L’article L435-1 du Code de la sécurité intérieure dresse une liste de situations où les policiers et gendarmes peuvent faire usage de leurs armes. Mais seulement « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ».
Il est un peu après minuit dans la nuit de jeudi à vendredi quand quatre policiers en patrouille décident de contrôler un véhicule identifié comme volé, stationné sur le parking d’un supermarché de Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise. Alors que les forces de l’ordre commencent à encercler la voiture pour y déployer des « stop sticks », une barre permettant de crever des pneus avec de petites pointes, l’homme au volant du véhicule démarre. Un des quatre policiers est alors projeté sur le capot.
Alors que le conducteur continue sa fuite, le policier sur le capot ainsi qu’un de ses collègues font usage à multiples reprises de leur arme. La voiture finit sa course 100 mètres plus loin. À l’intérieur, deux occupants sont retrouvés grièvement blessés. Le passager de 20 ans décède sur place de ses blessures, le conducteur de 26 ans est quant à lui touché à la tête et considéré en urgence absolue.
La mort de ce jeune homme, liée à un refus d’obtempérer, s’inscrit dans une série noire depuis le début de l’année. Le 24 avril sur le Pont-Neuf à Paris, deux hommes avaient été abattus par un policier armé d’un fusil d’assaut alors que leur véhicule aurait foncé sur les forces de l’ordre. Plus récemment, le 4 juin, une jeune femme, passagère d’un véhicule en fuite après une tentative de contrôle policier, avait perdu la vie, touchée par des tirs policiers dans le 18e arrondissement à Paris.
Ces différents événements ont à chaque fois suscité d’intenses débats. Suite à la mort de la jeune femme en juin, Jean-Luc Mélenchon avait déclaré: « La police tue et le groupe factieux Alliance justifie les tirs et la mort pour « refus d’obtempérer ». La honte c’est quand ? ». À l’opposé, Marine Le Pen avait réclamé la « présomption de légitime défense » pour les forces de l’ordre. Au-delà des sorties politiques, que dit exactement la loi sur l’usage des armes à feu lors d’un refus d’obtempérer? BFMTV.com fait le point.
Une riposte calquée sur l’attitude du chauffeur
Le refus d’obtempérer est, selon l’article L233-1 du Code de la route, « le fait pour tout conducteur d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ».
Face à ce délit, la réponse policière est dictée dans les textes par l’attitude que va adopter le conducteur. Lorsqu’il est établi que le chauffeur ne va pas s’arrêter, les forces de l’ordre ont d’abord la possibilité de déployer des « stop sticks », ou des herses, comme ont d’abord tenté de le faire à Vénissieux jeudi soir les policiers, selon les informations recueillies par BFMTV.
Si le conducteur parvient tout de même à prendre la fuite, mais qu’il n’utilise pas son véhicule comme une arme pour viser les policiers, ces derniers ne sont pas autorisés à utiliser leur pistolet. Ils ont pour consigne de relever la plaque d’immatriculation, et la voiture sera signalée. L’automobiliste sera ensuite convoqué.
Uniquement lorsque la voiture est utilisée comme arme
La donne change quand la voiture en fuite menace les policiers. Si leur vie est menacée, les forces de l’ordre peuvent avoir recours à leur arme. La légalité de ce geste est alors déterminée par la notion de légitime défense. Cette notion sera validée ou non par l’IGPN, la police des polices, qui ouvre une enquête à chaque fois qu’un policier fait usage de son arme.
En France, le recours à la force par les policiers est encadré par la loi de février 2017 relative à la sécurité publique. Avec ce texte, les conditions « d’ouverture du feu » des policiers, qui étaient avant soumis aux principes de la légitime défense comme tous les autres citoyens, se sont calquées sur le régime des gendarmes, vu comme plus souple.
L’article L435-1 du Code de la sécurité intérieure dresse la liste des situations où « les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent (…) faire usage de leurs armes ». Une des cinq situations listées peut servir de justification si un chauffeur en situation de refus d’obtempérer se met à utiliser son véhicule comme une arme.
L’article L435-1 mentionne ainsi le cas de figure où les policiers « ne peuvent immobiliser, autrement que par l’usage des armes, des véhicules, embarcations ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui ».
« En cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée »
Mais le Code de la sécurité intérieure mentionne plusieurs conditions pour que cet usage du feu entre dans le cadre de la légalité. D’abord, il faut que les agents de police ou les gendarmes soient vêtus de leur uniforme de service et que des insignes extérieures relatifs à leur statut soient visibles.
De plus, les tirs réalisés doivent l’être « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ». Leur mission première? « Immobiliser » le véhicule, comme le mentionne le Code de la sécurité intérieure.
C’est à l’IGPN de déterminer si ces conditions sont bien respectées. Ainsi, lors de la mort d’un des passagers du véhicule, comme cela a été le cas à Vénissieux jeudi soir, la police des polices doit s’assurer que la gravité de la riposte était proportionnelle à la menace que faisait peser le conducteur en fuite.
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