formation des étoiles – on aura l’image d’une pouponnière d’étoiles -, la fin de vie d’une étoile, l’interaction entre les galaxies, le spectre d’une exoplanète. »
Questions de méthodes
Le télescope doit donc scruter plusieurs lièvres intersidéraux à la fois. Ce qui implique de jongler entre plusieurs méthodes. d’où la nécessité d’appliquer deux techniques distinctes.
Pour éventer les secrets des exoplanètes, il utilisera la coronographie à masque de phase. En d’autres termes, l’appareil associera un masque au niveau de l’objectif de son système d’optique à un diaphragme situé quant à lui dans la roue à filtres. Une combinaison qui est la condition sine qua non pour atténuer la lumière des étoiles et, ainsi, pouvoir recevoir le signal particulièrement faible envoyé par les exoplanètes qui, sans ça, risquerait fort d’être noyé dans cette luminosité parasite.
Pour en savoir plus sur la vie des étoiles et des planètes, le JWST emploiera cette fois la spectrographie infrarouge. Le procédé est alors le suivant: le télescope enregistre la lumière renvoyée par l’atmosphère d’une planète lorsque celle-ci passe devant son étoile, dans l’idée d’observer les transits de planètes à petites périodes orbitales, comme le pose ici le CEA.
Des rouages et des neurones
Mais le jeu de ces rouages et de cette robotique – aussi impressionnant soit-il – resterait vain sans une dernière composante: la matière grise. Et les concepteurs du JWST – au nombre de 20.000 environ selon la comptabilité dressée par David Elbaz – ont déjà de quoi exercer la leur.
« On a un modèle d’évolution de l’univers et on cherche à le tester. On va voir à la fois ces premières galaxies et leur évolution dans le temps. On a une mine d’informations dans cette image qui n’est qu’une toute petite partie de l’univers », a ainsi souligné Pierre-Olivier Lagage, ajoutant encore que ses collègues et lui vont « pouvoir travailler plusieurs mois pour saisir tout ce qu’il y a dans cette image ».
Ce labeur s’annonce déjà comme un exercice de modestie selon le spécialiste: « Plus on avance dans nos connaissances, plus on se rend compte de notre ignorance ».
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