L’Union européenne va imposer des droits de douanes spécifiques pour les importateurs de véhicules produits en Chine. Une surtaxe allant de 17% à 38% qui doit compenser les subventions faussant la concurrence avec les constructeurs européens. Mais des effets pervers pourraient finalement émerger, pénalisant les consommateurs.
La Commission européenne a confirmé ce mercredi 12 juin la mise en place de droits de douane spécifiques visant les importations de véhicules produits en Chine.
La conclusion d’une longue enquête qui visait à mettre en évidence les subventions dont peuvent bénéficier les constructeurs présents en Chine et qui exportent en Europe: les marques chinoises, mais aussi les coentreprises de constructeurs européens et Tesla, seule entreprise étrangère à produire en Chine sans s’appuyer sur un partenaire local. Une décision qui pose de nombreuses questions.
• Pourquoi cette hausse des droits de douane pour les voitures produites en Chine?
Alors que l’Union européenne a mis le cap vers des ventes de voitures neuves uniquement électriques en 2035, l’offre « zéro émission » se développe fortement ces dernières années.
Face aux modèles des constructeurs européens, leurs concurrents chinois ont lancé une importante offensive commerciale avec plusieurs marques qui sont désormais présentes, comme BYD ou MG.
D’après les chiffres de la Commission, la part de marché de l’industrie européenne dans les ventes de voitures neuves est ainsi passée de 68,9% en 2020 à 60% en 2023. Dans le même temps, la part de marché des importations chinoises a grimpé de 3,9% à 25%.
Mais l’Europe soupçonnait une concurrence déloyale, avec des prix faussés par un large régime de subventions. C’est ce qui a déclenché l’ouverture de cette enquête, qui consistait à l’envoi d’un questionnaire, des échanges d’informations entre la Commission, les constructeurs concernés et les autorités chinoises et à des visites d’usines en Chine.
L’enquête a ainsi permis de mettre en évidence ces subventions directes ou indirectes, avec par exemple la fourniture de lithium et de batteries à des prix inférieurs aux prix de marché, des terrains pour la construction d’usine à un tarif tout aussi favorable, des exemptions de taxes locales ou un système de financement faussé notamment via des obligations vertes.
L’objectif est aussi de sortir de l’idée d’une Europe considérée souvent comme « l’idiot du village global ». Jusqu’ici, seule une taxe de 10% s’appliquait pour les véhicules importés dans l’Union. Elle est de 100% aux Etats-Unis, de 40% en Turquie ou encore entre 70 et 100% en Inde, a détaillé un expert de la Commission européenne lors d’un point presse organisé mercredi.
• Quelle hausse de prix pour les véhicules visés?
La Commission a fixé des surtaxes à des niveaux différents selon les résultats de l’enquête et qui s’ajouteront aux droits de douane « normaux » de 10% à partir de début juillet.
BYD écope du régime le plus favorable, avec une surtaxe de 17,4%. Ce sera 20% pour Geely, qui produit notamment les nouvelles Smart dans le cadre de sa coentreprise avec Mercedes-Benz et 38,1% pour le groupe SAIC et la marque MG.
« On attendait plutôt une surtaxe de l’ordre de 10 points donc ces droits additionnels se révèlent assez agressifs: pour MG, on serait à près de 50% de droits de douane », réagit un expert du secteur automobile.
Tesla est de son côté rangé dans une catégorie à part, avec une surtaxe à 21%. Un taux qui pourrait être révisé dans les prochaines semaines avec des échanges prévus entre la Commission et le constructeur américain.
Du côté des marques françaises, seul Dacia produit sa Spring en Chine et le groupe Renault n’a pas encore répondu à notre demande de commentaire sur une potentielle hausse de son prix, alors qu’une nouvelle version va être lancée dans les prochaines semaines.
Stellantis, de son côté, n’importe pas de voitures électriques produites en Chine. Sa coentreprise avec le marque chinoise Leapmotor vise une production en Europe et ne sera donc pas concerné que dans un premier temps par ces droits de douane. Les premiers modèles LeapMotor seront lancés en Europe en septembre.
Si des hausses de prix sont donc attendues sur les véhicules électriques importés, il est difficile d’anticiper les conséquences réelles sur les tarifs pratiqués par ces différentes marques. Les droits de douane s’appliquent en effet sur un tarif non-communiqué de la voiture en sortie d’usine. En réduisant par exemple leur taux de marge, les entreprises concernées pourraient ainsi ne pas répercuter entièrement les conséquences de ce nouveau régime douanier au client final.
Ces « droits provisoires » rentreront en application le 5 juillet sur les nouveaux véhicules importés et donc pas les stocks. Un point important alors que les ports européens débordent actuellement de voitures chinoises, ce qui pourrait aussi permettre de lisser l’évolution des prix dans le temps, jusqu’à début novembre et un vote des Etats membres qui décidera si ces mesures sont maintenues.
• Quels sont les effets attendus en Europe?
Pour la Commission européenne, la mise en place de ces droits de douane provisoires doit permettre de protéger l’industrie européenne de cette concurrence jugée déloyale.
L’enjeu est de taille avec près de 2,5 millions d’emplois directs et 10,3 millions d’emplois indirects. Les constructeurs européens investissent massivement dans la transition vers l’électrique et les régulateurs veulent ainsi garantir les débouchés pour cette nouvelle offre.
« Ces droits de douane doivent être une étape provisoire pour se protéger de cette concurrence déloyale, mais les constructeurs européens doivent continuer les efforts pour innover et améliorer la productivité », réagit notre expert du secteur automobile.
Une manière aussi d’inciter les entreprises chinoises à produire en Europe et donc à soutenir l’investissement et l’emploi local. BYD a déjà prévu de construire une usine en Hongrie et MG doit annoncer d’ici à la fin de l’année son futur site de production en Europe.
• Des effets pervers potentiels?
Déjà agacée par l’ouverture de cette enquête, la Chine a d’ores et déjà réagi en indiquant ce jeudi qu’elle « se réserve le droit » de porter plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et promis de « prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre résolument les droits et les intérêts des entreprises chinoises ».
Un risque de représailles économiques déjà pointé du doigt et qui dépasse le secteur automobile. En janvier, Pékin avait lancé une enquête visant toutes les eaux-de-vie de vin importées de l’Union européenne. Dans ce contexte, les producteurs de cognac se sont dits mercredi « profondément » inquiets.
Si les constructeurs français sont peu présents en Chine, les marques allemandes ont beaucoup à perdre avec une hausse éventuelle des droits de douane sur les cylindrées supérieurs à 2,5 litres, avancée par les autorités chinoises. Or, cela représente 100% des ventes de Porsche en Chine l’an dernier, 22% pour Mercedes, 14% pour BMW et 4% pour Volkswagen, rappelle une note d’analyse d’UBS.
Enfin, le principal risque reste de voir une hausse des prix des voitures électriques, pas seulement les modèles de marques chinoises, au moment où un mouvement inverse commence à s’observer avec les lancements des nouvelles Renault R5 et Citroën C3 cette année.
Les marques chinoises viennent en effet de perdre l’éligibilité au bonus écologique en France. En prenant en compte cette perte et la hausse des droits de douane, MG (le constructeur le plus touché par cette hausse des droits) pourrait voir doubler le prix de sa MG4. Or ce modèle a contribué au développement des ventes de voitures électriques depuis son lancement fin 2022. Sans parler de la pression à la baisse sur les prix des voitures électriques depuis l’arrivée des marques chinoises, poussant les marques européennes à réduire leurs marges et à proposer des véhicules plus abordables aux consommateurs.
Le prix des voitures électriques made in Europe pourrait aussi augmenter: la Chine reste en effet le principal producteur de batteries et la filière européenne reste dépendante de ces fournisseurs en attendant la construction de ses propres sites de production, les fameuses Gigafactories. Une hausse du prix des batteries, en représailles, pourrait ainsi contribuer à renchérir le coût de production de ces voitures en Europe.
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