Naturopathe depuis plus de dix ans, Éric Gandon organisait des stages de jeûnes facturés à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’euros. Une femme de 44 ans est morte lors d’un de ces stages.
« Jeûner pour guérir son cancer », « améliorer sa vue avec le jeûne », sont des promesses que l’on trouve sur la chaîne YouTube d’Éric Gandon, naturopathe mis en examen jeudi des chefs d’homicide involontaire, abus de faiblesse, mise en danger de la vie d’autrui et exercice illégal des professions de médecin et pharmacien. Il a été placé en détention provisoire.
Les faits qui lui sont reprochés, pour lesquels il encourt jusqu’à trois ans de prison et qu’il conteste, ont eu lieu entre juillet 2020 et janvier 2023. L’information judiciaire a été ouverte en août 2021 après la mort d’une femme de 44 ans lors d’un stage de « cures hydriques » organisé par Éric Gandon en Touraine.
Ces stages prévoient un jeûne prolongé « consistant à ne pas absorber d’aliments solides durant une à plusieurs semaines », sans « aucun suivi médical » assuré, selon le procureur de la République de Tours, Grégoire Dulin.
Plus de dix ans d’activité
Sur sa chaîne YouTube, Éric Gandon dit « accompagner au jeûne depuis 2012 ». « Je n’ai pas toujours été naturopathe, mais j’ai toujours été passionné d’alimentation », raconte-t-il dans une vidéo publiée en 2017. En effet, son parcours a été plutôt classique pendant une large partie de sa vie. Après un BTS en horticulture et des études orientées vers le management, selon son CV en ligne, l’homme aujourd’hui âgé de 58 ans a été responsable de différents magasins, avant de monter en grade dans des grands groupes.
Toujours sur sa chaîne YouTube, il dit avoir découvert les « méthodes alternatives » au contact d’une autre naturopathe en 2004, alors qu’il souffre d’allergies, de migraines, de mycoses au pied, de mauvaise haleine « permanente » et de problèmes de sommeil.
Au fil des rencontres et des lectures, il « découvre » le jeûne, moment où sa santé « s’est radicalement améliorée ».
En 2011, il décide de devenir lui-même naturopathe et suit une formation en ce sens. ll n’existe pas de diplôme national de naturopathie, rappelle le ministère de la Santé sur son site, puisque les « médecines douces », dont elle fait partie, « n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques ou cliniques montrant leurs modalités d’action, leurs effets, leur efficacité, ainsi que leur non dangerosité ».
72.000 abonnés sur YouTube
Sur sa chaîne YouTube, dont la première vidéo date de 2011, il met en avant les prétendus bienfaits du jeûne, donne des conseils pour le mener à bien et donne à voir des témoignages de personnes qui assurent avoir guéri de maladies comme un cancer de la prostate grâce à ces cures.
Les risques du jeûne
Même lorsque le jeûne est encadré par un médecin, « il n’existe à ce jour pas d’études scientifiques suffisamment nombreuses et rigoureuses permettant de conclure quant à son efficacité thérapeutique ou préventive », rappelle le ministère de la Santé dans une fiche dédiée. Il peut toutefois entraîner des troubles du rythme cardiaque « pouvant dans certains cas conduire au décès ».
Cette chaîne que le fils du naturopathe âgé de 25 ans l’aide à tenir est à ce jour suivie par 72.000 personnes. Son fils a aussi été mis en examen des chefs d’exercice illégal des professions de médecin et de pharmacien. Lui aussi conteste l’intégralité des faits qui lui sont reprochés, selon le parquet, et comme son père, il n’a pas d’antécédents judiciaires.
Des décès à la suite de stages
Les plaintes visant Éric Gandon concernent principalement les stages qu’il organisait. Ces stages de jeûne prolongé étaient « facturés plusieurs centaines, voire milliers d’euros, sans prise en charge des frais d’hébergement » avec une vingtaine de participants, « sur des durées variables de 1 à 6 semaines », selon le communiqué du procureur de la République de Tours.
« Les séjours étaient jalonnés de temps d’échange et de diverses occupations en lien avec la médecine parallèle et l’ésotérisme proposées par des intervenants extérieurs » et « certaines prestations donnaient lieu à la perception d’une commission supplémentaire » par Eric Gandon, ajoute le parquet.
Une des plaintes fait suite au décès d’homme âgé d’une soixantaine d’années en juillet 2020, après sa participation à un stage le mois précédent alors qu’il présentait un cancer en phase terminale. Une autre concerne la mort d’une jeune femme en mars 2022. Elle souffrait d’un cancer du foie, était en rupture de traitement et a suivi les formations et un stage d’Éric Gandon entre mai et septembre 2021.
Les deux autres plaintes concernent des personnes encore vivantes, rapporte le parquet: « une participante au stage organisé à l’été 2021 » qui « considérait sa santé mise en danger » par cette expérience et une femme souffrant d’une maladie de la thyroïde « se disant particulièrement vulnérable et fragilisée lors du stage » de cet été 2021, lors duquel un participant est mort.
Ces décès et les arrêtés de la préfecture interdisant ces séjours n’ont pas empêché Éric Gandon de poursuivre l’organisation de stages de jeûnes et la promotion de ses méthodes, selon les éléments récoltés lors de l’information judiciaire.
La Miviludes alerte sur les stages de jeûne
Dans son rapport d’activité 2021, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), faisait état d’une « diversification des pratiques et des offres de jeûne ».
« Des personnes vulnérables, parfois intolérantes aux effets secondaires de certains traitements ou souffrant de pathologies incurables, peuvent être tentées par ces jeûnes présentés comme ‘miraculeux' », soulignait-elle.
La Miviludes pointait particulièrement les stages de jeûnes, qui exposent les participants à « de graves préjudices personnels ». Elle nommait par exemple les coûts induits par les séjours qui « peuvent très vite devenir exorbitants », « les carences alimentaires » pouvant « dangereusement affaiblir les participants, les rendant plus facilement manipulables et exploitables » et « les discours préconisant une médecine parallèle non éprouvée ».
Ces derniers présentent le risque de détourner les participants de la médecine conventionnelle et de leurs traitements médicaux, « engendrant de graves conséquences pour leur santé et les exposant à une perte de chance ».
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