Disparition des coraux, nouvelles espèces invasives, conséquences sur la pêche… Avec une température de l’eau largement supérieure aux normales saisonnières, les écosystèmes endémiques sont menacés.
Lors d’un épisode de fortes chaleurs, l’être humain ressent de l’inconfort, cherche la fraîcheur et, si les températures sont trop intenses, peut en mourir. C’est la même chose pour les organismes vivant sous l’eau, notamment dans la mer Méditerranée.
Ces derniers jours, en raison des épisodes caniculaires longs et intenses et de l’absence de vent, la température de l’eau se situe entre 28 et 30°C au large de la côte d’Azur et de la Corse. La barre des 30°C a même été dépassée localement. Des températures exceptionnelles qui dépassent de 4 à 6°C les normales de saison. Le phénomène ne concerne pas uniquement les côtes françaises mais tout le bassin méditerranéen (Italie, Maghreb, Espagne…).
Si la température de l’eau peut ravir les baigneurs, elle peut avoir des conséquences dévastatrices sur la biodiversité marine. Selon un rapport de WWF, la Méditerrannée se réchauffe 20% plus vite que la moyenne mondiale.
Disparition des coraux, habitats de nombreuses espèces
La Méditerranée est considérée comme un « hotspot » de biodiversité puisqu’avec moins de 1% de la surface des océans, elle abrite environ 10% de l’ensemble des espèces marines. Toutefois, cet écosystème est menacé par le réchauffement des eaux, qui vient s’ajouter aux pressions humaines pré-existantes comme la surpêche, la pollution ou le transport maritime.
Une grande partie des espèces sous-marines vit dans les récifs coralliens. Ces derniers sont directement menacés par les fortes températures enregistrées. Une étude de l’Université de Barcelone et de l’Institut des Sciences Marines révèle que la multiplication des vagues de chaleur a anéanti 80 à 90% des populations de coraux dans certaines zones de la Méditerranée. Les gorgones rouges et le corail rouge, qui fournissent un habitat indispensable à la faune locale, sont particulièrement concernés.
Si un épisode caniculaire ne tue pas directement le corail, il l’endommage fortement. En cas d’autre vague de chaleur qui toucherait peu après la mer Méditerrannée, avant que le corail n’ai pu se régénérer, il périra lors de ce nouvel épisode. Une disparition inquiétante pour les autres espèces mais également car les récifs coralliens font office de barrière protectrice atténuant l’effet des vagues côtières en cas de tempête.
Des espèces endémiques menacées d’extinction
De nombreuses espèces endémiques souffrent de cette surchauffe. C’est le cas, par exemple, des oursins ou des éponges de mer. « Lorsque les températures augmentent, les gaz, dont l’oxygène, ont du mal à se dissoudre dans l’eau, alors que c’est un moment où la faune a encore plus besoin d’oxygène », explique Franck Lagarde, docteur en sciences marines à l’Ifremer, à BFMTV.com.
À titre d’illustration, les posidonies, des herbes marines endémiques de la Méditerranée, sont fortement affectées par ces changements. Elles jouent pourtant un rôle fondamental pour les écosystèmes puisqu’elles stockent le CO2.
700 espèces marines sont menacées d’extinction en Méditerranée, rapporte La Provence. « Ce n’est pas une grande surprise », explique Jean-Pierre Gattuso, océanographe et directeur de recherche au CNRS au laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer, qui a contribué au dernier rapport du Giec, à BFMTV.com.
« Il y a à la fois un réchauffement graduel qui entraîne une migration d’espèces marines, et un réchauffement soudain qui provoque une mortalité importante d’invertébrés », poursuit-il.
Une « tropicalisation » de la Méditerranée
En effet, si les espèces endémiques ne sont pas faites pour de telles températures, d’autres bénéficient de cette hausse. WWF parle ainsi de « tropicalisation » de la mer Méditerranée. Conséquence, de nouvelles espèces plus exotiques apparaissent dans les eaux méditerranéennes.
La Méditerranée « commence à ressembler à la mer Rouge », explique Frédéric Denhez, journaliste et écrivain spécialiste des questions environnementales, sur notre antenne.
On estime « près de 1000 espèces exotiques ont déjà migré dans les eaux chaudes de la grande bleue pour remplacer des espèces endémiques », annonce WWF. Certaines viennent du sud-est de la Méditerranée mais d’autres migrent même depuis la mer Rouge, via le canal de Suez. Par exemple, les pêcheurs rencontrent de plus en plus de mérous ou de barracudas près des côtes méditerranéennes.
De nouveaux poissons invasifs
D’autres nouveaux poissons peuplent désormais la Méditerranée, mais ne sont, en revanche, pas nécessairement les bienvenus. « Au total, près de 1000 nouvelles espèces invasives dont 126 de poissons ont rejoint la Méditerranée », détaille WWF.
C’est le cas, par exemple, du poisson-lapin, ou Siganus, une espèce herbivore et extrêmement destructrice, qui a envahi les eaux turques. Sa présence met en danger les écosystèmes puisqu’il dévore toutes les algues sur les récifs, privant les autres espèces de ressources ou même d’habitat. Même cas de figure pour le poisson-lion, originaire de l’Océan indien, ou le poisson-ballon qui s’attaquent directement aux autres espèces et qui, eux, n’ont pas de prédateurs clairement identifiés en Méditerranée.
À Chypre, le département de la Pêche et le ministère de l’Agriculture ont même mis en place, avec l’Union européenne, un programme récompensant les captures de poissons-ballons pour limiter la prolifération de cette espèce qui s’attaque aux crevettes, aux crabes ou aux poissons indigènes.
Menace pour la pêche et l’aquaculture
Des changements qui ont également des conséquences néfastes pour des secteurs comme le tourisme ou encore la pêche. En ce mois de juillet, l’étang de Thau, à Sète (Hérault), a enregistré une eau à 29,7°C. « En 20 ans, la lagune a augmenté de 1,6°C en moyenne, c’est déjà plus que les 1,5°C de l’Accord de Paris », explique Franck Lagarde.
Une hausse des températures qui impacte l’aquaculture dans l’étang, notamment la production d’huîtres. « En 2019, la canicule a bloqué la production pendant un an », explique Franck Lagarde. En cause: des écosystèmes qui fonctionnent différemment face à la chaleur et de nouvelles bactéries qui se développent.
Selon des projections, d’ici le milieu du siècle, les vagues de chaleur devraient être deux fois plus nombreuses que sur la période 1976-2005. Le phénomène de réchauffement de la mer Méditerranée n’est pas en voie de s’améliorer.
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