Des bébés en réanimation ont dû être transférés faute de place dans les services pédiatriques, saturés par les cas de bronchiolite.
« L’hôpital est en difficulté », a déclaré le ministre de la Santé François Braun mardi, en visite à l’hôpital Necker, à Paris. Depuis plusieurs jours, alors que l’épidémie de bronchiolite s’est étendue à la quasi-totalité de l’Hexagone, les services pédiatriques sont saturés et 31 enfants en réanimation ont dû être transférés dans d’autres régions en raison du manque de lits par endroits.
« La situation ne cesse de se dégrader partout en France », peut-on lire dans un communiqué signé par 7000 personnes du collectif pédiatrie, adressé au président de la République lundi. « Les mises en danger d’enfants sont innombrables et quotidiennes », écrivent-ils.
« On ne s’est pas préparé » à l’épidémie de bronchiolite
La saturation actuelle est notamment causée par une arrivée de nombreux cas de bronchiolites, en raison de l’épidémie saisonnière en cours. Plus de 1400 enfants de moins de deux ans ont ainsi été hospitalisés la semaine du 17 au 23 octobre 2022, et 4311 se sont rendus aux urgences pour des cas de bronchiolite, rapporte Santé Publique France dans son dernier bilan.
« La bronchiolite est liée à une infection par le virus respiratoire syncytial (VRS). Ce virus est potentiellement grave pour les jeunes enfants » et peut amener à une hospitalisation, voire à un placement en réanimation du bébé, explique le ministère de la Santé.
Mais l’épidémie actuelle est « une situation qui est prévisible annoncée d’années en années, les épidémies de bronchiolite se suivent et se ressemblent », déclare sur BFMTV Vincent Gajdos, chef de service adjoint de l’unité de pédiatrie générale à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), qui assure que l’épidémie n’est pas plus forte que celle de l’année dernière. « Le fait que l’on ne soit pas capable d’y faire face montre que l’on ne s’y est pas préparé », lance-t-il.
« C’est la quatrième année que l’on pousse un cri d’alarme sans être entendu, cette année nous sommes au bord de la catastrophe », déplore également auprès de BFM Paris-Île-de-France Stéphane Dauger, chef du service de médecine intensive à l’hôpital Robert-Debré (Paris).
Des transferts de bébés pas anodins
Dans plusieurs hôpitaux de France, le plan blanc a été activé. Des services sont en effet obligés de transférer des bébés, faute de places pour les accueillir, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux.
Dylan, père d’un nourrisson souffrant de la bronchiolite, a ainsi raconté à BFMTV comment son bébé a été transféré par un véhicule du SAMU de Paris à Lille. Sur le mois d’octobre à l’hôpital Antoine Béclère « nous avons déjà réalisé 30 transferts à plus de 30km de l’hôpital, dont une douzaine hors région », explique aussi Vincent Gajdos. Des chiffres supérieurs aux années précédentes selon lui.
Or, ces transferts ne sont pas anodins, « un enfant instable par définition, moins on le déplace, mieux c’est pour lui, plus on le déplace plus on prend de risques », souligne Vincent Gajdos. « Heureusement on arrive encore à faire face, mais on n’est pas à l’abri d’un accident. »
« Il y a un risque certain à transférer un enfant instable dans un camion de SAMU sur plusieurs heures », abonde sur BFMTV Jean Bergounioux, chef de service de neurologie et de réanimation pédiatrique à l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine). « Il y a des transferts qui ont été faits (de Paris, ndlr) à Lille ce week-end, c’est deux heures et demi de route, pour un enfant instable ce n’est pas acceptable. »
Des difficultés « à trouver des effectifs »
La situation actuelle est surtout due au manque de soignants dans les hôpitaux, qui ne trouvent pas preneurs à leurs offres d’emplois. Dans le service pédiatrique de La Timone à Marseille (Bouches-du-Rhône), 15% des lits sont ainsi fermés par manque de personnel. « Nous n’avons pas de difficultés à ouvrir des postes mais à trouver des effectifs infirmiers », déplore Hervé Chambost, chef du service de pédiatrie et oncologie pédiatrique à l’hôpital de la Timone.
« Nous sommes débordés parce que les services manquent de médecins et surtout d’infirmières, ils sont donc obligés de fermer des lits », dit également Stéphane Dauger.
« Je pense que tout cela ça tient à un manque de reconnaissance global de ces professions, et malheureusement en pédiatrie on a quand même besoin de gens motivés, qualifiés », déclare à BFM Normandie Juliette Raghani, pédiatre au sein du service d’urgences pédiatriques du CHU de Rouen. « De plus en plus on entend des gens qui partent alors qu’ils adoraient leur métier, mais le fonctionnement est de plus en plus difficile ».
Pour attirer de nouveau des soignants à l’hôpital, « il faut urgemment donner des signaux forts: d’attractivité, de sens au métier, de conditions de travail, bien sûr aussi de revalorisation salariale », appuie Vincent Gajdos, qui appelle également à former plus de personnes à la pédiatrie.
« Il y a tout un plan d’attractivité à mettre en place pour que la qualité de vie au travail, les conditions d’organisation du travail, rendent vraiment la vie à l’hôpital agréable pour ces soignants », abonde Hervé Chambost.
« Il faut reconnaitre le problème »
Les soignants appellent le gouvernement à agir rapidement, car l’épidémie de bronchiolite n’en est qu’à son début, et que les difficultés pourraient s’accumuler avec l’arrivée d’autres virus respiratoires hivernaux.
« Le gouvernement va porter des aides conséquentes », a assuré mardi François Braun, qui reçoit ce mercredi les professionnels de santé. L’exécutif a déjà répondu par l’annonce d’un « plan d’action immédiat » et le déblocage de 150 millions d’euros pour « les services en tension de l’hôpital ». Il n’est toutefois pas encore précisé quelle part de l’enveloppe reviendrait aux services pédiatriques.
« La pédiatrie est à genoux », assure Vincent Gajdos, pour qui « il faut reconnaitre le problème et il faut acter que les politiques menées depuis plus de 20 ans mais aussi ces cinq dernières années sont responsables de la situation. Si on ne le fait pas, on ne peut pas avancer. »
En attendant, il est demandé aux parents de ne recourir aux urgences qu’en cas de symptômes inquiétants chez son bébé, et sinon de passer par son médecin traitant ou son pédiatre. « Si on a l’impression que son bébé est particulièrement gêné, à la fois pour s’alimenter, s’hydrater, et présente des signes de détresse respiratoire (…) c’est les urgences qu’il faudra consulter », explique Stéphane Dauger.
Pour éviter que son nourrisson attrape la bronchiolite, il faut respecter les gestes barrières et éviter que le bébé soit en contact avec trop de personnes avant ses trois mois, écrit le ministère de la Santé.
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